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Coimbra-Penafiel : Académica, un monument du foot portugais est en danger

Nicolas Vilas

Mis à jour 19/12/2014 à 21:46 GMT+1

En plein flirt avec les relégables, l’Académica de Coimbra espère renouer avec le succès ce week-end lors d'un duel de mal-classés face à Penafiel qui permettrait au doyen des clubs portugais d’atténuer une souffrance à laquelle il est trop habitué. Et il n’y pas que sur le terrain que la Briosa inquiète.

Académica de Coimbra

Crédit: AFP

Les années passent et la Briosa (fière, en portugais)  commence à les sentir passer. L’Académica, doyen des clubs professionnels portugais, bataille cette saison encore pour son maintien. Ce dimanche, elle reçoit Penafiel. Une affiche de mal-classés et les hommes de Paulo Sérgio seraient bien inspirés de se remettre à gagner. Au-delà de la série de huit rencontres sans succès, le club de Coimbra ne compte qu’une victoire en 15 matches officiels en 2014-2015. Avec 9 points en 13 journées, il est ex-aequo avec Arouca, premier relégable. Son pire bilan depuis 2002-2003 qui marquait son retour dans l’élite.
Il s’était alors sauvé lors de l’ultime journée. Sougou qui avait explosé à Coimbra (2008-2011) ne s’en fait pourtant pas plus que ça pour son ex : "L’Académica débute souvent mal ces saisons mais finit par se maintenir." Des émotions qu’elle aimerait éviter et qui sont très éloignées de celles qui ont fait sa réputation. En 1939, l’Associação Académica de Coimbra remporte la première édition de la Coupe du Portugal. Dans les années 1960, elle vient titiller le Glorioso Benfica. Elle termine deuxième du championnat en 1967. Deux ans plus tard, elle se présente en finale de la Coupe face au SLB. L’un des moments les plus symboliques de son histoire et de celle du football portugais.
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Sergio Conçeicao, coach de l'Académica de Coimbra

Crédit: AFP

"Un club que tout le monde aime"

En ce 22 juin 1969, les joueurs de l’AAC se présentent au Jamor avec leur traditionnelle cape d’étudiant ouverte et posée sur leurs épaules, en signe de deuil. Fondée en 1887, l’Académica est issue de la prestigieuse université de Coimbra, l’une des plus anciennes d’Europe. Dans les années 1960, le pouvoir salazariste vacille. Les guerres coloniales débutent. Les premières grèves estudiantines aussi. Les facs couvent les mouvements contestataires. La Briosa va les promouvoir. Son stade, ses matches incarnent l’opposition à la dictature. Cette finale de la Taça 69 est plus qu’un match.  
Des tiffos anti-Estado Novo sont brandis dans le Estádio Nacional. Le buteur-star des Estudantes, un certain Artur Jorge, est convoqué ce jour-là dans un camp pour son service militaire. Jorge est alors l’un des leaders de la fronde. Ses camarades vont batailler mais s’incliner, aux prolongations (2-1), face à Eusébio et sa bande. Plus que leur défaite, c’est leur défiance qui s’est inscrite dans les mémoires et a fait grimper leur cote de sympathie. Dans un Portugal divisé par le clubisme, l’Académica est un ovni.
"C’est un club que tout le monde aime, explique Jonathan Bru (2009-2010), actuel leader de D2 avec Oliveirense. La ville est sympa, jeune, étudiante et l’Académica a une histoire forte, prenante." Comme Sougou, Bru ne s’inquiète pas : "Je ne m’en fais pas trop pour eux. Au cours des derniers matches, ils se sont montrés plus solides défensivement, grâce notamment à Oualembo qui vient enfin d’avoir sa chance." Le gardien français Romuald Peiser a porté le maillot noir (couleur des étudiants au Portugal) durant quatre ans (2010-2014). Et il en garde une émotion particulière : "On sent le passé, la dimension historique de ce club lorsqu’on est fait partie. Il y a un potentiel énorme dans cette ville, ce club qui pourrait faire bien mieux…"

Entre modernité et tradition

Depuis la fin de ces temps glorieux, l’Académica souffre de schizophrénie. Prise entre une volonté de modernité et les traditions. La révolution des Œillets (25 avril 1974) pour laquelle ses universitaires avaient tant œuvré va marquer un tournant. Une AG d’étudiants vote l’extinction de la section foot, jugée trop éloignée des principes amateurs prévalant dans les autres disciplines. Les joueurs effectuent alors une tournée en Espagne. En réaction à cette décision, les pro-foots fondent le Clube Académico de Coimbra. L’été sera chaud. Il faudra batailler pour que l’AAC et la fédé reconnaissent sa légitimité. Le virage est pris.
Le professionnalisme du club s’assume. En 1977, l’arrivée du Brésilien Jaedson ouvre une (nouvelle) polémique. Jusqu’ici, l’équipe n’était composée que d’étudiants de la fac de Coimbra. Certains étrangers – comme les Brésiliens João et Francisco Ferreira (1922), José Amaral (1927), Matias (1929) ou Waldemar Amaral (1931) – avaient revêtu la tunique noire mais leur motivation première était scolaire. L’AAC sera, avec le Benfica (1979), l’un des derniers clubs à s’ouvrir aux  "immigrés." C’est en son sein qu’on trouve le premier français de l’histoire de la Liga : Jacques Braz Batista (1945-47), lusodescendant né à Paris.
Cette saison, la Briosa ne compte que onze éléments nationaux (41% de l’effectif), soit le chiffre le plus bas de son histoire. Pas simple d’être un monument au Portugal, surtout lorsqu’on est dans l’ombre de trois colosses. Le club qui a révélé le redoutable buteur Artur Jorge, le mythique milieu Toni, l’imprévisible Conceição, ne compte qu’une quinzaine d’internationaux A et n’a plus alimenté la Seleção depuis 1989 (Pedro Xavier). Ces dernières années, l’AAC est surtout devenue une académie à entraîneurs. Jesualdo Ferreira (1984-1985), Domingos (2007-2009), Villas Boas (2009-2010), Jorge Costa (2010-2011), Pedro Emanuel (2011-2013 qui remportera la deuxième Coupe du club en 2012) ou Sérgio Conceição (2013-2014) s’y sont révélés. A en croire Peiser, l’Académica serait à l’image de son président, José Eduardo Simões : "Dans ce milieu, il faut avoir deux facettes."
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José Eduardo Simões , président de l'Académica de Coimbra

Crédit: AFP

Une gestion difficile

La saison 2002-2003 représente une autre date marquante pour les amants de l’Académica. Elle correspond au retour du mythique Artur Jorge. Lorsqu’il se réinstalle à Coimbra, l’ex-entraîneur du PSG hérite d’une équipe en souffrance, avant –dernière du championnat. Les problèmes de trésorerie sont déjà une réalité. Mister Jorge n’accepte d’être payé que si l’équipe se maintient. Ce sera le cas. Un geste fort mais qui ne suffira pas à résorber les soucis structurels d’une institution dont l’horizon économique ne peut se résumer qu’à la survie. Cette année, le budget avoisine les 3,5 millions d’euros.
Honorer les salaires est devenu LA mission pour ses dirigeants. Pas toujours réalisable… "J’ai dû faire appel aux tribunaux pour tenter d’obtenir une partie de mon argent. L’affaire est en cours", confie Romu. Il y a moins d’un mois, Conceição né et formé à Coimbra – qui est passé de la Briosa à Braga l’été dernier – balançait : l’AAC lui doit plusieurs mois de salaire. "Il convient de préciser que sont les gens qui dirigent l’Académica qui sont en cause et non l’institution pour qui j’ai beaucoup de respect et qui est au-dessus de tout." Un tacle adressé au président José Eduardo Simões qui, cette semaine, célèbre ses dix ans de règne à l’AAC. Et tout n’a pas été simple, pour lui. A l’été 2013, les socios le désavouent dans l’adoption du nouveau statut juridique de la société sportive (il voulait une SA, ce sera une société sportive unipersonnelle par cotisations : SDUQ, dont l’unique sociétaire est le club). Simões entendait libéraliser l’AAC. "Il gère le club comme une entreprise, analyse Peiser. Lui c’est le chef et nous les employés. Il nous disait que ce n’était pas une démocratie et qu’il gérait comme il l’entendait."

Un président "fier" et "joueur"

JES est un homme engagé  contre Mario Figueiredo, l’ancien patron de la Ligue mais il l’est tout autant auprès du nouveau, Luis Duque. Le nom de Simões figurait parmi les possibles prétendants. "Pas la peine d’être président de quoi que ce soit pour contribuer et avoir des initiatives civiques", rétorquait-il. Les siennes n’ont pas toujours été exemplaires. En 2012, il écope de six ans de prison pour huit crimes de corruption. Les faits datent de l’époque où il était le Directeur de l’urbanisme de la mairie de Coimbra. Il est accusé d’avoir attribué des marchés à des promoteurs immobiliers en échange de dons… pour son club.
En septembre dernier, la sanction est ramenée à une amende 100 000 euros à reverser auprès de deux institutions caritatives. Tout ça ne l’a pas empêché d’être réélu en mai dernier. De peu (à 15 voix près). Cet ingénieur civil de 58 ans a toujours un plan. "Il joue avec toutes les possibilités que lui offrent les généreuses lois du football", sourit Peiser. JES est passionné par son AAC. Né Coimbra, il a été diplômé (en 1979) de sa fameuse Universidade. L’actuel portier du Ottawa Fury le concède : "Il est fier d’être président et ne s’en cache pas."
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