Premier League - Liverpool a choisi Arne Slot comme entraîneur : Un saut dans l'inconnu ?
Selon toute vraisemblance, Arne Slot, actuel entraîneur de Feyenoord, prendra la succession de Jürgen Klopp sur le banc de Liverpool à l'issue de la saison. Après huit ans et demi sous la direction du coach allemand, les Reds s'apprêtent à un saut dans l'inconnu avec le Néerlandais. Chronique de notre consultant Philippe Auclair.
Le conflit Klopp-Salah comme symbole : "Liverpool s'effiloche devant nos yeux"
Video credit: Eurosport
Voilà plus de trois mois que Jürgen Klopp assiste à son propre enterrement; encore deux semaines à tenir, et le cortège funèbre se dispersera pour de bon, la mine un peu plus longue aujourd'hui que lorsque Liverpool remporta la League Cup au mois de février. On ne savait pas alors que ce trophée, le septième de son règne de huit ans et demi, serait le dernier. On s'imaginait même que d'autres suivraient. Un second titre de champion après celui de 2019-20, une Ligue des Champions de plus, et pourquoi pas la FA Cup pendant qu'on y était. Pendant que lui, le plus grand manager de l'histoire des Reds avec Bill Shankly, y était.
Annoncer son départ en janvier - un départ dont Klopp avait avisé ses dirigeants en novembre 2023 - était un pari qui, dans un premier temps, sembla réussir. Plus personne ne serait de cet avis aujourd'hui. Miné physiquement, mentalement, nerveusement, Liverpool a péréclité. L'union sacrée autour de son entraîneur n'est plus, même si rien ne peut entamer l'amour que lui vouent les habitués du Kop et les millions d'autres qui souhaiteraient y prendre place.
Il y a eu ces résultats cinglants, comme la défaite face à Crystal Palace à Anfield (0-1). L'élimination en quarts de la Cup par...Manchester United (4-3), et pas le MUFC de Sir Alex, mais celui de ten Hag. L'effondrement contre l'Atalanta (0-3) en Europa League. Il y a eu la scène de ménage publique avec Mohammed Salah sur la ligne de touche du City of London Stadium. Il y a eu ces conférences de presse durant lesquelles Klopp ne parvenait plus à masquer son désir d'être ailleurs, d'en finir avec cette saison de trop.
Mais, malgré tout cela, demeurait un 'plus'. En n'attendant pas l'ultime seconde pour faire ses adieux, Klopp avait permis aux supporters de faire leur deuil de lui de bonne heure et, surtout, à ses dirigeants de préparer plus sereinement sa succession, dont chacun sait qu'elle ne sera pas des plus simples.
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Jurgen Klopp
Crédit: Getty Images
Portraits unanimes
Leur choix s'est donc porté sur l'actuel manager de Feyenoord Arne Slot, après que Xabi Alonso fit savoir qu'il continuerait son association avec le Bayer Leverkusen. L'identité du prince héritier d'Anfield ne constitue pas une surprise en soi. Liverpool était loin d'être le seul grand club européen qui s'intéressât à Slot. Après un passage remarqué à l'AZ Alkmaar, il avait su transformer un Feyenoord mal en point en un participant régulier à la Ligue des champions, amena le club de Rotterdam en finale de la Europa Conference League (2021-22), et vient de lui offrir une Coupe des Pays-Bas après le titre de champion acquis un an plus tôt. Ceci lui a valu de remporter les deux derniers trophées Rinus Michels, qui récompensent le meilleur entraîneur de la saison en Hollande.
Les sceptiques feront remarquer que le vainqueur des deux éditions précédentes de ce trophée s'appellait Erik ten Hag, et que l'actuel manager de Manchester United arrivait lui aussi auréolé d'une réputation d'excellence acquise en Eredivisie, avec Utrecht, puis à la tête de l'Ajax. Les sceptiques sont cela dit beaucoup moins nombreux qu'on pourrait l'imaginer. Les nombreux portraits publiés dans les médias britanniques depuis l'officialisation de l'arrivée de Slot sont presque unanimement flatteurs - et, du point de vue des supporters, rassurants. Les opinions de deux anciens de Liverpool, Dirk Kuyt et Sander Westerveld, qui avaient cotoyé Slot du temps où il portait les couleurs du Sparta Rotterdam, ont été cités et re-cités in extenso dans la presse anglaise. "Je pense qu'il est en adéquation parfaite avec [ce dont a besoin] Liverpool", dit le second. Personne ne l'a encore contredit.
Et pourtant, mutatis mutandis, Liverpool fait aujourd'hui face à ce que Manchester United et Arsenal avaient dû gérer après les retraites de Sir Alex Ferguson et d'Arsène Wenger : comment tourner la page après celles écrites, et de quelle manière, par des entraîneurs dont le nom était devenu synonyme de leur club ? Car, même si Klopp n'aura passé "que" huit ans et huit mois à Anfield, il aura laissé une empreinte comparable à celles de ses aînés.
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Arne Slot
Crédit: Eurosport
Il prit en main une équipe qui sortait d'une longue période de déclin - malgré une embellie éphémère sous la tutelle de Brendan Rodgers -, et sur qui personne n'aurait alors parié pour qu'elle devienne championne d'Angleterre et d'Europe en l'espace de moins de cinq saisons. Il sut se fondre dans la culture si particulière d'une ville et d'un club qui ont vite fait de renifler les imposteurs, au point de la transformer lui-même. Et cela, il le fit sans jamais renier un jeu dans lequel l'émotion est à fleur de peau, un jeu que les fans des Reds entendent voir préserver par son successeur.
Slot, disent ceux qui le connaissent, est en cela un candidat idéal. Pressing, intensité, prises de risque : ce qui a fait le succès de son Feyenoord est aussi ce sur quoi Klopp avait bâti son Liverpool. Il est de plus - à la différence de ten Hag, avec lequel les comparaisons sont inévitables - un excellent communicant et, selon ceux qui l'ont cotoyé aux Pays-Bas, un leader-né, un "entraîneur" au sens propre.
Quelle équipe pour Slot ?
La transition, en fait, a déjà commencé. Slot ne sera pas "manager" de Liverpool, mais "head coach", une distinction cruciale qui reflète le désir les propriétaires américains du club de transformer son mode de fonctionnement, un désir qui était le leur avant que Klopp n'annonce son départ, faut-il préciser. Michael Edwards, l'homme qui avait fait venir Mo Salah, Virgil van Dijk, Alisson et quelques autres au club avant de s'en éloigner en 2022, fera son retour officiel à Liverpool ce 1er juin, dans un rôle s'apparentant à celui d'un "président exécutif". Il sera épaulé par l'actuel directeur sportif de Bournemouth Michael Hughes, qui occupera les mêmes fonctions à Liverpool. Deux choix pour le moins solides et qui devraient inspirer confiance. Ils indiquent en tout cas que Liverpool, à la différence de Manchester United (qui perdit David Gill en même temps qu'Alex Ferguson, ne doit-on surtout pas oublier) et d'Arsenal (pendant un temps), s'est donné les armes pour opérer le "changement dans la continuité" dont le club a besoin.
Demeure un facteur que Liverpool, sa direction et son "head coach" à venir ne maítrisent qu'en partie : l'équipe elle-même, le matériau brut que Slot devra façonner à son image. Et là, le mot de "chantier" n'est pas malvenu. Trois de ses éléments-clé entreront bientôt dans la dernière année de leurs contrats : Virgil van Dijk, 33 ans en juillet, Trent Alexander-Arnold, dont les performances en dents de scie sont comme un décalque des sautes d'humeur de son club, et Mohammed Salah, 32 ans le mois prochain. L'une des premières décisions du nouveau régime en place sera de statuer sur l'avenir de trois footballeurs inséparables de quelques-unes des plus riches heures de Liverpool (*). Elle sera lourde de conséquences.
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Salah et Klopp face à West Ham.
Crédit: Getty Images
Le reste de l'effectif est jeune, très jeune, même. Hormis Endo, toutes les recrues des trois saisons précédentes avaient moins de 25 ans au moment de leur acquisition. Evidemment, l'âge n'est pas un handicap à lui seul, comme Arsenal le prouve encore cette saison; mais Liverpool n'est pas Arsenal, dont le noyau de jeunes vit ensemble depuis beaucoup plus longtemps, et mit trois saisons pour trouver sa cohésion. Mikel Arteta, de plus, n'héritait pas d'une équipe pour qui la Ligue des Champions n'était pas seulement un tournoi auquel participer, mais à gagner. Le contexte était tout autre, la pression aussi. Ce n'est qu'après plusieurs années d'un travail acharné qu'Arteta modela le groupe qui espère toujours être sacré champion dans deux semaines. Les fans des Reds doivent se préparer à être patients.
Voilà pourquoi, quand bien même Liverpool aie tâché d'assurer une transition aussi harmonieuse que possible, on est en mal de trouver des certitudes pour ce qui est de l'avenir immédiat du club. Le recrutement de cet été, dans lequel Slot jouera un rôle bien plus limité que celui assuré par Klopp, constituera le premier test. Pour le reste, malgré toutes les précautions prises, il s'agira bien d'un saut dans l'inconnu.
(*) Thiago Alcantara et de Joel Matip, sans cesse blessés, devraient quitter Liverpool ce 30 juin.
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