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Argentine - Uruguay : le plus vieux tango

Thomas Goubin

Mis à jour 18/06/2021 à 22:30 GMT+2

COPA AMERICA - Ce sont les deux sélections à avoir croisé le plus souvent le fer. Deux voisins et rivaux. Dans la nuit de vendredi à samedi (2h), Argentine et Uruguay se retrouvent pour la 195e fois, pour un deuxième match de poule de Copa América. Pour un clasico de tradition.

Luis Suarez, Messi - Argentina-Uruguay - Friendly 2019 - Getty Images

Crédit: Getty Images

C'était il y a exactement 120 ans. A Montevideo, la sélection uruguayenne rencontrait pour la première fois son homologue argentine. Le football des deux pays était alors encore sous influence anglaise, mais allait rapidement s'émanciper. A Buenos Aires et Montevideo, les potreros (terrains vagues) constituaient un espace de loisir mais aussi de construction de références communes pour deux pays irrigués par l'immigration européenne, italienne et espagnole avant tout.
Ils étaient arrivés en bateau, et c'est aussi par les eaux que les deux voisins séparés par l'estuaire du Rio de La Plata se rendaient visite. Le 16 mai 1901, date de leur première rencontre, les Argentins repartaient avec une courte victoire (1-0) dans leur léger paquetage. Cette première borne d'une histoire commune, certains préfèrent toutefois la situer en 1902, le match précédent ayant été organisé par le Club Albion et non par la Ligue uruguayenne.

Des voisins néanmoins ennemis

Qu'importe, Uruguayens et Argentins commençaient à communier autour du ballon rond, mais aussi à se diviser. Alors que les deux pays se disputent encore aujourd'hui la paternité de Carlos Gardel -le maître du tango- c'est une danse au corps à corps, rude et charnelle, qui se jouait à Montevideo ou Buenos Aires. Un duel fratricide qui allait s'exporter pour la première fois en 1919, à l'occasion du championnat sud-américain, l'ancêtre de la Copa América. Au Brésil, l'Uruguay l'emportait (1-0), confirmation de la domination naissante du paisito (petit pays), vainqueur des deux premières éditions du tournoi continental, en 1916 et 1917.
C'était déjà le 58e des 194 affrontements entre ces voisins et néanmoins ennemis. Une rivalité qui perdure, au point que la perspective d'une victoire contre le cousin pas vraiment éloigné peut faire perdre un certain sens des priorités. En 2009, les deux voisins se retrouvaient pour le dernier match qualificatif pour la Coupe du monde : une victoire de la Celeste la qualifiait directement pour l'Afrique du sud, mais aurait aussi éliminé l'Argentine. L'ex-attaquant, Sébastian Abreu, se rappelle : "Etant donné la passion et la rivalité qui existe, on a commencé à envisager davantage l'impact que représenterait l'élimination argentine, plutôt que de se concentrer sur notre qualification". Abreu et consorts perdront (1-0) et devront passer par les barrages pour se qualifier.
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Gonzalo Higuain (L) from Argentina vies for the ball with Diego Lugano of Uruguay during their FIFA World Cup South Africa-2010 qualifier football match at the Centenario Stadium on October 14, 2009 in Montevideo, Uruguay. Argentina won 1-0.

Crédit: Getty Images

Un non-réciprocité dans la rivalité

Entre les deux pays qui partagent les mêmes couleurs (bleu ciel et blanc), on pourrait parler de relation asymétrique. Ce que résumait ainsi dans une interview au quotidien uruguayen, Ovación, l'ex-attaquant argentin, Rubén Capria, qui a terminé sa carrière au Club Atlético Peñarol (Montevideo) : "eux ont beaucoup plus envie de nous battre que nous de les battre". Au pays de Diego Lugano, les défaites de l'Argentine en Coupe du monde ou en Copa América peuvent ainsi être célébrées, alors que les Argentins sont plutôt du genre à être derrière leur "petit frère".
Pour le supporter moyen argentin, battre le Brésil, voire le Chili, reste bien plus vital, que dominer l'Uruguay. Cette non-réciprocité dans la rivalité est toutefois souvent perçue en Uruguay comme de la condescendance. Un certain complexe d'infériorité peut aussi habiter les compatriotes d'Edinson Cavani, même si leur sélection reste plus titrée que celle de leur prestigieux voisin. Au total, l'Uruguay, ce bout de terre coincé entre les géants argentins et brésiliens, peut revendiquer quinze Copa América, et l'Argentine "seulement" quatorze. Personne ne dit mieux en Amérique du sud (neuf pour la Seleçao). La Celeste affiche aussi quatre étoiles sur son maillot (ses deux titres olympiques, et les Coupe du Monde 1930 et 1950), contre deux pour l'Albiceleste (1978 et 1986).
Argentine et Uruguay sont deux nations qui comptent dans l'histoire de leur sport. Au-delà d'une lutte pour la suprématie en Amérique du sud, leur rivalité n'a d'ailleurs pas tardé à prendre une dimension mondiale. En 1928, les deux voisins se retrouvent ainsi en finale des Jeux Olympiques, à Amsterdam, le tournoi le plus prestigieux du moment -la Coupe du monde n'existe pas encore. Comme souvent entre ces deux sélections pleine de garra, le match se révèle musclé, et après un résultat nul (1-1), il faudra une autre rencontre pour les départager.
L'Uruguay l'emporte (2-1) et confirme ainsi son succès de 1924. Deux ans plus tard, les deux voisins se retrouvent cette fois en finale de la première Coupe du monde, au stade Centenario de Montevideo. Le football rugueux mais technique qui se joue sur les deux rives du Rio de la Plata confirme qu'il est le meilleur du monde, et l'Uruguay l'emporte à nouveau (4-2).
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Edinson Cavani (Uruguay) - Lionel Messi (Argentinien)

Crédit: Getty Images

Un duel aussi de joueurs de dimension mondiale

Le bilan global des affrontements fratricides reste toutefois largement en faveur de l'Albiceleste : 89 victoires, 46 nuls, et 59 défaites. Mais lors des matches couperets, la Celeste, représentante d'un pays à l'instinct de survie particulièrement développé alors qu'il est coincé entre les géants brésiliens et argentins, a souvent le dernier mot, comme en 2011. L'Uruguay avait alors sorti l'Argentine, qui évoluait pourtant à domicile, dès les quarts de finale. Même cas de figure en 1987, où l'Albiceleste championne du monde et pays organisateur échouait en demi-finale.
Maradona faisait face à Francescoli. Car le match de sélection le plus disputé de l’histoire a toujours opposé des joueurs de dimension mondiale : des Alvaro Recoba, Gabriel Batistuta, Juan Alberto Schiaffino, Omar Sivori, et bien avant eux, Hector Scarone (vainqueur JO 1924 et 1928, et Coupe du Monde 1930) ou Guillermo Stabile (meilleur buteur Coupe du Monde 1930). Celui de samedi soir ne fera pas exception, alors que Messi court toujours après son premier titre avec l'Albiceleste, et que la génération Cavani-Suarez ambitionne de donner un successeur à sa dernière victoire, en 2011. Uruguay-Argentine, un indémodable tango.
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