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Argentine - Marcelo Gallardo (River Plate), le conquérant

Thomas Goubin

Mis à jour 03/01/2020 à 14:00 GMT+1

À 43 ans, et avec dix trophées en bandoulière, Marcelo Gallardo est déjà le meilleur entraîneur de l’histoire de River Plate, le légendaire club argentin. Cette réussite fait de lui un coach prisé par l’Europe. Décryptage de la méthode de l’ex-hargneux numéro 10.

Marcelo Gallardo

Crédit: Getty Images

De Marcelo Gallardo, la France garde le souvenir d’un numéro 10 génial, l’un des meilleurs éléments du championnat quand il évoluait à Monaco (1998 à 2003), mais aussi d’un joueur vicieux. Un provocateur balle aux pieds à la langue bien pendue. Ceux qui se seraient arrêtés à ce stade de la vie d’El Muñeco peineraient d'ailleurs aujourd’hui à reconnaître l’homme sobre, sa chemise sagement rentrée dans son petit pantalon en toile, accompagné presque en toutes circonstances de la retenue de celui qui semble maître de la situation. Formé à River Plate, comme Gallardo, l’entraîneur argentin, Pablo Lavallen, 47 ans, ne parle toutefois pas de transformation, mais préfère voir dans l’entraîneur une évolution du joueur. "C’est vrai que Marcelo était un joueur bagarreur, vaillant, mais c’était aussi un joueur pensant, cérébral. Et aujourd’hui, il peut encore montrer son caractère quand cela est nécessaire, mais c’est son côté réfléchi qui a pris le dessus. Il a trouvé le bon équilibre."
L’agressivité de Marcelo Gallardo n’a effectivement pas disparu, mais s'incarne désormais dans l’attitude de son River. "Ce qui est marquant, c’est l’intensité de ses équipes, dit Lavallen, qui a affronté Gallardo avec San Martin, Atlético Tucuman, Belgrano, et plus récemment, avec Colon Santa Fe. Il exige beaucoup d’efforts physiques, et il est vraiment difficile d’être à la hauteur de la pression de ses équipes pendant 90 minutes." Avec l’ex-Monégasque - et furtif Parisien - à sa tête, River Plate asphyxie ses adversaires pour mieux prendre le contrôle du match. "Il a souvent changé de schéma, poursuit Lavallen, ex-défenseur et coéquipier de Gallardo de 1993 à 1996, mais son River a toujours gardé la même essence : proposer le match, avoir la possession, presser haut, et miser sur des transitions rapides à la récupération. Marcelo positionne les latéraux quasiment comme ailiers, ses défenseurs centraux sont souvent proches du cercle du milieu de terrain, et il attaque en nombre."
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Marcelo Gallardo et ses joueurs sur la pelouse du Nagai Stadium d'Osaka

Crédit: AFP

L'agressivité, atout numéro 1 de River

Amateur d’ouvrages de stratégie militaire, le petit Napoléon argentin fait de la mentalité de son groupe le moteur de ses conquêtes. Dans un ouvrage (El Pizarron de Gallardo) que lui dédie le journaliste de la Nacion, Christian Leblebidjian, Gallardo avoue même s’inspirer de l’attitude d’un Rafael Nadal, parangon de détermination sur un terrain. "Il te battait grâce à une philosophie mentale qu’il exprimait à chaque match, dit El Muñeco. A un moment, on aurait même dit que l’unique manière de le battre aurait été de lui tirer une balle. Nadal amenait ses adversaires à un très haut niveau de frustration, c’est quelque chose dont on peut s’inspirer."
C’est sans doute le grand creuset des succès de Gallardo : cette agressivité de ses équipes, parti-pris tactique et état d’esprit à la fois. Une relation mental-terrain symbolisée par la figure de Sandra Rossi, neurologue intégrée au staff d’El Muñeco dès le premier jour de son mandat à la tête de River Plate. Le rôle de Rossi pourrait être défini comme celui d’un "coach du cerveau". Son travail peut passer par des entretiens individuels, mais surtout par la conception d’exercices d’entraînements - "souvent ludiques", précise Leblebidjian - pour améliorer la concentration, la capacité à prendre des décisions rapides, et même, à améliorer le champ de vision.
Gallardo tire profit des compétences de Rossi, mais ne se repose pas sur elle. L’ex-meneur de jeu reste d’ailleurs l’indiscutable leader d’un staff riche, composé d’une vingtaine de personnes. "Pour motiver ses joueurs, Marcelo sait jouer le rôle du psychologue, du père, voire de l’ami", dit Lavallen. Gallardo a ainsi su tirer le meilleur de dilettantes comme Leonardo Pisculichi, Juan Fernando Quintero et Pity Martinez, ou du caractériel, Teofilo Gutierrez. Il a aussi fait décoller la carrière de l’international uruguayen, Carlos Sanchez, ou de l’international argentin, Gabriel Mercado (ex-FC Séville).
Avec lui, les joueurs savent que les noms ne pèsent pas, que le plus performant est celui qui jouera
Fidèle à l’ADN de River, le club qui a vu éclore Alfredo Di Stefano, Hernan Crespo, Ramón Diaz, Ariel Ortega, ou Javier Mascherano, El Muñeco a aussi contribué à révéler Lucas Alario (Leverkusen), Matias Kranevitter (Zenit), ou plus récemment, Exequiel Palacios, qui vient, lui aussi, d’être recruté par le Bayer Leverkusen. "Les joueurs de River sont de bons footballeurs, mais Gallardo parvient à les faire jouer à une intensité maximale, à les amener à leurs limites, que ce soit sur le plan physique ou mental", estime Lavallen. "Avec lui, les joueurs savent que les noms ne pèsent pas, que le plus performant est celui qui jouera, complète Leblebidjian, mais il a gagné la confiance des joueurs car ce qu’il planifiait se passait sur le terrain, c’est cela qui lui a donné de la crédibilité."
Le cheveu tombant encore sur la nuque, Marcelo Gallardo avait débuté sur le banc de touche en 2011, au Nacional Montevideo, géant uruguayen avec lequel il remportera le Championnat au printemps 2012. A River Plate, il ne tarda pas, non plus, à gagner. Quelques mois seulement après avoir pris la succession de Ramon Diaz, autre ex-Monégasque, alors considéré comme le meilleur entraîneur de l'histoire de River, il levait, en 2014, la Copa Sudamericana, équivalent de l'Europa League. L'année suivante, c'était la Copa Libertadores, aux dépens des Tigres d'André-Pierre Gignac. La finale retour, remportée 3-0, avait tourné à la démonstration tactique.
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Marcelo Gallardo lors de son sacre avec le Nacional de Montevideo

Crédit: AFP

Adoubé en Argentine, admiré par Guardiola

Des leçons de tableau noir, Gallardo les a multipliées, notamment face à Boca Juniors, le grand rival, défait en finale de la Copa Libertadores 2018. Le 23 novembre dernier, l’équipe à la diagonale rouge avait aussi dominé tactiquement un Flamengo presque impuissant jusqu’à la 89e minute, quand Gabriel Barbosa égalisa pour empêcher un troisième succès en Libertadores. Au total, El Muñeco a remporté dix trophées en cinq ans (une Copa Sudamericana, deux Copa Libertadores, trois Supercoupe d’Amérique du sud, trois Coupe d’Argentine, une Supercoupe d’Argentine). Un palmarès d’autant plus impressionnant que River n’a jamais été une équipe de Coupe, un grand stigmate traîné par le club aux 35 championnats, qui lui vaut même le surnom de Gallina (poule, tendance mouillée).
"Gallardo a réfléchi à ce phénomène, et je crois que sa méthodologie de travail, où chaque entraînement se déroule avec l’intensité d’un match, permet à River de mieux gérer ces rendez-vous couperets où la marge d’erreur est réduite au minimum", estime Leblebidjian. En cinq ans à la tête de River, Gallardo a d'ailleurs remporté autant de Libertadores (2015 et 2018) que le club dans toute son histoire (1986 et 1996). "Pour moi, c'est déjà le meilleur entraîneur de l'histoire de River Plate", estime Lavallen. Un avis largement partagé en Argentine. Récemment, Pep Guardiola avait aussi témoigné de son admiration pour El Muñeco, et s'était même étonné qu'il ne soit pas nommé parmi les trois meilleurs entraîneurs de l'année au prix "The Best" de la FIFA.
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Marcelo Gallardo

Crédit: Eurosport

De retour en Europe ?

Devant de tels états de service, Gallardo a déjà tenté plus d'un club européen. En France, les noms de l’OL et de Monaco sont souvent revenus. Début décembre, alors que les rumeurs de départ enflaient, l’ex-numéro 10 a toutefois assuré qu'il resterait au moins jusque l'été prochain. C’est qu’El Muñeco se sent bien dans son club formateur, son club de cœur, où il a "autant de pouvoir que le président, Rodolfo D'Onofrio", dixit Leblebidjian. Et puis, il a une dernière conquête à accrocher à son tableau de chasse. Car même s’il a saturé la vitrine à trophées du Millonario, Gallardo n’est pas encore parvenu à dominer le Championnat argentin. "Si River n’allait pas aussi loin dans autant de compétitions, il gagnerait, estime Lavallen, mais je crois qu’il est difficile de donner autant dans toutes compétitions.""Après les victoires en Coupe, River est victime de ce relâchement inconscient qui frappe à peu près toutes les équipes", abonde Christian Leblebidjian.
Le titre de champion est toutefois à portée de main. A sept journées du terme du tournoi, et avec un match en moins, River pointe ainsi à la cinquième place, mais à seulement trois points du leader, Argentinos Juniors. Gallardo n’a d’ailleurs jamais été autant satisfait de son équipe depuis ses débuts. "En termes de jeu, c’est le meilleur River, acquiesce Leblebidjian. L’équipe est stable, évolue presque toujours en 4-1-3-2, alors qu'auparavant, il changeait souvent de système."
Alors, El Muñeco pourrait-il finir par s’arracher à sa terre ? Pour avoir souvent échangé avec l’ex-Monégasque, Leblebidjian penche pour une autre hypothèse. "Je pense qu’il peut prendre un an pour se préparer, assure le journaliste, car s’il part, ce qui est certain c’est qu’il va étudier de manière méticuleuse le terrain, le pays où il va aller. Il va vouloir s’imprégner du contexte local pour avoir le maximum d’outils pour réussir en Europe.""C’est un entraîneur encore jeune, rappelle Lavallen, et il a le temps pour aller en Europe." Ou plutôt, pour y retourner. Dans un nouveau costume.
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Marcelo Gallardo (Monaco), le 15 avril 2000.

Crédit: AFP

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