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CAN 2023 : le triomphe éléphantesque du football africain

Chérif Ghemmour

Mis à jour 13/02/2024 à 02:33 GMT+1

Dimanche soir à Abidjan, la victoire orangée, incandescente, presque irrationnelle, de la Côte d’Ivoire sur le Nigeria (2-1) a offert un final époustouflant à une édition inoubliable de la Coupe d'Afrique des Nations 2023. Et si la longue marche du football africain était enfin passée à la vitesse supérieure au cœur de cet hiver 2024 ?

"De 0-4 à champion d'Afrique !" Explosion de joie à Abidjan

Établir un bilan global de la CAN 2023, c’est insister à nouveau sur l’unanimisme qui couronne une cuvée jugée exceptionnelle et qui a renforcé le poids du football africain sur l’échiquier mondial. On peut même certainement considérer cette édition comme la meilleure de son histoire. Même si les précédentes à 16 participants de la fin des années 2000 et du début des années 2010 étaient beaucoup plus riches en stars (Eto’o, Drogba, Essien, Aboutrika, Obi Mikel).
Le tournoi qui s’est achevé dimanche soir a ainsi décliné de nombreux points positifs qui ont consolidé le statut incontournable d’une compétition autrefois nettement moins considérée : des pelouses correctes, des bons arbitres bien en phase avec la VAR, aucun débordement sérieux dans et autour des sites, des stades en liesse et moins vides que lors des éditions précédentes, des matchs spectaculaires (117 buts marqués en 52 matches, soit une jolie moyenne de 2,38 buts par rencontre), un bon niveau de jeu global souvent tourné vers l’offensive (5 matchs à 0-0 seulement), une couverture médiatique élargie (la finale a été retransmise dans 175 pays environ) pour un réel engouement populaire en Afrique et auprès des nombreuses diasporas en dehors, pas de blessés en cascade (hormis l’emblématique Mo Salah), des joueurs des équipes éliminées vite revenus dans leurs clubs en Europe…
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Oumar Diakite après son but en finale de la CAN 2023

Crédit: Getty Images

Une formule à 24 équipes plébiscitée

Et puis il y a le storytelling absolument dingo d’une sélection ivoirienne championne chez elle après avoir frôlé la mort en poule et qui a été ensuite sacrée reine grâce au miraculé Sébastien Haller, revenu d’un cancer il y a 18 mois et d’une blessure qui l’avait privé du début du tournoi ! Et comme il fallait un hymne pour ambiancer un pays si hospitalier et vitrine d’une Afrique moderne, Tam Sir a fait danser les foules avec son Coup du marteau
Le succès incontesté de Côte d’Ivoire 2023 a donc bien renforcé la stature de la CAN déjà pas mal rehaussée depuis l’édition estivale d’Egypte 2019. Contrairement à un passé encore récent, les clubs européens pourront difficilement s’opposer aux départs de leurs joueurs africains ou remettre en cause le principe d’une CAN organisée tous les deux ans. La formule à 24 équipes qui associe la moitié des équipes d’Afrique a été plébiscitée par tout un continent, plus sûr de sa force. Car elle garantit la présence quasi totale des ténors continentaux, tout en promouvant l’émergence de "petits pays" méritants (Cap Vert, Namibie, Mauritanie). Ce qui va conforter durablement une volonté manifeste de sanctuariser un rendez-vous continental bisannuel.
Symboliquement aussi, le remplacement en pleine compétition de Jean-Louis Gasset par Emerse Faé à la tête des Eléphants a écorné encore un peu plus la prédominance des "sorciers blancs" sur les techniciens locaux. Enfin, quels que soient leurs CV, prestigieux ou non, les joueurs africains jouant en Europe sont désormais devenus très désireux de participer à la grande aventure de la CAN, ce qui n’était pas toujours le cas dans le passé. Le refus de François Mughe de rejoindre les Lions Indomptables en Côte d’Ivoire apparaît aujourd’hui insensé aux yeux de nombreux joueurs et supporters africains d’où qu’ils soient…
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Sebastien Haller héros de la CAN 2023

Crédit: Getty Images

Un succès aussi pour Infantino

D’un point de vue plus institutionnel, le succès de cette CAN a consacré Gianni Infantino, le big boss de la FIFA, promoteur à la fois sincère et très intéressé d’un football africain qui pèse 54 voix sur l’ensemble du collège électoral de l’institution qu’il préside depuis 2016. Comme le rappelait Jean-Baptiste Guégan dans l’After Foot La Revue, sa stratégie consistant à pérenniser son pouvoir s’est habilement consolidée autour d’un investissement personnel très axé sur le Continent Noir. En 2021, le Suisse avait directement contribué à installer le Sud-Africain Patrice Motsepe à la tête de la CAF, il a ensuite octroyé 9 tickets +1 à l’Afrique pour la Coupe du monde 2026 à 48 équipes au lieu des cinq habituels et il a même inclus le Maroc dans la boucle du Mondial 2030 au départ hispano-portugais !
Son programme Forward, qui fait suite au projet Goal cher Sepp Blatter, finance le développement du football (infrastructures et compétitions, telle la très fermée Africain Football League) grâce aux fonds FIFA et à la manne des investisseurs saoudiens que "Gianni l’Africain" a su associer aux grands projets de sa gouvernance. Dimanche soir, en mondovision, la remise conjointe du trophée au capitaine Max-Alain Gradel des mains du président ivoirien Alassane Ouattara mais aussi de celles de P. Motsepe et de Gianni Infantino a consacré l’imperium de ce dernier sur le podium des vainqueurs. Il a beaucoup misé sur l’Afrique et il en a grandement tiré profit au terme d’une CAN enchanteresse…
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Gianni Infantino

Crédit: Getty Images

Eté ou hiver ?

Si la légitimité d’une CAN tous les deux ans, lors des années impaires et qui convoque tous les joueurs jouant en Europe, ne se pose plus vraiment, reste le problème de la saison adéquate : été ou hiver ? Pour la CAN 2025, le Maroc a, pour l’instant, opté pour l’été. Une option estivale validée en 2019 par les clubs européens mais un casse-tête en 2025 pour Gianni Infantino qui lancera vers cette période sa nouvelle Coupe du monde des clubs à 32 équipes (du 15 juin au 13 juillet, aux Etats-Unis)… Eté ou hiver : tout peut se négocier, comme on l’a vu avec le retour à la période hivernale au Cameroun en 2022 et en Côte d’Ivoire, cette année. Mais il faut agir vite, en concertation avec la fédé marocaine.
La variable d’ajustement réside peut-être dans le nombre de participants. Tout comme l’Euro, la formule à 24 participants et son repêchage des meilleurs troisièmes font durer la CAN de façon sans doute déraisonnable. Or, le pli a été pris : l’Afrique du football a plébiscité un plateau étendu où la moitié du continent est désormais invité. De plus, avec cette CAN ivoirienne, c’est justement la diversité de styles des nombreux pays présents et l’émergence de nombreux talents (joueurs et entraîneurs) qui assurent désormais la promotion et les progrès incontestés d’un football africain qu’on a toujours souhaité voir atteindre son meilleur niveau.
L’hiver 2024 a bel et bien consacré la CAN comme un rendez-vous bisannuel incontournable et le football africain comme acteur majeur de la planète football. Dans le même temps, la Coupe d’Asie des Nations a, elle, effectué une percée médiatique et qualitative non négligeable qui devrait très bientôt lui faire gagner également une visibilité accrue. Car avec un éventuel dernier carré très relevé où figureraient pêle-mêle le Japon, la Corée du Sud, l’Iran, l’Australie ou une Arabie Saoudite en plein essor, nul doute que cette compétition sera plus suivie. Coupe d’Afrique des Nations, Coupe d’Asie des Nations : avec ces deux "CAN", à l’image des BRICS, c’est une nouvelle géographie mondiale du football qui est en train d’émerger !
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