Rouen-Lille : Ligue des champions dans 7 ans, néophyte, qui est Iwan Postel, le président du FC Rouen ?
ParEmile Pawlik
Publié 20/12/2024 à 14:21 GMT+1
Cet été, le FC Rouen a été sauvé par un homme d'affaires turc, Tarkan Ser, et a vu arriver un nouveau président en la personne d'Iwan Postel. L'homme d'affaires néerlandais est un habile communicant, très ambitieux, mais a aussi un caractère difficilement malléable. Portrait d'un homme mystérieux qui souhaite ramener Rouen au sommet du football français.
Pourquoi Luis Enrique utilise si peu Kolo Muani ? "Je pourrais l'expliquer, mais je ne le fais pas"
Video credit: Eurosport
Rouen aurait pu ne jamais croiser la route des Lillois, ce vendredi soir en 32es de finale de Coupe de France. Au bord de la faillite, suite à la gestion calamiteuse de Charles Maarek, l'ancien président, le FC Rouen a frôlé le dépôt de bilan, cet été. Après moult projets de rachats avortés, c'est finalement Black Eagle, un fonds d'investissement turc qui a jeté son dévolu sur un doyen du football français, vieux de 125 ans. Tarkan Ser, l'investisseur, qui a notamment fait partie du directoire du club de Besiktas, a sorti quatre millions d'euros de sa poche pour combler les dettes. Pourtant, celui qui incarne le mieux ce rachat n'est autre que l'adjoint du Turc, le Néerlandais Iwan Postel.
L'homme âgé d'une cinquantaine d'années a eu mille vies, jamais trop loin du sport. Sur sa page LinkedIn, on apprend notamment qu'il est le premier Batave à avoir inscrit des points au classement mondial de rallye, en 1995. Cet entrepreneur vit en Turquie, à Istanbul depuis 20 ans, a été cité dans les Panama Papers, sujet sur lequel il jure n'avoir rien commis d'illégal. La grande particularité du président rouennais, c'est que c'est un néophyte dans le milieu du football. Une inexpérience qu'il revendique comme une force.
La lumière au bout du tunnel ?
Forcément, des questions se sont posées à son arrivée, notamment dans le milieu. "Ce qui m'intéresse quand quelqu'un rachète un club, c'est de savoir quelles raisons il y a derrière. Et là, même en cherchant je n'arrive pas à comprendre", nous lâche un connaisseur des arcanes du football français. Du côté de Postel, on revendique l'histoire du club, un soutien populaire solide avec une affluence moyenne qui tourne aux alentours de 5000 spectateurs pour justifier cette opération.
L'arrivée de ce néophyte n'a pas forcément choqué les supporters qui attendent de revivre des jours heureux avec leur club qui n'a plus connu le niveau professionnel depuis trente ans. "Le FCR était très malade, donc s'il y a un docteur qui arrive et qu'il vous promet de vous soigner, vous n'allez pas dire non", explique Benoît Dubuisson, supporter et photographe de 62 ans.
Après un début de saison compliqué, avec une seule victoire en onze matches, l'entraîneur emblématique, Maxime D'Ornano est remercié par son président. Régis Brouard est nommé à sa place et redresse la trajectoire du club avec quatre victoires consécutives, ce qui amène les Normands au milieu de tableau à la trêve. La révolution a surtout lieu hors des terrains.
/origin-imgresizer.eurosport.com/2024/12/17/4073672-82611088-2560-1440.jpg)
Un milliard de droits TV : Comment la Bundesliga a fait l'inverse de la L1
Video credit: Eurosport
Une communication directe et tranchante
En évoluant en National, le FC Rouen ne tient pas le haut de l'affiche. Mais Iwan Postel a plus d'un tour dans son sac. En habile communicant, il réalise des déclarations chocs, voire insolites, sur ses ambitions pour le club. Il déclare notamment viser "la Ligue des Champions dans 7 ans", mais aussi avoir pour projet de construire un grand complexe avec un stade de 40 000 places. Ces projets attirent l'attention des médias nationaux, tels que la célèbre émission de RMC, L'After Foot, où il est invité et où il réalise un numéro rafraîchissant, plein de franc-parler et de confiance en lui, jusqu'à l'outrance.
Du côté des supporters, on se méfie quelque peu de ces prises de parole. "C'est un personnage, n'ayons pas peur des mots, qui adore communiquer. Parfois, ses sorties médiatiques sont parfois un peu déconcertantes.", pense le supporter qui a vu son premier match en 1977. Du côté des experts, la démarche interroge. "Je n’arrive pas à savoir s’il croit vraiment à ce qu’il annonce, s’il a une méconnaissance absolue de l’économie du football ou s’il se dit le soir quand il rentre " je les ai bien
eus »", réfléchit notre connaisseur.
eus »", réfléchit notre connaisseur.
Quelles que soient ses réelles intentions, la stratégie est payante. Les gens parlent du FC Rouen, alors qu'il sommeille en National. Le tour de force est louable. "C'est quelqu'un qui est très ambitieux. Maintenant, on verra où il nous mènera. On a envie d'y croire.", espère Frédéric, supporter rouennais. Dans les médias, il se forge une image de bon client, volontiers blagueur, adepte des punchlines. En coulisses, c'est un autre visage qui ressort.
tensions internes
Jean-Baptiste Fiscel, Rouennais pur souche, avait été candidat au rachat du club, avant de jeter l'éponge, voyant la surface financière nécessaire pour boucher les dettes. Il est donc devenu président de l'association du FC Rouen. Comme tout club de football professionnel, l'entité est divisée entre une société, dirigée par M. Postel, et l'association qui gère la partie amateure du club.
Cette semaine, le président rouennais a annulé l'assemblée générale de cette association, jugeant qu'une "mascarade" se produisait en son sein. Les relations entre le président rouennais et son homologue de l'association sont tendues depuis son arrivée, même avant la vente. Alors que le bureau de l'association était réuni pour lire les statuts, qu'ils souhaitaient modifier, Iwan Postel aurait, dans un accès de rage, menacé de tout laisser tomber s'ils ne signaient pas sur le champ.
M. Fiscel se victimise et s'enfonce dans ses mensonges et sa manipulation
Iwan Postel a réagi à la suite de la publication de l’article, en s’opposant fermement à la version des faits formulées par le président de l’association. "M. Fiscel se victimise et s’enfonce dans ses mensonges et sa manipulation. L’assemblée générale de l’association n’a pas eu lieu parce que l’annonce n’a pas été faite dans les temps prévus par les statuts et que certains membres majeurs, y compris les joueurs de l’équipe professionnelle, étaient exclus du vote, cela a été constaté par un huissier de justice. Je veux me débarrasser de tous ces parasites pour faire du FC Rouen un grand club et le pérenniser."
Du côté de l'association et de son président, on souhaite jouer l'apaisement, même si la situation reste critique. La partie associative est déficitaire à hauteur de 419 000 euros, alors que la structure professionnelle ne leur verse que 24 000 euros par an. Une situation que M. Fiscel souhaite changer. Mais les deux hommes ne s'entendent pas, et le local accuse le Néerlandais de polariser la situation. "Il considère que le monde est binaire : vous êtes avec lui ou contre lui. A l'image d'un Donald Trump, il assène des contre-vérités, il les rabâche et à un moment ça rentre dans la tête des gens." Dès son arrivée, Iwan Postel appelle à la démission du Rouennais le soir du sauvetage à la DNCG, jugeant qu'il représente une menace.
Il me considère comme un concurrent et m'a désigné comme une cible à abattre
"Il me considère comme un concurrent et m'a désigné comme une cible à abattre. Ce que je regrette c'est que l'on montre l'image d'un club qui n'est pas uni", s'attriste Jean-Baptiste Fiscel. Il est vrai que son homologue néerlandais ne l'a pas épargné, le qualifiant dans la presse successivement de "président du Real Madrid", "loup dans la bergerie" ou encore qu'il mettrait des "bâtons dans les roues". Du côté du Rouennais, on dépeint une situation où le dialogue est totalement rompu. "Je dirais que c'est un char d'assaut, il fonce tout droit et se fait son chemin. Ou on est d'accord avec lui et on le suit, ou il nous écrase." A défaut de concession, il faudra des résultats.
Sur le même sujet