Gare à l'Eto'o dépendance

Honnêtement, la tâche s'annonce compliquée voire utopique. Pour sa sixième Coupe du monde, le Cameroun présente un effectif sans doute trop hétérogène et ne compte finalement qu'un seul joueur de niveau mondial en la personne de Samuel Eto'o. Celui-ci ne dispose pas en sélection des mêmes passeurs que Xavi et Iniesta jadis au Barça, ou Sneijder aujourd'hui à l'Inter Milan. Le Cameroun manque cruellement de milieux offensifs d'envergure internationale même s'il peut compter sur quelques bons éléments par ailleurs. Dans le but, Carlos Kameni s'inscrit dans la droite lignée des Bell ou Nkono. Au milieu, Alexandre Song, Jean II Makoun voire Achille Emana bénéficient, eux aussi, d'une expérience du haut niveau en club. Autre atout de poids, Stéphane Mbia, comme à Marseille, devrait reculer d'un cran, sur le côté droit de la défense. Il apportera de la stabilité et de la densité physique au secteur faible de la sélection camerounaise. Depuis un an, Paul Le Guen a tenté d'insuffler discipline et rigueur tactique au collectif. De belles intentions qui ont volé en éclat en janvier lors de la CAN angolaise lorsqu'Eto'o et consorts sont sortis par la petite porte en quart de finale face à l'Egypte. Une deuxième alerte après des éliminatoires en dents de scie. En Afrique du Sud, les jeux sont ouverts derrière les Pays-Bas. Le Cameroun devra lutter face au Danemark et au Japon. La qualification est jouable, sur le papier au moins.

Certes le Cameroun, nation africaine la plus expérimentée sur la scène internationale, a remporté quatre CAN mais son principal fait de gloire reste, évidemment, la Coupe du monde 1990. Tout commence par un match d'ouverture référence face à l'Argentine de Diego Maradona, finaliste de  l'épreuve. Dans un stade Giuseppe Meazza médusé, les Lions Indomptables, sélection faite de bric et de broc entre vieilles gloires et joueurs de seconde zone, renversent les champions du monde en titre (1-0). Pourtant réduits à 10 à la 61e minute de jeu, les Camerounais, très durs sur l'homme, prennent les devants six minutes plus tard grâce à François Omam-Biyik. Terminant le match à 9, ils signent malgré tout l'une des plus grosses surprises de l'histoire de la Coupe du monde.

Ce coup d'éclat ne reste pas sans suite. Un doublé du doyen Roger Milla (38 ans) permet au Cameroun de venir à bout de la Roumanie (2-1) et de se qualifier pour les huitièmes de finale.  L'inusable Milla remet ça face à la Colombie (2-1, a.p.) et le Cameroun devient la première nation africaine à atteindre les quarts de finale de la Coupe du monde. L'Angleterre de Gary Lineker met fin à son rêve après un combat homérique. L'entrée en jeu de Milla à la pause dynamite la rencontre. Le vétéran obtient un penalty, transformé, et sert idéalement Ekéké, le Cameroun prend les devants (2-1 à la 65e). Lineker décroche la prolongation sur penalty avant d'envoyer la sélection aux Trois Lions en demi-finale. Le Cameroun est passé tout près d'un exploit majuscule mais ce Mondial 1990 est à jamais marqué par l'aventure de la bande à Milla.

Samuel Eto'o, qui d'autres ? Au même titre que Drogba pour la Côte d'Ivoire, il est la star de sa sélection. Et même un peu plus que ça : "Samuel n’est pas seulement important pour l’équipe, il est important pour tout le monde. Nous savons qu’il est l’un des meilleurs buteurs du monde. S’il est en forme et a confiance, il pourra nous aider à nouveau. Nous devons savoir qu’il va bien", lance le défenseur André Bikey. Cette saison, l'ancien du Barça a donné une nouvelle dimension à sa carrière en s'imposant à l'Inter Milan. Avec un triplé en poche dont une troisième Ligue des Champions, il s'est construit l'un des plus beaux palmarès en club pour un joueur africain. En sélection, son bilan est tout aussi impressionnant avec deux CAN (2000 et 2002).  Désormais capitaine des Lions Indomptables, il a porté sa sélection sur ses épaules lors d'éliminatoires poussifs. "C'est le meilleur footballeur africain de l'histoire", avance déjà Patrick Mboma. Avant de postuler à un tel statut, il lui reste à briller en Afrique du Sud pour s'installer définitivement sur les cimes du continent africain.

Paul Le Guen : "Nous sommes de petits outsiders. On a des qualités, on peut mieux faire qu'à la CAN (quarts de finale ndlr), on a des atouts pour ça, l'effectif a été renouvelé. Mais on n'a pas les arguments de l'Espagne, des Pays-Bas, du Brésil et d'autres encore".

Aurélien Chedjou : "Le Cameroun est quand même une grande nation de football. Et pour ce Mondial en Afrique, on veut faire quelque chose. On aura tout le pays derrière nous. Et puis si on gagne, ce sera historique : une victoire d'une équipe africaine en Afrique. Toutes les équipes africaines voudront bien faire."

14 juin : Japon - Cameroun
19 juin : Cameroun - Danemark
24 juin : Cameoun - Pays-Bas
Huitième de finale contre l'Italie, la Nouvelle-Zélande, la Slovaquie ou le Paraguay.