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Entre Rooney et Barkley, l'Angleterre doit malheureusement choisir

Philippe Auclair

Mis à jour 14/06/2014 à 09:37 GMT+2

Entre Wayne Rooney, qui court après son premier but en Coupe du monde, et Ross Barkley, qui brille à Everton, il n'y a qu'une place dans le système de Roy Hodgson.

L'Angleterre doit-elle miser sur Wayne Rooney ou Ross Barkley ?

Crédit: Eurosport

"Le Wayne Rooney qu’on voit avec l’équipe d’Angleterre n’est pas celui qu’on voit avec Manchester United". Air connu. Lorsque l’adolescent avait secoué l’Euro 2004, finissant dans le onze-type du tournoi avec quatre buts en quatre matchs, on avait pensé que les Anglais tenaient le successeur naturel de Paul Gascoigne, un de ces vif-argents qui n’éclosent que très rarement sur leur sol, un footballeur des rues, un joueur d’instinct capable d’injecter imagination et improvisation dans une équipe trop prévisible, trop fonctionnelle, depuis trop longtemps.
Ce qui a suivi n’a pas été un échec - 39 buts en 91 sélections, à l’âge de 28 ans, ne sont pas les statistiques d’un raté - mais constitue pourtant une déception, sans doute parce qu’on attendait tant de lui. Le complexe du messie est une des constituantes du football anglais, ce qu’on pourrait appeler le syndrome Roy of the Rovers, du nom de ce héros de BD qui marquait immanquablement le but du miracle pour son club de Melchester à chaque parution de son magazine. Steven Gerrard a été une autre victime de cette obsession du sauveur, qui irrite tant Roy Hodgson, au passage. C’est comme si, lors de chaque match, il fallait que Wazza nous refasse le retourné contre Manchester City, la reprise de volée de Middlsbrough, le lob de la ligne médiane à West Ham.
Du coup, comme le Jésus du foot anglais ne transforme pas l’eau de robinet en Chambertin chaque fois qu’il enfile ses chaussons de danseur sur pelouse, on oublie que, sans lui, l’Angleterre aurait eu bien plus de mal à seulement figurer parmi les trente-deux invités au banquet du Mondial, que ce soit en 2010 ou en 2014. Lors des qualifications pour ces deux tournois, il a, et de loin, été le plus efficace des joueurs de Capello et de son successeur, finissant meilleur buteur toutes nations confondues des deux phases de groupes, avec neuf et sept réalisations. Le fait est que, blessé, diminué, hors de forme chaque fois que l’Angleterre a eu rendez-vous avec son destin de serial loser dans une grande compétition internationale, Rooney s’est dépensé en vain. Et ce n’est pas ce qu’on a vu lors des matchs de préparation des Three Lions avant le choc de Manaus qui incite à penser qu’il en sera autrement cette fois-ci.
Il est toujours aussi volontaire, oui. Plus affûté que lors des deux éditions précédentes de la Coupe du Monde, certainement. Revanchard ? Sans doute, si l’on en juge par ses récentes interviews, dans lesquelles il a remis ses critiques (dont Paul Scholes) à leur place, plutôt sèchement. Mais totalement convaincant ? Non. L’Angleterre a souvent développé davantage de jeu lorsqu’il n’était pas là, son 4-2-3-1 paru plus équilibré, plus naturel et plus incisif. L’association Rooney-Sturridge, si séduisante sur le papier, promet plus qu’elle ne tient. Rooney, qui aime tant sentir et manier le ballon, dézone systématiquement, au point de buter sur des coéquipiers qui ont pris soin de respecter leurs consignes. Cela fait partie de ce qu’on adore chez Rooney; contre le Pérou, lors du match d’adieu des Anglais à leurs supporters à Wembley, on l’a vu tacler un Sud-Américain près de son poteau de corner, là où Glen Johnson aurait dû veiller (une errance parmi bien d’autres). Une course de presque cent mètres pour couvrir un coéquipier défaillant, bravo. Mais ça, c’est encore Roy of the Rovers, le spécialiste des missions impossibles, quand on préférerait avoir le Wayne de 2004, celui qui, tapi dans les trente mètres adverses, faisait peur, faisait plaisir, faisait la différence.
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Wayne Rooney n'a toujours pas marqué en Coupe du monde

Crédit: Panoramic

Un peu comme Ross Barkley aujourd’hui

Je me souviens très bien de la première fois où j’ai vu la bête d’Everton en action. C’était le 16 avril 2013 à l’Emirates, un 0-0 qui n’a pas marqué les mémoires. Barkley, un autre natif de Liverpool, avait été prêté à Sheffield Wednesday et à Leeds cette saison, et n’avait été rappelé par David Moyes (mon Dieu, que le temps passe vite…) qu’un mois et demi plus tôt. Il n’avait rien fait d’exceptionnel ce jour-là, si ce n’est qu’en l’espace d’une touche de balle, d’un jaillissement, nous nous disions entre confrères : "ah, la vache !". Ce gamin (il avait dix-neuf ans à l’époque) a quelque chose d’indéfinissable, qu’on est incapable d’identifier quand on n’est pas en tribune. Une présence qui saute aux yeux avec l’évidence du soleil. Sa conduite de balle évoquait Gascoigne, son volume physique rappelait Michael Ballack. Comme le dit ensuite son futur entraîneur Roberto Martinez, tout était question d’environnement, de la serre dans laquelle faire mûrir ce fruit exceptionnel.
Barkley a eu la chance de prendre racine dans le bon jardin. Martinez a pris soin de ne pas griller un joueur qui manquait d’expérience, et qui le montrait parfois. Il l’a parfois remplacé à la mi-temps, lorsque l’appétit du créateur le rendait trop gourmand et lui faisait perdre le ballon. Mais au fil des matches, l’intuition a mué en certitude: Everton et l’Angleterre tenaient un monstre en devenir. Barkley faisait ce qu’on attendait de Rooney, et de ce que je suis certain que Rooney, en confiance, à 100% de ses capacités, peut toujours faire. Le coup de reins, le goût du défi, la joie de jouer, la puissance de frappe, tous les deux les possèdent. Et ces deux-là ignorent ce qu’est la peur. Mais Ross a pour lui l’avantage de la fraîcheur, de la jeunesse, et d’un corps plus solide et plus athlétique que Wayne. Au cours des derniers mois, chaque fois que le premier a pris la place du second pour l’Angleterre, celle-ci a monté d’un cran.
Pour Hodgson, il s’agit bien d’un dilemme. Dans le système à une pointe – Sturridge - qu’il a choisi, on voit mal comment les deux joueurs peuvent coexister, à moins que Rooney, plus versatile, n’accepte d’être positionné à gauche. Il est peu probable que Hodgson choisisse cette solution. Danny Welbeck, remis d’un léger problème à la cuisse, apporte énormément en termes de couverture défensive. Dans un match à ne pas perdre comme celui contre l’équipe d’Italie, c’est un critère qui pèsera. Sterling, étincelant à l’entraînement, parait promis à une place sur le flanc droit. Nous revoilà donc face au dilemme: Rooney, ou Barkley? Hodgson, si on lui posait la question, répondrait sans doute "les deux". L’un après l’autre, pas ensemble. Mais dans quel ordre ?
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Ross Barkley n'est pas sans rappeler le Wayne Rooney de 2004

Crédit: Panoramic

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