Les Bleus vont devoir assumer le jeu : ça tombe bien, ils en ont les moyens

Didier Deschamps sait ce qu'il veut. Et ce qui l'attend. Lors des matches de qualification pour le Mondial, il a souvent vu ses Bleus en difficulté au moment de prendre le jeu à leur compte. Jouer face à des adversaires repliés, c'est justement ce qui devrait arriver aux Tricolores dans leur groupe de Coupe du monde. En tout cas face au Honduras et à l'Equateur. Et la Suisse, même si elle a évolué depuis, s'était illustrée il y a quatre ans avec un bloc défensif qui avait laissé impuissant le futur champion du monde espagnol (1-0).

Pour franchir le premier tour, la France devra savoir assumer la possession du ballon. Comme le veut son sélectionneur. "Ce que je souhaite, c'est qu’on prenne la responsabilité du jeu, qu’on puisse l’imposer à l’adversaire", avait-il déclaré après avoir annoncé sa liste pour le Mondial. Un objectif ambitieux. Mais pas impossible compte tenu de la meilleure maîtrise du jeu des Tricolores depuis le passage au 4-3-3, et du profil des joueurs qui composent le groupe de Deschamps.

Les hommes de Didier Deschamps ne seront pas dans une situation nouvelle s'ils doivent faire le jeu durant le Mondial. Ils évoluent quasiment tous dans des équipes habituées à posséder le ballon en club, notamment Franck Ribéry avec le Bayern (70% de possession moyenne), ou Yohan Cabaye et Blaise Matuidi avec PSG (61%).

Sur les dix joueurs de champ de l'équipe-type de Didier Deschamps, huit jouent pour des formations qui affichent une possession moyenne supérieure à 55% sur l'ensemble de la saison écoulée. Seuls Mathieu Valbuena, avec l'OM (52%), et Mathieu Debuchy, avec Newcastle (49,3%) sont dans des équipes moins habituées à contrôler le ballon. Les Bleus n'ont évidemment pas les mêmes repères en sélection. Mais leur vécu en club sera certainement un plus si l'adversaire leur laisse le ballon.

La défense a un rôle majeur pour permettre à une équipe de faire le jeu, car une bonne première relance est essentielle pour pouvoir contrôler le ballon plus haut sur le terrain. Didier Deschamps peut se réjouir d'avoir de très bons relanceurs parmi ses défenseurs centraux. C'est l'un des nombreux atouts de Raphaël Varane, et c'est une qualité reconnue depuis longtemps chez Laurent Koscielny. En alignant au moins un de ces deux hommes dans son équipe, le sélectionneur s'assure normalement une première transmission propre pour initier les phases de jeu.

Les latéraux sont aussi déterminants. Avoir le contrôle du ballon implique de savoir exploiter le terrain dans toute sa largeur, et donc de pouvoir s'appuyer sur des joueurs capables de se porter vers l'avant dans les couloirs. Deschamps n'est pas démuni dans cette optique, même si l'apport offensif de Patrice Evra chez les Bleus n'a pas toujours été à la hauteur de ce qu'il est à Manchester United. Avec Lucas Digne, le sélectionneur a cependant une bonne alternative pour animer l'aile gauche. Et il dispose en Mathieu Debuchy d'un arrière droit réputé pour ses qualités dans les phases offensives.

Avoir le ballon, c'est souvent faire face à des blocs positionnés très bas. Ce qui limite considérablement les espaces exploitables pour les attaquants, souvent en infériorité numérique face aux défenseurs adverses. Le rôle des milieux de terrain dans l'apport offensif devient ainsi déterminant. Et Deschamps dispose de joueurs capables de faire la différence dans l'entrejeu, à défaut d'avoir un véritable numéro 10 dans le groupe qu'il a retenu pour cette Coupe du monde.

Il possède en Yohan Cabaye un élément doté d'une remarquable frappe de balle sur les tirs longue distance et les coups de pied arrêtés, et d'une qualité de passe précieuse dans les intervalles. Dans son rôle de 'regista', un organisateur du jeu devant la défense, l'ancien Lillois bénéficie en plus d'une certaine liberté de mouvement qui peut lui permettre d'exploiter au mieux ses qualités. Deschamps a aussi en Blaise Matuidi un milieu qui a prouvé sa faculté à apporter le surnombre dans la surface adverse pour finir les actions au PSG.

Le sélectionneur a surtout Paul Pogba, qui offre une combinaison des qualités des deux milieux parisiens, avec une technique et une puissance hors-norme. Le système en 4-3-3 de l'équipe de France est taillé pour le milieu de la Juventus. Il lui permet de se projeter vers l'avant sans avoir à se soucier de la couverture de la défense. Et d'évoluer ainsi plus près du but adverse, où il devient un atout offensif inestimable par sa qualité de frappe, sa présence physique dans la surface ou son jeu de tête. Et sur le banc, Deschamps a deux milieux capables de faire des différences offensives dans des registres différents avec Clément Grenier et Moussa Sissoko.

Les attaquants de l'équipe de France sont habitués à jouer face à des blocs bas. Notamment Franck Ribéry et Karim Benzema, confrontés à ce type de configuration quasiment tous les week-ends avec le Bayern et le Real. Les deux Tricolores ont prouvé leur capacité à faire la différence dans ce contexte, même s'ils apprécient davantage de dévorer les espaces pour faire parler leur vitesse et leur technique en mouvement. Antoine Griezmann, Loïc Rémy et Mathieu Valbuena sont dans le même cas, avec des profils différents. Celui d'Olivier Giroud, sur ses qualités de jeu dos au but et dans le domaine aérien, est probablement le plus compatible dans une équipe amenée à faire le jeu.

Deschamps a beaucoup travaillé sur l'animation offensive depuis deux ans pour améliorer l'efficacité de son attaque, spécialement face à des équipes repliées. Elle devient capitale dans un 4-3-3 où le mouvement des attaquants détermine les actions. Face aux Pays-Bas et à la Norvège, Griezmann et Valbuena sont régulièrement sortis de leur zone pour créer du jeu dans les intervalles. En repiquant dans l'axe, ils libèrent les couloirs pour les latéraux. En s'écartant vers les lignes de touche, ils étirent la défense et offrent des espaces dans l'axe aux milieux. Dans tous les cas, leur mobilité est essentielle pour déséquilibrer le bloc défensif adverse. C'était l'un des enseignements majeurs des victoires sur l'Ukraine, les Pays-Bas et la Norvège. Et la clé de la réussite des Bleus au Mondial.