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Sao Cristovaõ : ici est né Ronaldo, O Fenômeno

Laurent Vergne

Mis à jour 03/07/2014 à 04:44 GMT+2

A quelques encablures à peine du Maracana, un stade. Tout petit. Pas en bon état. Le lieu ne présenterait guère d'intérêt si n'y flottait l'aura d'un des plus grands joueurs brésiliens de l'histoire. C'est là qu'est née la légende de Ronaldo , O Fenômeno.

L'inscription qui rappelle les débuts du prodige Ronaldo, à Sao Cristovaõ.

Crédit: Eurosport

Au Brésil, où le football est une religion, les lieux de pèlerinage sont multiples. C'est particulièrement vrai à Rio de Janeiro, où chaque nom de quartier ou presque est une invitation à l'histoire de ce sport. Botafogo. Flamengo... Plus au nord, il y a Sao Cristovaõ. Pas un grand club. Pas un quartier forcément très accueillant non plus de prime abord. Ici, on est loin du chic d'Ipanema ou de Leblon. Mais Sao Cristovaõ est bien un lieu culte du football carioca. C'est ici que Ronaldo Luiz Nazario de Lima, alias Ronaldo, a effectué ses premiers pas en club. C'est ici que la légende est née, ainsi que le rappelle, et à l'entrée du stade et derrière un des buts, l'inscription "Aqui nasceu o Fenômeno", ici est né LE Phénomène, en référence au surnom du toujours meilleur buteur de l'histoire de la Coupe du monde.
Le stade Figueira de Melo doit son nom à la rue qui le borde. Drôle de rue, assombrie par la quatre voies aérienne et le train express qui passent juste au-dessus d'elle et qui, d'ailleurs, surplombent le stade. Pour tout dire, celui-ci ne ressemble pas à grand-chose. On peine même à croire qu'une équipe professionnelle évolue ici. A vol d'oiseau, le Maracana est pourtant à peine à plus d'un kilomètre. Un autre monde. Avec le mythique stade, celui de Sao Cristovaõ ne partage guère qu'un point commun. Pas le plus avantageux en ce qui le concerne : lui aussi a vu sa capacité fondre au fil des époques. Son record d'affluence, chiffré à 19000 spectateurs il y a plusieurs décennies un jour de derby face au Vasco de Gama, le quartier qui jouxte au nord celui de Sao Cristovaõ, appartient bien à une autre époque.
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Le club de Sao Cristovao, au 200 de la rua Figueira de Melo

Crédit: Eurosport

On le regardait jouer et on disait 'ce n'est pas possible'
Aujourd'hui, les herbes hautes entourent une pelouse gentiment bosselée et asséchée par le soleil de Rio, seul élément dont les zones riches et pauvres de la cité carioca jouissent à parts égales. Quelques places derrière un des buts, et une tribune "principale" affichant quelques rangées de sièges. Au total, un millier de places, guère plus. Suffisant, à vrai dire, pour le pensionnaire de Serie C du Championnat de Rio. Ici, seuls la famille et quelques amis des joueurs viennent encore voir les matches. Le Sao Cristovaõ Futebol Club e Regatas n'a guère que deux motifs de gloire dans son histoire plus que séculaire. Les deux s'affichent fièrement sur les murs salis et défraichis de son enceinte. Le titre (le seul) décroché en 1926 dans le Championnat de Rio d'une part et, donc, la référence au Fenômeno, plus récente.
Ronaldo n'avait pas 14 ans quand il a rejoint les cadets de Sao Cristovaõ, à l'été 1990. En août, lors de son premier match, il inscrit trois buts. Son partenaire d'attaque s'appelle Clayton. Il deviendra pro lui aussi, sans connaitre la même trajectoire glorieuse. Il passera même par… Chypre. Le duo fait des étincelles mais c'est bien Ronaldo, déjà, qui sème le feu. Renato Alvez a passé plus de 20 ans au club, notamment comme directeur administratif. Il a connu le jeune Ronaldo, que beaucoup appelaient encore "Dadado", surnom donné par son frère ainé, dont il ne se débarrassera que tardivement. "On le regardait jouer et on disait 'ce n'est pas possible', raconte-t-il. A chaque fois, c'était deux, trois buts ou quatre buts avec l'équipe de jeunes. On sentait qu'il possédait quelque chose que les autres n'avaient pas. Je ne crois pas qu'on puisse dire qu'à 14-15 ans, on savait qu'il allait devenir un des plus grands attaquants de l'histoire, non, mais qu'il allait faire carrière et qu'il serait un très, très, très bon joueur, oui, ça ne faisait déjà aucun doute."

Le stade rebaptisé en son nom

Surclassé en juniors à 15 ans, le gamin se taille rapidement une réputation et son nom va commencer à circuler, notamment lorsque l'ancienne gloire de la Seleçao, Jairzinho, devient entraineur de l'équipe professionnelle de Sao Cristovaõ en 1991. Ronaldo va très vite se trouver à l'étroit dans ce cadre champêtre. Une fois Ronaldo intégré dans l'équipe du Brésil des moins de 17 ans, le petit club de Rio, endetté jusqu'au cou, va monnayer le talent de sa pépite. Début 1993, Ronaldo quitte ainsi Sao Cristovaõ pour Cruzeiro. Il a 16 ans. Un an et demi plus tard, il disputera la première de ses quatre Coupes du monde, aux Etats-Unis, avec la Seleçao. Moins de quatre ans après ses premiers pas rua Figueira de Melo.
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Le stade Figueira de Melo, rebaptisé Estadio Ronaldo, compte à peine 1000 places.

Crédit: Eurosport

Depuis, Ronaldo a rendu visite deux ou trois fois au club de ses débuts. Une photo de lui, datant de l'an 2000, à l'époque où il était convalescent après une de ses graves blessures au genou, trône dans la salle des trophées aux côtés de quelques autres. La nostalgie Ronaldo transpire partout ici. Il est revenu l'an passé lorsque les dirigeants ont annoncé leur volonté de rebaptiser le stade Figueira de Melo stade "Ronaldo Nazario", en son honneur. On s'étonne presque que l'idée ne leur soit pas venue plus tôt. Bientôt, le nouveau nom de l'enceinte doit remplacer en lettres peintes en noir, le "Ici est né le Phénomène". Ce devait être fait pour la Coupe du monde, ce sera pour plus tard. Comme ce projet de buste en bronze à l'effigie de la star.

Le "Aqui nasceu o Fenômeno" ne peut pas ne pas leur sauter aux yeux

Plus de 20 ans après son départ, Sao Cristovaõ survit tant bien que mal. En tant que formateur, le club a touché quelques dividendes au fil des transferts. Il traine pourtant une dette de plusieurs dizaines de milliers de dollars. Depuis, aucun Ronaldo n'est ressorti de là, aucun Leonidas non plus (à 15 ans, la perle noire avait commencé là elle aussi) mais Sao Cristovaõ a conservé sa réputation de bon clubs de jeunes. "Le club a la chance d'être situé juste à côté d'une station de métro (NDLR : la station Sao Cristovaõ précède celle du Maracana sur une des deux lignes de Rio), près du centre, explique l'ancien président, Alfredo Maciel, qui a passé la main récemment. Pour les parents, c'est important, car certains n'ont pas les moyens d'emmener leurs enfants trop loin. Par rapport à des clubs plus isolés, c'est un atout". C'est comme ça que Ronaldo a choisi Sao Cristovaõ...
Ce lundi 30 juin, entre deux huitièmes de finale de Coupe du monde, des jeunes du club sont à l'entrainement. Ils doivent avoir à peu près l'âge de Ronaldo à son arrivée. Le "Aqui nasceu o Fenômeno" ne peut pas ne pas leur sauter aux yeux. On ne voit que lui, là-bas, au fond. Ils rêvent peut-être, discrètement, à un destin similaire. Même si, pour 99% d'entre eux, cela restera un rêve. Ici, les joueurs de l'équipe première sont professionnels, mais ils touchent quasiment tous le salaire de base, 725 dollars. A peine de quoi vivre correctement, et certainement pas de mettre de côté. Or les carrières sont courtes et aléatoires. Comme beaucoup d'autres clubs, Sao Cristovaõ incarne l'autre facette du football brésilien. Celle qui ne fait pas rêver, mais où on ne s'interdit pas de le faire. La légende du "Fenômeno" est peut-être née à Sao Cristovaõ, mais la gloire de Ronaldo, comme les fastes du Maracana que l'on peut presque effleurer des yeux, paraissent bien loin.
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