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COUPE DU MONDE 2022 - Argentine-Pays-Bas : une série devenue culte !

Chérif Ghemmour

Mis à jour 09/12/2022 à 17:29 GMT+1

COUPE DU MONDE - Ce vendredi soir à 20 heures au stade de Lusail, le quart de finale entre les Pays-Bas et l'Argentine va nous proposer un nouvel épisode tant attendu d’une story à part qui nourrit la légende de la Coupe du monde. Retour sur une longue saga qui a fait de cet antagonisme Europe-Amérique du Sud si particulier un grand Classique international…

Johan Cruyff lors de Pays-Bas - Argentine (Coupe du monde 1974)

Crédit: AFP

"Cette victoire sur l’Argentine nous apporta beaucoup de confiance. On sentait que si les choses s’enclenchaient bien au départ on irait très loin, au point même de pouvoir gagner le Mondial." L’immense Ruud Krol, héros de l’Ajax et des Oranje seventies, avait mentionné ce Pays-Bas-Argentine amical du 26 mai 1974 comme point de départ de la formidable épopée que la sélection batave allait connaître quelques semaines plus tard à la Coupe du monde en RFA. A Amsterdam, pour la première confrontation entre ces deux pays, les Gauchos avaient été laminés 4-1 ! De quoi refiler des complexes à un football argentin déjà vaincu en club lors de la finale de la Coupe Intercontinentale 1972 qui avait vu la défaite du CA Independiente, vainqueur de la Copa Libertadores, face au grand Ajax de Cruyff, vainqueur de la C1, sur les scores de 1-1 à l’Avellaneda puis de 3-0 à Amsterdam.
Or, le hasard fit que les Oranje affrontèrent à nouveau l’Albiceleste au Mondial allemand ! Lors du second tour, le 26 juin au Parkstadion de Gelsenkirchen, les Tulipes avaient écrabouillé sous la pluie de pauvres Argentins 4-0. Grâce à un doublé de Johan Cruyff, les Pays-Bas avaient littéralement administré une leçon de Football Total qu’ils avaient étendue aux deux autres ténors sud-américains lors de cette Coupe du monde, l’Uruguay (2-0) et le Brésil (2-0). C’est de ce Mondial 74 que la sélection néerlandaise s’est invitée à la table des Grands, suscitant depuis en Amérique du Sud une crainte mêlée de fascination pour un football si inventif, si créatif et si imprévisible…

1978 : les Oranje en losers magnifiques

Quatre ans plus tard, c’est en finale du Mundial Argentin, sous la dictature de la junte militaire, que les deux pays se retrouvèrent. En 1978, on aurait même pu assister à un duel homérique entre Maradona et Cruyff. Mais Diego (18 ans) n’avait finalement pas été retenu par le sélectionneur Luis Menotti et Johan 1er avait, lui, décidé de ne pas disputer cette Coupe du monde. Dommage… Le 25 juin de l’hiver austral 1978, sur la pelouse du Monumental de Buenos Aires jonchée de papelitos, la "Holanda" comme on l’écrivait alors en espagnol partait légèrement favorite. Les Gauchos craignaient en effet cette nouvelle marée orange qui avait déferlé notamment sur l’Autriche (5-1) au second tour. Mais grâce à sa grinta légendaire personnifiée par son défenseur et capitaine Daniel Passarella, l’Argentine fit plier sa rivale européenne 3-1 après prolongation.
Le doublé de Mario Kempes inscrit en force témoigna de la volonté acharnée des locaux de vouloir triompher devant leur peuple. Les Hollandais eurent toutefois le bon goût de zapper la remise des médailles pour éviter de devoir serrer la main au sanguinaire général Jorge Videla… Défaits à nouveau en finale de Coupe du monde alors qu’ils étaient encore favoris, les Orange validèrent leur statut si particulier de losers magnifiques quand Robbie Rensenbrink, peut-être le meilleur joueur du tournoi, reprit de volée le ballon qui s’écrasa sur le poteau de Fillol à l’ultime minute du match alors que le score était de 1-1…
En tous cas, avec cette deuxième finale néerlandaise et la première victoire argentine en coupe du monde, le "clasico" Pays-Bas-Argentine était lancé. Un Classique mondialiste aux couleurs magnifiques, orange contre ciel-et-blanc, aussi prestigieux que les Italie-Allemagne ou les France-Brésil…

19 années sans rien et puis : "The 2.51 seconds for three sublime touches"

Après un match amical du 22 mai 1979 soldé sur un 0-0, 19 années passèrent avant que les deux sélections, désormais figurant parmi les géants du football international, ne se retrouvent à nouveau pour un match historique. Lors de la Coupe du monde 1998, en quarts de finale au Vélodrome de Marseille bariolé d’orange et retentissant de chants des hinchadas argentines, les deux équipes disputèrent l’un des plus beaux matchs de ce Mondial... Le 4 juillet, sous un chaud soleil provençal, Kluivert ouvre la marque d’une remise de la tête de Bergkamp à la 12e avant que Lopez n’égalise en solo à la 17e en partant dans le dos de la défense batave mal alignée : 1-1 après un quart d’heure de jeu !
Le match spectaculaire prend une tournure dramatique quand Numan prend un deuxième jaune, synonyme d’expulsion, à la 76ème : les Pays-Bas à forte teneur ajacide sont réduits à dix… Mais à la 87e, Ortega tombe dans la provocation de Van der Sar en lui décochant un petit coup de tête au visage : rouge ! On se dirige vers une prolongation excitante quand à l’ultime minute, un ange ailé va planer dans le ciel provençal… De son camp, Frank de Boer, du gauche, ouvre vers l’infini dans la course de Dennis Bergkamp parti vers les buts argentins. Et puis arrive le moment divin, "the 2.51 seconds for three sublime touches" comme le relatent bibliquement les journalistes anglais.
Entré dans les 16 mètres, le Gunner effectue trois touches du droit : amorti en extension, les bras en balancier, crochet sur Ayala et exter au coin des 6 mètres vers le petit filet opposé qui pétrifie le gardien Carlos Roa : but, match et qualification ! La grâce à l’état pur… Ce but du 2-1 final s’inscrit dans l’anthologie néerlandaise des buts sublimes : celui de Johan Cruyff en jaguar bondissant face au Brésil en 1974, la volée céleste de Marco Van Basten en finale de l’Euro 1988 face à l’URSS ou celui de Robin Van Persie en tête plongeante face à l’Espagne au Mondial 2014. "Parfaite", complimenta Ruud Gullit, alors commentateur pour ITV, pour évaluer la prestation magnifique de Bergkamp. Ce à quoi, Mister Iceman (le surnom de Dennis) répondit avec son habituelle humilité : "Personne ne joue jamais le match parfait, mais le moment de ce but en lui-mêmefut, je pense, parfait"… Ce miracle du Vélodrome a entretenu le prestige d’un Clasico qui par la suite perdra toutefois un peu de son éclat lors des deux éditions suivantes.
Avant de s’affronter à nouveau au Mondial 2006 en Allemagne, les deux sélections s’étaient retrouvées lors de deux matchs amicaux à l’Arena d’Amsterdam, le 31 mars 1999 (1-1) puis le 12 février 2003 (1-0 pour les locaux). Lorsque le 21 juin 2006, à Francfort, les Pays-Bas et l’Argentine se rencontrèrent en phase de poule (Groupe C), les deux équipes étaient en fait déjà qualifiées pour les 8èmes (6 points chacune) aux dépends de la Côte d’Ivoire et de la Serbie-Monténégro. Sous les yeux de Platini et Pelé, venus en connaisseurs, le match assez animé et globalement dominé par les Gauchos se solda par un assez bon 0-0. On attendait plus du clash des deux tridents d’exception, Riquelme-Tevez-Messi (son premier Mondial) contre Sneijder-Van Nistelrooy-Van Persie. Dommage…
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"Le Maroc a gagné le droit de ne pas se fixer de limites"

Les duels Messi-Vlaar et Robben-Mascherano

Si huit ans plus tard l’intensité de la confrontation gravit plusieurs degrés du fait de l’importance d’une demi-finale de Coupe du monde au Brésil, le match du 9 juillet 2014 subit la pression de l’enjeu dépassant le jeu. Déjà, en quarts, l’Albiceleste guidée par Messi avait péniblement éliminé la Belgique 1-0 et perdu Di Maria, blessé pour le reste du tournoi. Les Oranje s’étaient qualifiés, eux, aux tirs au but (4-3, 0-0 à la fin des 120 minutes) face au Costa Rica sur un coup génial de Louis van Gaal qui avait remplacé juste avant ces tirs au but le gardien Cillessen par Krul, auteur de deux arrêts ! A l’Arena Corinthians de São Paulo, on assista toutefois à un double duel au sommet, Messi-Vlaar et Robben-Mascherano qui s’acheva, malgré la fougue des deux attaquants, à l’avantage des deux défenseurs. Un autre duel, décisif celui-là, opposa les deux gardiens Romero et Cillessen lors d’une nouvelle séance de tirs au but clôturant un âpre 0-0 à la fin de la prolongation. Cette fois-ci, Van Gaal maintint Cillessen… Mais c’est Romero qui l’emporta en repoussant les tentatives de Vlaar et de Sneijder : 4-2 et qualif en finale des Argentins !
Et ce vendredi soir ? Dans l’imaginaire collectif, un match Argentine–Pays-Bas repose sur une opposition de style qui attribue aux Oranje un jeu offensif, léché, audacieux alors que l’Albiceleste jouerait de façon plus réaliste, plus prudente et sachant se montrer létale au moment crucial… Or, au vu des quatre premiers matches disputés par les deux équipes, on assisterait plutôt à une bataille à fronts renversés ! Au Qatar, les Néerlandais déploient en effet un jeu prudent qui abandonne la possession à l’adversaire mais tout en se montrant réalistes et cliniques.
Presqu’à la manière de l’Argentine 1990, parvenue en finale de Mondial grâce à son bloc-équipe d’où n’émergeait que Maradona. Gakpo (ou Depay, si parfaitement remis ?) serait un peu le pendant de Diego de cette Hollande 2022… En face, fidèle au style offensif insufflé par leur sélectionneur Lionel Scaloni, en place depuis 2018, les Argentins, eux, font du jeu, prennent l’initiative, guidés par un Messi transcendé, à la fois meneur et buteur. Un avantage se dessinerait donc en leur faveur ? Oui, mais : gare au retour de flamme d’un football néerlandais qui sait se montrer à n’importe quel moment si inventif, si créatif… et si imprévisible !
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