Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

COUPE DU MONDE 2022 - Comment le Qatar s'est bâti une équipe pour réussir son Mondial

Glenn Ceillier

Mis à jour 01/04/2022 à 18:15 GMT+2

COUPE DU MONDE 2022 – Placée dans le chapeau 1 automatiquement en tant que pays organisateur, la sélection du Qatar est l'une des inconnues de ce Mondial. Encore marginale il y a quelques années, l'équipe qatarienne a pris un peu plus d'épaisseur, dans le sillage d'une politique de naturalisation et grâce à son projet novateur Aspire. Explications.

Conteneurs éphémères, tente ou diamant : tour d'horizon des 8 stades du Mondial

C'est un grand saut dans l'inconnu. Il y a déjà la question de savoir à quoi va ressembler cette Coupe du monde 2022 avec une concentration géographique unique pour un tel événement. Mais alors que le tirage au sort aura lieu vendredi, une autre interrogation revient avec insistance : que peut-on attendre de cette sélection qatarienne ? On parle ici d'une nation qui va disputer sa première Coupe du monde. Et qui se retrouve dans le chapeau 1 en tant que pays organisateur, aux côtés de mastodontes comme le Brésil, la France ou encore l'Argentine et l'Angleterre.
Le Qatar possède le potentiel pour faire "honneur" au pays, annonce à l'AFP Abdallah Al-Ahrak, le milieu de terrain de l'équipe nationale et du club d'Al-Duhail. Et s'il faudra attendre pour se faire une vraie idée sur la question, un constat s'impose : le pays de la péninsule arabique a tout fait depuis des années pour faire bonne figure sur la pelouse pour son Mondial, le premier de l'histoire organisé dans le monde arabe. Sélection anecdotique il y a encore quelques années, le Qatar a passé quelques caps ces derniers temps pour se retrouver au 51e rang du classement FIFA, soit dans les mêmes eaux que l'Equateur (49e), l'Arabie saoudite ou encore le Ghana (60e).
picture

Almoez Ali avec le Qatar, 2021

Crédit: Getty Images

Il y a une cohérence qui est assez bizarre pour le Qatar
Christian Gourcuff, passé à deux reprises sur des bancs de clubs au Qatar - la dernière fois avec Al-Gharafa SC en 2018-2019 -, a suivi cette évolution de près et en souligne les points forts. "Il y a une stabilité qui est remarquable car c'est assez rare en sélection, explique-t-il. Le sélectionneur espagnol Felix Sanchez est là depuis très longtemps. Il y a une cohérence qui est assez bizarre pour le Qatar qui est d'habitude dans l'éphémère et le superficiel. Ce n'est pas une équipe hyper talentueuse mais il y a une cohésion." Les résultats ont d'ailleurs suivi. En 2019, le Qatar a remporté la Coupe d'Asie face au Japon. Et cette progression se poursuit : "Ils ont battu la Bulgarie ces derniers jours (ndlr : 2-1 avant de faire nul face à la Slovénie 0-0), ce qui situe leur niveau même si ce n'est pas une sélection qui peut rivaliser avec les meilleures équipes mondiales."
La stabilité n'est pas la seule raison de sa progression. Pour réussir cette évolution, l'émirat du Golfe a usé de tous ses atouts. Comme par exemple son pouvoir de "séduction", grâce notamment à ses moyens colossaux. Depuis son sacre en Coupe d'Asie, la sélection de Felix Sanchez a ainsi pu emmagasiner de l'expérience pour continuer de grandir. Le Qatar, qui affronte régulièrement des sélections prestigieuses lors des fenêtres internationales, a par exemple disputé la Copa America 2019 (ndlr : un nul, trois revers) avant de jouer la Gold Cup 2021 pour un bilan intéressant (ndlr : trois victoires, un nul et un revers en demie contre les Etats-Unis). Mais la clef de la progression de la monarchie sur la scène internationale a d'autres raisons, plus ou moins obscures. Ou tout du moins stratégiques.
picture

Almoez Ali avec le Qatar, 2021

Crédit: Getty Images

Il y a beaucoup de joueurs naturalisés
La première saute aux yeux quand on regarde le onze qatarien. Le sélectionneur espagnol Felix Sanchez s'appuie sur une grande délégation de joueurs naturalisés, même si ce n'est pas dans les mêmes proportions qu'en handball. Contre la Slovénie lors du dernier match amical, le onze de départ était par exemple constitué de cinq joueurs nés à Doha. Les autres étaient originaires d'Algérie, d'Irak, du Portugal, du Soudan ou de France. "Il y a beaucoup de joueurs naturalisés. Mais en même temps, il y a très peu de qatariens de naissance puisque c'est un petit pays constitué essentiellement d'expatriés", précise Christian Gourcuff. Dans ce pays de 2,5 millions d'habitants, les expatriés forment en effet environ 90% de la population.
Pendant des années, le Qatar a ainsi naturalisé de nombreux joueurs, attirés notamment dans un premier temps par les salaires proposés par les clubs locaux et ensuite restés suffisamment d'années au pays pour obtenir la nationalité sportive selon les règlements de la FIFA, une échéance passée à cinq ans au lieu de deux en 2008. Mais au cœur de la stratégie qatarienne pour essayer de grandir sur la scène sportive, il y a également un projet d'envergure et révolutionnaire : Aspire.

L'académie Aspire : "Un Clairefontaine omnisports avec des impératifs pour le climat"

Aspire est une académie, installée dans un immense complexe sportif destiné à former des champions dans diverses disciplines. Construit à coups de millions, ce "centre de développement", qui a vu le jour en 2004, offre des conditions de rêves aux jeunes joueurs, qui s'entraînent aux côtés de la sélection. "Sur le plan des infrastructures, c'est extraordinaire, raconte l'ancien entraîneur du FC Lorient et du Stade Rennais. C'est une grande coupole climatisée avec des hébergements. C'est assez fantastique comme structure avec des équipements de pointe. C'est un Clairefontaine omnisports avec des impératifs pour le climat afin de travailler toute l'année."
Avec un but clairement établi : faire briller le Qatar sur la scène mondiale sportive. Qu'importe le pays d'origine des sportifs. "Le principe, c'est qu'ils prennent des jeunes et ils les forment avec l'école intégrée, remarque Gourcuff. Et comme pour la sélection, ils ne recrutent pas seulement les joueurs au Qatar. L'objectif, c'est d'avoir une équipe nationale compétitive même si ce n'est pas forcément avec des joueurs locaux comme il n'y a de toute manière peu de Qatariens."

Epinglé par les Football Leaks

En 2018, le nom d'Aspire et son programme "Football Dreams", qui a testé plus de 4 millions de jeunes talents dans des "pays en voie de développement" en Afrique, Asie et Amérique du Sud, s'était cependant retrouvé épinglé dans les Football Leaks. La raison ? Le projet qatari, qui avait créé des satellites et avait des clubs partenaires en Europe (Eupen en Belgique…), était soupçonné d'avoir mis en place une méthode pour contourner les règlements sur les transferts internationaux de mineurs, selon une enquête de la FIFA révélée par Mediapart. "C'est une perversion du système" et ça "ne doit pas se produire", aurait notamment glissé Jérôme Valcke, quand il était encore secrétaire général de l'instance internationale.
Et alors que le changement de règle de la FIFA sur la naturalisation des joueurs a tué dans l'œuf ce programme "Football Dreams" (ndlr : il a été mis en sommeil en 2016), l'impact de cette académie sur le football qatarien, qui a pris l'accent espagnol depuis 2010, n'est en tout cas déjà pas négligeable. "70% de l'équipe qui a remporté la Coupe d'Asie est passée par l'Aspire Academy", soulignait fin 2021 dans Sport Star l'ancien international australien, Tim Cahill, devenu responsable au sein de l'académie.
Né au Soudan, Almoez Ali, qui avait fini la Coupe d'Asie avec 9 buts, fait partie de ces joueurs. Tout comme le défenseur né à Bagdad Bassam Al-Rawi. De quoi surprendre au Mondial ? "Après, c'est un problème de niveau des joueurs. Comme pour les clubs d'ailleurs. En termes de structure, tout est adapté. Ils sont prêts à mettre les moyens mais s'il n'y a pas de joueurs...", annonce Gourcuff qui regrette le "décalage entre les moyens mis à disposition et le niveau des joueurs". Mais le Qatar arrive cependant plus préparé qu'on pouvait s'y attendre.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité