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"Scandaleux et inconcevable" : la révolte aux Pays-Bas pourrait être contagieuse

Johann Crochet

Mis à jour 27/04/2020 à 08:59 GMT+2

EREDIVISIE - Indignation et actions en justice : avec la décision d'acter une saison blanche, l'exemple néerlandais pourrait contraindre ses homologues européens à étudier d'autres solutions.

Dusan Tasic (Ajax Amsterdam) gegen Owen Wijndal (AZ Alkmaar) im Topspiel der Eredivisie

Crédit: Getty Images

Ce vendredi, la fédération néerlandaise annonçait l'application du principe de saison blanche pour les deux premières divisions néerlandaises, alors que le gouvernement a interdit la tenue de rencontres sportives "sous licence" jusqu'au 1er septembre. Cette décision a déclenché une vague d'indignation tout le week-end, alors que des clubs se disent déjà prêts à contester le verdict en justice. Cette solution envisagée dans d'autres championnats européens, s'ils étaient dans l'incapacité d'aller au bout de leur saison, est des plus impopulaires aux Pays-Bas.
L'annonce était attendue et elle a surpris tout le monde. Bien avant le communiqué officiel, tombé en début de soirée, l'après-midi avait commencé avec les premières révélations de la presse locale et de l'Algemeen Dagblad. Tandis que la majorité des scénarios envisagés ces derniers jours évoquait une annulation des descentes, une confirmation de la montée des deux premiers et une Eredivisie (D1) à 20 clubs la saison prochaine, la Koninklijke Nederlandse Voetbal Bond (KNVB) en a décidé autrement. S'il n'y aura pas de relégation, les montées sont, elles, congelées. Le classement à la 26e journée fait lui office de référence pour les places européennes et ne tient pas compte du fait que tous les clubs à la lutte pour l'Europe n'ont pas joué le même nombre de matches.
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Donyell Malen (PSV Eindhoven)

Crédit: Getty Images

Les clubs de D2 organisent la riposte

Les réactions ont afflué toute la soirée et durant tout le week-end. Parmi les clubs lésés, le SC Cambuur, leader de la Keuken Kampioen Divisie, la deuxième division batave. Son entraîneur a ainsi résumé la situation lors d'un point presse avec des journalistes : "C'est la plus grosse honte de l'histoire du sport néerlandais". Le club de Leeuwarden, dans le nord des Pays-Bas, a en effet dominé toute la saison 2019/2020. Il possédait quatre points d'avance sur le second, De Graafschap, et 11 sur le troisième, Volendam. Il a passé 26 des 29 journées disputées en tête du classement. La décision a donc beaucoup de mal à passer.
"Il y a eu 29 journées déjà disputées, c'est 10 mois de matches acharnés, c'est du travail, des émotions, ce n'est pas rien, nous explique Robin Maulun, le milieu français de Cambuur. Là, on a l'impression, en gros, qu'il y a un mec à la fédération néerlandaise qui te dit que tout ce que tu as fait a été inutile. On a le sentiment que ces 29 matches n'ont servi à rien. C'est scandaleux et inconcevable de faire ça. Il n'y a aucune valeur du sport dans cette décision ou de notion de mérite comme le préconise l'UEFA. On a passé 26 journées sur 29 en tête de la deuxième division. Je n'ai rien contre RKC (dernier d'Eredivisie), mais ils ont 15 points en 26 matches et ils ont passé toute la saison derrière." Du côté des joueurs, la volonté est clairement affichée : "Il y a beaucoup d'incompréhension. On laisse nos dirigeants voir ce qu'il faut faire, mais tous les joueurs espèrent que le club va contester cette décision en justice."
Autre club concerné par l'absence de prolongation, De Graafschap, deuxième au classement. Son directeur général, Hans Martijn Ostendorp, a expliqué vendredi soir qu'il allait s'entretenir avec les dirigeants de Cambuur et a laissé entendre que le club contesterait la décision sur le terrain judiciaire. Les deux clubs en tête de la deuxième division néerlandaise n'acceptent pas la décision de la fédération et mettent en avant les résultats sportifs obtenus sur le terrain.

Le manque de clarté de la fédération a choqué

Une action commune est envisagée. Et ils ne sont pas les seuls dans ce championnat. Volendam (3e) et le NAC Breda (5e) avaient tous deux obtenus le droit de participer aux playoffs de fin de saison où les équipes bien classées de D2 et mal classées de D1 se jouent le droit de montée/descente. Avec la décision de la KNVB, Volendam et Breda voient leurs espoirs de promotion s'envoler. Et les deux clubs ont déjà annoncé qu'ils réclameront une compensation financière à la fédération, qui pourrait se faire attaquer sur le plan judiciaire pour des questions sportives et économiques par plusieurs clubs de deuxième division. Car, outre la décision finale, de nombreux dirigeants ont peu apprécié le déroulement de la journée de vendredi.
Il faut rembobiner un instant l'histoire à quelques heures avant l'annonce de la fédération. Cette dernière a convoqué les 34 clubs professionnels (les 18 d'Eredivisie et les 16 de Keuken Kampioen Divisie - les quatre réserves professionnelles Ajax, PSV, AZ et Utrecht n'étaient pas invitées) ainsi que les représentants des joueurs et des entraîneurs. Le but de la réunion ? Procéder à un vote de consultation au sujet de la fin de la saison aux Pays-Bas. Était notamment au programme la question des promotions/relégations.
Le résultat du vote a fuité : 16 clubs ont voté POUR que les montées/descentes soient prises en compte, 9 ont voté CONTRE et 9 ont voté BLANC. Plusieurs dirigeants ont en effet décidé de ne pas prendre position sur cette question, arguant que ce n'était pas à eux de décider du sort d'autres clubs, avec l'impact économique et sportif que cela peut engendrer. L'Ajax par la voix d'Edwin van der Sar a confirmé être dans la liste des neuf clubs concernés, tout comme Heerenveen, Feyenoord, Groningen et le PSV. Mais il y a un premier hic. Toon Gerbrands, directeur général du club d'Eindhoven a en effet expliqué les dessous du vote. Le PSV, à travers sa voix, a refusé de voter. Au journal Eindhovens Dagblad, il a en effet expliqué qu'il n'avait ni voté pour, ni contre, et pas même blanc. Sauf que lors du décompte, les Rood-witten se sont retrouvés dans le camp des votes blancs. Par quel mystère ? Gerbrands s'interroge : "Cette décision concerne l'avenir des clubs. Nous avons rapidement constaté que nous ne voulions pas voter. Un certain nombre d'autres clubs ont également exprimé ce point de vue. Nous ne savions pas qu'il serait interprété comme un vote blanc."

Utrecht va également aller en justice

D'autres voix se sont élevées pour indiquer le manque de clarté de la fédération néerlandaise. En effet, selon certains dirigeants, comme Toon Gerbrands (PSV), il n'avait pas été indiqué avant la réunion que le fait de ne pas voter rangerait le vote dans le camp des clubs souhaitant que les montées/descentes soient suspendues. La KNVB a ainsi expliqué aux clubs qu'avec 16 votes POUR sur 34, la majorité n'était pas claire, puisque 18 clubs n'avaient pas voté pour cette solution. "C'est scandaleux et inconcevable de faire ça, témoigne Robin Maulun. Dans quel système tu peux voir ça ? Aux élections, les votes blancs ne comptent pas pour un candidat ou un autre, c'est à part, c'est le principe du vote blanc. Je ne comprends pas que les votes blancs puissent être considérés comme des votes ‘contre' par la fédération."
Gyrano Kerk félicité par ses coéquipiers lors de FC Utrecht - Sparta Rotterdam en Eredivisie le 8 mars 2020
En dehors des concernés par une promotion ou une relégation, d'autres clubs ont fait part de leur mécontentement. Le deuxième point chaud se situe autour de la dernière place qualificative pour l'Europa League. Par sa décision de figer le classement à la 26e journée, la fédération a donc décidé d'attribuer cette place au 5e, Willem II. Problème, Utrecht, 6e et avec une meilleure différence de buts (qui départage deux clubs à égalité), affiche certes trois points de moins, mais également un match de retard avec seulement 25 matches disputés, contre 26 pour Willem II. La fédération a donc décidé d'attribuer une place en Coupe d'Europe en ne comparant pas deux clubs jugés sur le même nombre de matches joués. La pilule a évidemment du mal à passer à Utrecht dont les dirigeants ont déjà annoncé avoir mis de nombreux avocats sur l'affaire en vue d'une action en justice. Le billet qui envoie directement une équipe en phase de groupes de l'Europa League a été attribué au 3e, Feyenoord. Un ticket habituellement donné au vainqueur de la Coupe qui devait opposer Feyenoord à ... Utrecht. Le club se considère donc comme doublement lésé.

Les Pays-Bas, un exemple à ne pas suivre ?

Il s'agit du premier pays à avoir acté la fin de sa saison de football en raison de la décision gouvernementale interdisant aux clubs néerlandais de jouer – y compris à huis clos – jusqu'au 1er septembre. Il ne sera peut-être pas le seul puisque les fédérations et autres ligues, sans oublier l'UEFA, sont tributaires des décisions des gouvernements. Si d'autres pays venait à calquer leur calendrier sur les Pays-Bas, avec une impossibilité de jouer jusqu'à la fin de l'été, les autorités sportives seront en première ligne pour trouver une solution afin de mettre fin aux différentes compétitions.
Si la possibilité d'une saison blanche a déjà été portée par quelques voix en France et en Angleterre, l'exemple néerlandais montre toute la complexité d'une telle mesure, notamment au niveau du point critique des montées et descentes, avec des clubs prêts à aller contester en justice toute décision qui leur serait défavorable, d'autres pouvant également réclamer des compensations de plusieurs millions d'euros. Une solution, pouvant contenter le plus grand nombre, et peut-être moins risquée sur le plan juridique, serait de geler les descentes mais valider les montées, augmentant le nombre d'équipes participant aux championnats le temps d'une saison. La fédération néerlandaise a fait un autre choix. Celui de se mettre à dos une bonne partie de ses clubs professionnels. L'été sera chaud.
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