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Et maintenant, comment un Africain peut gagner le Ballon d'Or ?

Glenn Ceillier

Mis à jour 08/01/2020 à 16:14 GMT+1

Alors que Sadio Mané a reçu le titre de meilleur joueur africain de l'année, ce sacre est une belle consolante après ses désillusions récentes au Ballon d'Or et lors des trophées The Best. Des déceptions qui ne sont pas liées uniquement à son cas. Depuis des années, le football africain est peu représenté dans ces récompenses de fin d'année sur la scène internationale. Et c'est un souci global.

Mohamed Salah of Liverpool celebrates with Sadio Mane

Crédit: Getty Images

C'est une juste récompense. Enfin, Sadio Mané a reçu un titre individuel pour son exercice 2019 de haut vol. Le voilà pour la première fois sacré meilleur joueur africain de l'année. En toute logique. Il peut savourer. Même si ce trophée ne chasse pas tous les regrets, voire les doutes car il rappelle aussi les déceptions précédentes. Seulement quatrième du dernier Ballon d'Or mais également oubliée de l'équipe-type The Best de la FIFA, la star sénégalaise de Liverpool a pu mesurer ces derniers mois l'ampleur de sa cote sur la scène internationale. De sa cote mais aussi celle du football africain. Tout cela ne fait en effet que souligner le manque d'impact du continent africain dans ce genre de récompenses honorifiques.
En cherchant, on peut bien sûr trouver des explications à la relégation au second plan de Sadio Mané lors du Ballon d'Or ou des trophées The Best. En dépit du sacre en Ligue des champions et d'une finale de la CAN avec le Sénégal, l'ailier des Reds, qui n'est pas le joueur le plus charismatique et bankable hors des terrains, a sûrement fait les frais de la puissance collective de Liverpool la saison passée. "C'est l'osmose parfaite de l'expression d'un collectif de très haut niveau", applaudit ainsi Alain Giresse, deuxième du Ballon d'Or 1982. Cependant, l'exercice 2019 de Mané aurait pu ou dû le propulser plus haut lors des différentes récompenses. Mais voilà, le problème semble bien plus profond que le simple cas de Mané.
On ne peut pas évoquer le racisme, mais seulement du favoritisme
Depuis le Ballon d'Or décroché par George Weah en 1995 – le seul d'un Africain -, les joueurs de ce continent considéré comme le berceau de l’humanité ont rarement été à l'honneur à l'heure des récompenses individuelles malgré la richesse de son réservoir. En 2007, Didier Drogba a certes fini à la quatrième place du Ballon d'Or. Samuel Eto'o a lui eu droit à une cinquième place en 2009, tout comme Mohamed Salah cette année. Mais le podium leur échappe. Année après année. Inlassablement. Alors pourquoi ? Pourquoi demeure cette impression que les footballeurs venant d'Afrique ne sont pas toujours récompensés comme il se doit en fonction de la juste valeur de leurs performances ?
Quand on se penche sur ces interrogations, les spécialistes mettent tout de suite les choses au clair : il n'est pas question de discrimination. Et les votes des journalistes africains pour le dernier Ballon d'Or, qui n'ont pas placé Mané dans les meilleures conditions, l'illustrent. "On ne peut pas évoquer le racisme, mais seulement du favoritisme", reconnait à l'AFP El-Hadji Diouf, l'ancienne idole du Sénégal passée par Liverpool. "Être un footballeur africain, c'est bien sûr un handicap, les principaux décideurs et les médias influents n'étant pas du continent."
On réclame un joueur africain mais il faut aussi déjà commencer par éliminer nos querelles continentales
Les failles du football africain pèsent bien de tous leurs poids. "Si on n'a pas de joueur africain capable de gagner le Ballon d'Or, c'est en grande partie car le football africain manque d'organisation et de structure", nous confirme Jean-Baptiste Guégan, auteur de "Géopolitique du sport, une autre explication du monde". Depuis quelques années, le lobbying a ainsi pris de plus en plus d'importance dans ces élections. Or, l'Afrique n'excelle pas encore dans ce domaine. "Ça a pris une autre dimension avec l'ouverture et la médiatisation, regrette Alain Giresse, ancien sélectionneur du Sénégal, du Mali ou encore de la Tunisie. A partir de ce moment-là, il y a une intervention plus forte de ce lobbying géographique mais qui s'impose plus dans certains continents que dans d'autres".
Le Ballon d'Or de Luka Modric en 2018 a ainsi illustré la puissance d'une institution comme le Real Madrid. Et cette année, l'éparpillement des votes et le manque de solidarité "continentale" des journalistes africains pour le Ballon d'Or est allé dans cette voie, en démontrant l'absence de poids de l'Afrique. Tous les Africains ne tirent clairement pas dans le même sens dans le but de promouvoir leur football. "La traduction en vote en défaveur de Sadio Mané, comme pour Salah la saison passée d'ailleurs, est notamment liée au fait que le foot africain est mal structuré et mal organisé. Sa gouvernance est assez catastrophique. Les votes pour le Ballon d'Or reflètent la désorganisation du football africain. La CAF est incapable de donner un mot d'ordre", abonde Jean-Baptiste Guégan. "On réclame un joueur africain mais il faut aussi déjà commencer par éliminer nos querelles continentales pour faciliter cela", ajoute Alain Giresse.
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Sadio Mané élu meilleur joueur africain 2019

Crédit: Getty Images

Le marché africain n'est pas une cible prioritaire ou majeure pour l'instant
Si le problème de structure du football africain se retrouve pointé du doigt, il y a d'autres points clefs. L'image de la Coupe d'Afrique des Nations par exemple. Elle n'aide pas non plus. "La CAN prend chaque année une dimension sportive plus élevée mais tous les petits à côtés qu'il peut y avoir sur des problèmes d'organisation ou d'hébergement, égratignent un peu son image, estime Giresse. En 2013 et pourtant c'était en Afrique du Sud, je me souviens ainsi d'un terrain avec du sable. Ce n'était pas acceptable de jouer dans de telles conditions pour des sélections qui ont maintenant de très grands joueurs. Quand le grand public voit cela, il se dit qu'il y a quelque chose qui ne va pas. En termes de résonance par rapport à la Coupe du monde, l'Euro ou encore la Copa América, ça compte".
Si la CAN reste peu considérée sur le plan international, le profil du joueur est aussi déterminant. Or Sadio Mané, qui n'a pas été vraiment aidé sur le plan de la communication par Liverpool, n'est pas le plus bankable. "Il n'est pas trop mis en avant aussi car il ne représente pas un intérêt pour les Européens. Le marché africain n'est pas une cible prioritaire ou majeure pour l'instant", explique Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport.
Tous ces détails n'en sont pas vraiment à l'heure des comptes. Et l'Afrique, qui a quand même placé trois joueurs dans le Top 10 du Ballon d'Or en 2019 avec l'Egyptien Mohamed Salah (5e) et l'Algérien Riyad Mahrez (10e), doit encore travailler à améliorer tout cela pour trouver le successeur de George Weah. "L'Afrique avance même s'il y a encore des choses à faire évoluer sur le plan de l'organisation. Je suis convaincu qu'elle arrivera à présenter un nouveau Ballon d'Or", conclut Giresse.
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