Avant France - Portugal, Antoine Griezmann - Cristiano Ronaldo : si loin, si proches

L’un a revêtu ses habits de lumière et survole l’Euro depuis que les choses sérieuses ont commencé. L’autre s’est mis en quatre, bleu de chauffe sur le dos pour porter son équipe vers un destin dont il rêve qu'il soit doré. Soyez honnête, il y a un mois, si l’on avait décrit Antoine Griezmann et Cristiano Ronaldo ainsi, vous auriez plutôt reconnu le Français dans le second portrait, laissant la flamboyance au Portugais. Et pourtant… La compétition et leur parcours respectif ont rebattu les cartes.

Antoine Griezmann, 6 buts au compteur, et Cristiano Ronaldo, 3, seront les deux hommes à suivre sur la pelouse du Stade de France, dimanche soir. Ils ne se croiseront probablement pas souvent sur le pré mais leurs coups de patte et de tête auront des répercussions gigantesques sur leur avenir respectif, tout autant que sur leur palmarès. Et l'histoire de leur pays.

Agé de 25 ans, Antoine Griezmann dispute sa deuxième grande compétition chez les Bleus, après le Mondial 2014 qu’il avait terminé abattu et en larmes. Les larmes, Cristiano Ronaldo a déjà donné, également. C’était il y a douze ans et le jeune mais déjà flamboyant attaquant avait perdu une finale d’Euro, face à la Grèce (0-1) et à la maison. Depuis, CR7 a été de tous les combats, de toutes les victoires. Et, surtout, de toutes les désillusions. C’est aussi ça qu’il veut effacer dimanche soir au Stade de France. Le bonheur de l’un faisant, évidemment, le malheur de l’autre. Comme le 28 mai dernier, quand Ronaldo avait soulevé sa troisième Ligue des champions, au nez et à la barbe de Griezmann.

Antoine Griezmann et Cristiano Ronaldo sont différents. Quand l’un est à ranger dans la catégorie des modèles réduits (1,75m, 61kg), plus proche du marathonien que du gladiateur, l’autre est sculpté et bâti comme un sprinteur (1,84m, 83kg). De loin, le Français et le Portugais n’ont rien à voir. Leur caractère, réservé pour l’un, extraverti pour l’autre, leur parcours, leur maturation ou leur club respectif : tout les oppose. Ils habitent dans la même ville, certes. Mais au sein de deux institutions qui correspondent bien à l’identité des deux hommes : quand l’un joue chez les Matelassiers de l’Atlético, l’autre évolue dans les rangs des Galactiques du Real. Le premier ne ferait pas tâche chez les Merengue. Il a prolongé avec les Colchoneros où don de soi et esprit d’équipe ne sont pas des mots vains ou des slogans pour vendre des abonnements.

Cet éloignement de façade est relatif quand on se penche sur les deux hommes. Le talent rapproche le gaucher et le droitier. Leur saison 2015/2016 également. Quand l’un a poursuivi sur la folle lancée qui dure depuis pratiquement une décennie, l’autre s’est hissé au niveau des plus grands. Si bien que, pour la première fois depuis 2013 et l'année de feu de Franck Ribéry, un Tricolore entre naturellement dans la discussion pour l’obtention du Ballon d’Or. "Grizi réalise une très grosse saison. Ronaldo, ça fait 6 ou 7 années qu’il est au sommet de son art. Après, le Ballon d’Or, c’est surtout pour deux joueurs, Messi ou Ronaldo", juge Didier Deschamps. On ne peut pas donner tort au sélectionneur des Bleus. Il n’en reste pas moins que l’ancien joueur de la Real Sociedad a changé de dimension. "J'ai joué plusieurs fois face à lui, s'est souvenu Pepe samedi. Il n'est pas très grand mais a beaucoup de qualités. Il sait toujours où se situe le ballon."

"Il a cette qualité en lui, l’efficacité. Il fait jouer l’équipe et n’est pas seulement un soliste", ajoute Didier Deschamps, admiratif. Qui dit soliste ramène forcément - et un peu injustement - à qui vous savez. Une idée que cet Euro 2016 est en train de ranger au placard. Parce que Ronaldo n’est pas le même homme depuis le début la compétition. Lui aussi est investi d’une mission supérieure. "Ronaldo a fait preuve d’une grande maturité lors de cet Euro, analyse Hugo Neves, journaliste pour le quotidien Record. Il a changé de mentalité. Il pensait plus à lui avant. C’est l’une des clés du succès portugais. Il est plus concerné sur le Portugal que sur sa personne. Pour lui, ce n’est pas Ronaldo qui doit gagner. Mais le Portugal." Ronaldo a changé. Griezmann a grandi. Tout est en place pour un duel au soleil.