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Obraniak se confie

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 08/06/2012 à 10:53 GMT+2

Ludovic Obraniak revient sans détour sur une intégration qu'il juge "compliquée" au sein de l'équipe de Pologne. Le milieu bordelais, qui ne parle pas le polonais, s'est battu sur le terrain pour prouver son attachement à sa nation. Et c'est avec fierté qu'il aborde cet Euro à domicile. Entretien.

FOOTBALL - 2012 - Pologne - Obraniak

Crédit: AFP

LUDOVIC OBRANIAK, que représente pour vous le fait de jouer un Euro en Pologne, pays natal de votre grand-père ?
L.O. : C'est quelque chose de fantastique. Tout d'abord, jouer un Euro en lui-même c'est quelque chose de grandiose. On aspire tous quelque part à jouer une grande compétition internationale quand on est footballeur professionnel. Ensuite, avoir la chance de la vivre à domicile c'est quelque chose de rare dans une carrière, c'est pour ça qu'on a envie de bien se préparer pour pouvoir en profiter un maximum... et de prolonger le plaisir plus longtemps possible.
Vous avez choisi de jouer pour la Pologne malgré vos sélections en Espoir avec la France. Qu'est-ce qui a fait pencher votre décision pour la Pologne ?
L.O. : La question ne s'est jamais vraiment posée. Je n'ai jamais eu dans l'idée de rejoindre l'équipe de France parce que je savais pertinemment que la porte était fermée pour moi à ce niveau là étant donné la qualité des joueurs qu'il y avait devant moi d'une part, ensuite vu le club dans lequel je jouais. C'est une chose à laquelle je n'ai jamais vraiment pensé, après quand il y  a eu la possibilité de rejoindre l'équipe nationale de Pologne, il y a deux questions qui se sont posées: de représenter ma famille qui a des racines polonaises, mon arrière-grand-père a vécu là-bas. C'est indéniable que j'ai des racines même si, niveau culture, ça a sauté une génération et que je n'ai pas pu en profiter. Je suis arrivé là-bas sans aucune base, ni sur la culture polonaise, ni la langue, ni quoi que ce soit mais j'essaie de montrer aux gens mon attachement sur le terrain.
Qu'avez-vous ressenti lors de votre premier match avec la Pologne, la première fois que vous avez revêtu le maillot, que vous avez écouté l'hymne sur le terrain?
L.O. : De pouvoir représenter c'est quelque chose! Représenter une ville c'est déjà en soit quelque chose, représenter un pays c'est une grande fierté. J'avais dans l'idée de m'inscrire sur la durée, j'avais à cœur de montrer que j'avais un attachement pour mon pays d'origine et je suis arrivé avec une grosse envie, une grosse motivation, une grosse fierté de pouvoir porter ce maillot parce que ce n'est pas rien d'avoir le symbole de tout un pays sur le dos. J'ai essayé de m'appliquer au mieux à faire la meilleure prestation possible, coup de chance pour moi ou signe du destin, je marque 2 buts dans ce match là donc ça m'a grandement aidé pour la suite, ne serait-ce qu'au niveau de mon adaptation, ma crédibilité au sein du groupe, parce quelque part je n'étais pas si connu que ça et j'arrivais un peu en mettant les pieds dans le plat. Pour les joueurs qui composaient cette équipe quelque part je prenais la place d'un Polonais, donc il fallait que je fasse mes preuves. Heureusement ce jour là ça m'a bien aidé.
Justement, comment s'est passée votre adaptation sachant que vous ne parliez pas un mot de polonais?
L.O. : Ça a été compliqué, très compliqué, dans le sens ou déjà je n'étais pas spécialement désiré par l'entraineur. Au début c'était plus une pression des médias et des supporters pour que j'intègre l'équipe donc je savais que je n'étais pas une priorité de Leo Beenhakker à cette époque là. Je sais qu'il m'a pris sous la pression des gens et manque de pot pour lui, le moment ou il me lance, j'en mets deux du coup ensuite il a été obligé de me remettre. Ça a été compliqué aussi car je suis arrivé en plein milieu des matches retour de qualification pour la Coupe du Monde donc on était déjà dans une situation complexe, on a joué des matches où on avait le couteau sous la gorge, qu'il fallait absolument gagner. Moi je me retrouve là avec quasiment aucun lien avec mes nouveaux partenaires, et je me retrouve à jouer des qualifs de Coupe du Monde donc ... l'intégration a quand même été compliquée, il faut l'avouer.
Est-ce que vous vous êtes sentis de trop et avez-vous eu envie de partir quand certains supporters et des députés ont commencé une campagne pour une équipe 100% polonaise?
L.O. : "on, mon grand-père ayant vécu là-bas, je ne voyais pas pourquoi... Après, je peux comprendre. Si aujourd'hui, un joueur arrivait en équipe de France et qu'il ne parlait pas français, ça me paraîtrait forcément bizarre. J'avais aussi de la compassion vis à vis de ça donc je me suis fait tout petit pendant un moment, j'ai fait mon truc dans mon coin et après les joueurs sont venus naturellement vers moi. Comme on ne pouvait pas dialoguer en polonais au début, certains ont fait l'effort de le faire en anglais. Je me suis lié d'amitié avec certains qui m'ont aidé, qui m'ont appuyé et après les choses se sont faites naturellement.
Est-ce que l'exemple de Roger Guerreiro, qui a marqué le premier but pour la Pologne à l'Euro 2008, et qui a été vite accepté, vous a servi de motivation pour te dire 'si je suis performant, je serai plus vite accepté'?
L.O. : Pour Roger ce n'était pas du tout la même configuration qu'avec moi parce qu'il jouait en Pologne (en club) donc il avait déjà une attache particulière avec les gens là-bas, ça lui permet aussi de parler polonais quasiment couramment car quand tu vis dans le pays les choses sont beaucoup plus faciles pour apprendre la langue. Moi je vais "là-haut" au coup par coup. Il y a une sélection, je vais là-bas mais il ne m'est jamais arrivé d'aller en Pologne comme ça, pour passer du bon temps... Les gens peuvent se poser des questions par rapport à ça, ce que je peux comprendre, mais j'essaie de montrer mon attachement pour ce pays et de rendre hommage à cette famille que je n'ai pas connue en essayant d'être le meilleur possible sur le terrain. Mon métier c'est quand même de donner du plaisir au gens à travers le terrain donc pour l'instant c'est le meilleur moyen d'expression que je peux avoir là-bas.
Est-ce que vous discutez de ces questions de nationalité avec l'autre Français de l'équipe, Damien Perquis?
L.O. : On ne se pose pas trop de questions. On essaie de prendre du plaisir parce que c'est avant tout une grande chance de pouvoir représenter son pays, de pouvoir jouer des matches internationaux, donc on mesure la chance qu'on a. On essaie de faire des efforts même si je pense que je devrais en faire beaucoup plus que ça. Au niveau de la langue, je n'ai pas encore toutes les bases ce qui ne me permet pas de pouvoir tenir de longues discussions. A ce niveau-là je sais que j'ai des efforts à faire. C'est avant tout une question de respect par rapport à mes partenaires et par rapport à toute la nation. Quand j'étais à Lille, on jouait tous les 3 jours et là il faut vraiment aller chercher la motivation, d'autant que je n'avais pas de prof, pour apprendre tout seul le polonais.
Ressentez-vous une attente des médias polonais pour que tu t'exprimes en polonais?
L.O. : Il y a une attente. J'ai fait quelques interviews en polonais histoire de rassurer tout le monde sur mon niveau très faible. Il y a aussi de l'attente au niveau de la performance car quand je suis là-bas je sais que je n'ai pas le droit à l'erreur. Il faut que je sois au top à chaque match, je sais qu'à un moment donné j'ai eu un creux et je sais que là-bas on peut vite me taper sur les doigts. En même temps ça fait partie du jeu, c'est le retour de bâton. On m'a beaucoup encensé au début donc du coup quand j'étais un peu plus moyen... donc ça fait partie du jeu et je sais qu'il y a une grosse attente autour de moi.
N'avez-vous pas peur de passer pour un bouc émissaire en cas de mauvaises performances de l'équipe?
L.O. : Non, je ne pense pas. On fait partie d'un tout, je ne vois pas pourquoi ils me cibleraient en particulier même si des fois j'ai des performances qui peuvent être moyennes, je pense qu'au niveau de l'envie et de la motivation, j'ai toujours montré à tout le monde que j'étais déterminé et que je mouillais le maillot. A partir du moment où l'état d'esprit est là, je pense que là-bas ils le comprennent complètement.
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