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Italie | Mais pourquoi Roberto Mancini a-t-il claqué la porte de la Nazionale ?

Guillaume Maillard-Pacini

Mis à jour 15/08/2023 à 08:22 GMT+2

Après l'annonce surprise de la démission de Roberto Mancini, l'Italie s'est révéillée lundi dans l'incompréhension la plus totale. Pris de court, les médias transalpins, déçus tant sur le fond que sur le forme de cette décision, n'ont pas hésité à parler d'une des journées les plus sombres de l'histoire du Calcio. Le principal intéressé a déploré "un massacre" médiatique.

Roberto Mancini, clap de fin avec l'Italie

Crédit: Getty Images

En Italie, la semaine de "Ferragosto" a toujours été sacrée. A l'approche du 15 août, c'est tout un pays qui s'arrête, généralement, pour se consacrer à quelques jours de repos, à la plage comme en famille. Alors, autant vous dire que les prises de décisions, grandes comme petites, personnelles ou professionnelles, ne se font que rarement à ce moment de l'année. Cette sacralité, Roberto Mancini, lui, n'en a eu que faire. Dans la journée de dimanche, celui qui était à la tête de la sélection italienne depuis 2018 a décidé de claquer la porte. Soudainement et violemment, en ne prévenant qu'une infime partie de ses proches. "Il ne m'a rien dit, je le jure. C'est ma cousine qui me l'a appris", a déclaré Marianna, sa mère, au quotidien La Nazione.
Le 4 août dernier, son fils avait pourtant vu sa position renforcée, chargé notamment de superviser le fonctionnement des deux sélections U21 et U20. "Ce choix pousse notre football dans une nouvelle apocalypse (...) On parle d'un sélectionneur d'un pays quatre fois champion du monde qui s'en va, sans aucune raison ni explication, à deux jours de 'Ferragosto'. Le tout au cœur d'une des journées les plus absurdes de notre histoire sportive", écrivait La Gazzetta dello Sport dans son édition de lundi. Mais alors, que s'est-il passé pour aboutir à cette fin précipitée entre le "Mancio" et la sélection italienne ?
Tout d'abord, il convient de rappeler que Mancini, qui a évoqué des "raisons personnelles" dans un message posté sur Instagram, a toujours été quelqu'un d'impulsif dans ses décisions. D'abord en tant que joueur, comme le jour où il prit de force son coéquipier Alen Bokšić après un entraînement à la Lazio Rome, coupable selon lui de trop peu d'engagement. Puis dans de costume d'entraîneur, en témoigne son départ de l'Inter après un match face à Liverpool en 2008. Mis au courant que le président Moratti songeait à le remplacer, Mancini tira à boulets rouges en conférence de presse, mettant ainsi fin à son expérience en Lombardie. Ses regrets n'y changeront rien, et un certain José Mourinho débarquera un peu plus tard. L'ancien génie de la Sampdoria n'est donc pas à son coup d'essai.

Une démission via... mail

Ce lundi, la presse transalpine, elle aussi prise de court, tente donc de comprendre les raisons de cette démission. En premier lieu, le "Mancio" n'aurait que très peu goûté à la refonte de son staff imposée par la Fédération italienne de football (FIGC) début août. D'un coup d'un seul, ce dernier a vu plusieurs de ses fidèles collaborateurs partir ou changer de poste, dont notamment Attilio Lombardo (nommé à la tête des U20) et Alberico Evani. Parmi ses quatre adjoints, seul Fausto Salsano a été confirmé. A travers ces différents choix, Mancini aurait ressenti une confiance en baisse de la part de ses dirigeants, et qu'importe sa promotion en tant que "superviseur" des autres sélections. La nomination de Gianluigi Buffon au rang de chef de la délégation italienne, dirigée et coordonnée depuis les hautes sphères de la FIGC, l'aurait également surpris.
Alitalia | Euro 2020 - Mancini, Gravina
Plus globalement, quelque chose semblait s'être cassé depuis la triste élimination face à la Macédoine du Nord (0-1) lors du barrage pour le Mondial 2022, balayant d'un coup d'un seul l'extase de la victoire lors de l'Euro moins d'un an auparavant. Moins souriant, peu enthousiaste, Mancini ne semblait plus vraiment le même. La perte de Gianluca Vialli, son ami, son "jumeau", en janvier dernier, l'a également beaucoup affecté. "Roberto ne s'en est jamais remis", confirme sa mère.
Vendredi soir, il aurait eu un appel assez long avec Gabriele Gravina, son président, durant lequel certaines incompréhensions ont été évoquées et discutées. Mais selon les médias transalpins, jamais la parole "démission" n'aurait été prononcée au courant de cet échange. Alors, au moment de consulter ses mails dimanche matin, le patron du football italien serait tombé de très haut. Dans la soirée de samedi, et depuis Mykonos, où il se trouve actuellement en vacances, son sélectionneur lui avait transmis un courrier électronique certifié (PEC) pour lui annoncer sa volonté de démissionner. "Gravina s'est senti trahi", affirme le quotidien La Repubblica ce lundi.
Le ministre italien des Sports et de la Jeunesse, Andrea Abodi, s'est dit "perplexe" après cette annonce. "Je l'ai appris via les médias, a-t-il réagi. Une démission via un mail certifié est un geste délicat et important (...) Il était au centre du projet, avec l'annonce d'une influence grandissante au sein des sélections. Une semaine après, tout part en fumée, cela ne peut pas être normal." Sur le fond de ce nouveau psychodrame à l'italienne, une possible offre provenant de l'Arabie saoudite, confirmée par plusieurs sources ce lundi.
La chute de style d'un entraîneur qui en avait
Selon La Gazzetta dello Sport, les discussions sont même bien avancées avec la Fédération locale. A la clé, un poste de sélectionneur, un salaire de 40 millions par an et un contrat jusqu'en 2026. De son côté, la Repubblica confirme l'information mais parle plutôt de 60 millions d'euros sur trois ans. Même chiffre pour le Corriere della Sera et Il Giornale. "De sources saoudiennes, il est indiqué que l'accord aurait déjà été signé après des négociations débutées en juin dernier", précise la Gazzetta, rappelant que des négociations étaient en cours entre la FIGC et Mancini pour une revalorisation de son salaire actuel (500.000 euros).
"Si ce scénario venait à se confirmer, ce serait une représentation très triste de notre football, privé de sentiments, et une tâche sportive dans la carrière sportive de Mancini", est-il ajouté. Pas très loin, un édito au titre évocateur : "Mancini est sans excuse, un vent de cynisme traîne dans son adieu". Lu également dans les colonnes de La Stampa : "La chute de style d'un entraîneur qui en avait (...) Il a osé et eu raison là où d'autres voyaient l'obscurité. Il aurait pu partir après le triomphe e l'Euro ou le flop pré-Mondial. Là, ça ressemble à de l'opportunisme."
Mécontent du traitement réservé par les médias et s'estimant "massacré", le "Mancio", qui s'est dit "très triste", est sorti du silence dans un entretien accordé à plusieurs médias (Repubblica, Libero, Il Messaggero et le Corriere dello Sport) lundi soir, attaquant notamment Gabriele Gravina. "Je lui avais expliqué ces derniers mois que j'avais besoin de tranquillité, a-t-il lâché. Il ne l'a pas fait et j'ai démissionné. J'aurais pu le faire avant ? Peut-être. Mais je l'ai fait 25 jours avant le prochain match, pas 3. Cela faisait un an qu'il voulait changer mon staff. Je lui ai fait comprendre qu'il pouvait au maximum intégrer quelques figures en plus, mais pas me priver de 2 personnes d'un groupe de travail qui fonctionne et a gagné. Au pire des cas, c'est à moi de changer un membre du staff. Est-ce qu'on a déjà vu le président d'une Fédération changer le staff de son entraîneur ?"
Interrogé sur la présence d'une clause dans son contrat permettant son licenciement en cas de non-qualification à l'Euro 2024, Mancini a confirmé qu'il avait fait la demande de la retirer. "Cela aurait pu être un signal de la part de Gravina, a-t-il assuré (...) Mais cela faisait des mois qu'il avait des idées différentes des miennes. Il est évident que j'aurais décidé de partir en cas de non-qualification (...) J'avais prévenu le 7 août, via un message de la personne qui me représente légalement, ma femme, que je voulais qu'elle soit retirée et que, dans le cas inverse, j'étais prêt à démissionner." Concernant l'intérêt saoudien, qu'il "ne nie pas", l'ex-sélectionneur italien prévient que les deux situations "ne sont pas liées".

Spalletti, la priorité

Mise dos au mur par son ancien sélectionneur, la Fédération italienne cherche maintenant son successeur. Le nom le plus crédité est celui de Luciano Spalletti, parti du Napoli en fin de saison dernière après la quête d'un troisième Scudetto historique. Selon Il Mattino, quotidien de Naples, le technicien toscan a rapidement donné son accord pour débarquer sur le banc de la Nazionale. Problème, au moment de son départ de Naples, une clause avait été insérée au cas où il venait à retrouver une équipe cet été. Son montant ? 3,5 millions d'euros. En coulisses, des négociations ont donc démarré avec Aurelio De Laurentiis, le président napolitain, intransigeant pour l'instant. En cas d'échec des discussions, le plan B se nomme Antonio Conte, libre de tout contrat. Pour l'ancien entraîneur de Tottenham, ce serait un retour après un premier passage entre 2014 et 2016.
Luciano Spalletti
A l'aube de deux matches décisifs pour la qualification à l'Euro 2024, face à la Macédoine (9 septembre) et l'Ukraine (12 septembre), la Nazionale se retrouve pour l'instant sans sélectionneur. Et le temps presse. Les pré-convocations pour les joueurs italiens évoluant à l'étranger doivent partir dans seulement quelques jours, et avant le 21/22 août pour les autres. "C'est une autre personne de la Fédération qui va devoir s'en charger (...) C'est décidément le 15 août le plus déconcertant de l'histoire de notre football", conclut amèrement la Gazzetta.
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