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Italie | Retraite de Gianluigi Buffon | Ciao, Gigi

Guillaume Maillard-Pacini

Mis à jour 02/08/2023 à 22:09 GMT+2

Il a décidé de poser ses gants, définitivement. Eux qui ont fait l’histoire, la sienne, d’abord, mais également celle de son pays et son sport. Comme avec tous les plus grands sportifs, il y aura un avant et un après Gianluigi Buffon, qui a décidé de prendre sa retraite à 45 ans. Le gamin de Carrare, dont la carrière aura duré presque trois décennies, s’en va en légende.

Gianluigi Buffon, les adieux d'une légende

Crédit: Getty Images

Tout a commencé à Parme, il y a vingt-huit ans. Le soir du 18 novembre 1995, Nevio Scala, technicien du club gialloblù, toque alors à la porte de l’un de ses jeunes gardiens. "Et si, demain, je te faisais jouer ?", lui glisse-t-il la nuit tombée. En face, son interlocuteur, 17 ans, ne se dégonfle pas : "Aucun problème". Le lendemain, Scala maintient sa promesse et le titularise face à l’AC Milan au Stadio Tardini. Il ne la regrettera jamais.
Ce jour-là, le 19 novembre 1995, la carrière de Gianluigi Buffon vient officiellement de démarrer. Comme un avant-goût de ce qui va suivre, le jeune portier de Carrare (Toscane) fait face, sans trembler, à l’armada milanaise, emmenée par un duo Baggio-Weah qui butera à deux reprises sur lui. Une étoile est née, même si personne ne se doute qu’elle va briller pendant presque trois décennies. De 1995 à 2023. Après y avoir songé, après avoir souvent vacillé, après avoir longtemps résisté, "Gigi" a décidé de quitter sa cage et poser ses gants. Définitivement. Et puisque tout a démarré à Parme, tout devait se finir à Parme.
Bien qu’il lui restait un an de contrat avec le club de Serie B, Buffon a senti qu’il était temps d’en finir. Même les offres saoudiennes, très alléchantes, n’ont pu changer l’issue de cette longue réflexion. A 45 ans, celui qui a rapidement hérité du surnom "Superman" ne se voyait plus jouer les super-héros dans son igloo. Oui, son "igloo", dixit Adriano Buffon, son père, qui aimait taquiner son fils lorsqu’il manquait, parfois, ses sorties. "Tu as du mal à sortir de ton igloo", lui lâchait-il entre deux sourires. On serait curieux de savoir ce que le paternel lui a glissé le soir du 9 juillet 2006, lorsque son fils, à Berlin, a transformé son igloo en mur.
Juste avant que Zinédine Zidane ne prenne son carton rouge en finale de la Coupe du monde, il avait déjà brisé les rêves du N.10 des Bleus en détournant d'une main ferme sa tête puissante, pendant l'irrespirable prolongation de Berlin. Un arrêt exceptionnel et hors du temps, entré tout droit dans la légende, et qui aurait pu lui offrir le Ballon d’Or, le deuxième pour un gardien après Lev Yashine en 1963. C’est finalement son coéquipier et ami Fabio Cannavaro qui l’obtiendra. Ironie de l’histoire, c’est ce dernier qui lui a inscrit son premier but en sélection.

Des records, toujours des records

Moscou, 29 octobre 1997. Entré à froid à la demi-heure du jeu pour remplacer Gianluca Pagliuca face à la Russie, Buffon arrête tout lors du barrage pour le Mondial. Tout, oui, sauf un csc malheureux de son défenseur. Huit ans plus tard, les deux seront décisifs dans la quête de la quatrième étoile de la Nazionale. Avec elle, le désormais ex-portier a tout connu. Les joies, bien évidemment, comme cette fameuse épopée de 2006. Mais aussi des peines et pas mal de larmes, qu’il n’a pu garder pour lui le soir du 13 novembre 2017 et la triste élimination face à la Suède (1-0, 0-0) à San Siro lors du barrage retour pour la Coupe du monde 2018, qui aurait été la sixième de sa carrière. Il dit alors "ciao" aux Azzurri, où il demeure le recordman des sélections (176, entre 1997 et 2018) dont 80 avec le brassard de capitaine.
Gianluigi Buffon
Mais Buffon, devenu gardien à douze ans après être resté impressionné par le flamboyant portier camerounais Thomas N'Kono pendant le Mondial 1990, c’est aussi et surtout la Juventus. Les deux sont indissociables. Quand en 2001, la Vieille Dame casse sa tirelire pour lui (il est alors le gardien le plus cher de l'histoire avec 105 milliards de lires), elle n'aura pas à le regretter, tant le portier va devenir son emblème, restant même au club quand la "Vieille Dame" est rétrogradée en Serie B en 2006 à la suite du scandale Calciopoli. Un acte d’amour que personne n’oubliera. Et que tout le monde n’a pas fait. Avec la Juve, le gardien aux yeux bleus et aux cheveux savamment gominés a quasiment tout gagné sauf la Ligue des champions, avec trois finales perdues (2003, 2015, 2017). Son ambition devenue malédiction.
"Ça bourdonne toujours dans la tête. Je m'en suis approché tellement de fois que c'est une grosse déception de ne pas l'avoir attrapée par les oreilles", disait-il à l'été 2020. Son palmarès est toutefois à sa hauteur : dix scudetti (record), six coupes d’Italie (record codétenu avec Mancini) et sept Supercoupes d’Italie (record). On pourrait rajouter à la liste de ses records la plus longue série d’invincibilité en cours (974’), mais aussi le nombre de matches consécutifs sans encaisser un but (10) et le total des rencontres disputées en Serie A (657). "SuperGigi" a volé haut, très haut. Son année 1999 avec Parme restera certainement l’une de ses plus belles. En l’espace de cent jours, il remporte la Coupe d’Italie, la Coupe de l’UEFA et la Supercoupe d’Italie, à seulement 21 ans. C'est la consécration pour celui qui est issue d'une famille de sportifs. Son père, Adriano, a été haltérophile aux Jeux Olympiques et sa mère, Maria Stella, lanceuse de disque. Quant à ses deux sœurs aînées, Guendalina et Veronica, elles ont connu une carrière dans le volley.

L’exemple et le sage

Au-delà de ses chiffres et des statistiques, Buffon a toujours été l’exemple à suivre. Dans son attitude, son comportement et son style. De ceux que les parents citent à leurs enfants au moment de les envoyer sur un terrain. On défie quiconque de trouver ne serait-ce qu’une critique de l’un des nombreux joueurs croisés durant ses vingt-huit ans de carrière. Il a parfois craqué, certes, comme ce soir de 2018 où il s’en est pris à l’arbitre Michael Oliver, coupable selon lui d’avoir sifflé un penalty imaginaire pour le Real Madrid en quart de finale retour de C1, venant mettre fin à l’incroyable remontée de son équipe (0-3, 1-3) au Santiago Bernabeu. Mais c’est presque tout. Leader, capitaine, coéquipier, ami, confident : l’Italien a su endosser toutes les casquettes sans jamais rechigner. "Il ne joue pas parce que c'est mon ami, il joue car c'est un monument du football mondial, il l'a prouvé et continue à le prouver", affirmait fin 2020 Andrea Pirlo, alors entraîneur de la Juve, pour expliquer pourquoi Buffon était toujours aligné en Ligue des champions, à 40 ans largement passés.
En revenant en Italie après une brève expérience au PSG (2018-2019) et une nouvelle déception en Ligue des champions, il a surtout cherché à transmettre son expérience, en remplaçant de luxe à la Juve puis de tuteur à Parme, tenant désormais le rôle de "sage" dans le football moderne. Comme lorsqu'il avait fait taire des sifflets visant l'hymne français avant un match à Bari en 2016, en se mettant à applaudir, imité par ses coéquipiers puis par tout le stade.
Gianluigi Buffon
"Avec la fierté qui est la mienne, je n'accepterai jamais de faire des performances moyennes", disait-il en 2022 à l'AFP, à presque 45 ans, sans éluder la retraite : "L'après, j'y pense depuis dix ans. Mais tant que j'ai l'énergie et les ambitions actuelles, je continue. Ensuite, il y aura ce que dit le corps." Et il lui a fait comprendre qu’il était temps de dire stop. Est-ce là le meilleur gardien de l’histoire qui s’arrête ? Chacun se fera son avis et relancera cet éternel débat.
Mais Gigi Buffon, qui racontait avoir souffert en 2004 d'une sévère dépression pendant plusieurs mois, a vu défiler bien des gardiens, d’Iker Casillas à Manuel Neuer, sans jamais trembler ni s’arrêter. Il a su défier les générations, une par une, en se dépassant et se surpassant, respectant toujours ses valeurs et son éthique. Pour, au final, porter son rôle jusqu’à la limite de la perfection, à travers des qualités athlétiques exceptionnelles, une technique sublime et un charisme sans égal. Ses plus beaux arrêts, eux, demeurent imperméables au temps qui passe, se transformant en des souvenirs qui accompagnent notre mémoire. Alors comme aujourd'hui, tous les jeunes gardiens rêvent, un jour, de "devenir Buffon". C’est la marque des plus grands. Ciao, Gigi.
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