Le tout-en-kit a la cote

Deux tribunes qui se font face, vêtues de rouge et noir. L'une de 5000 places, l'autre de 3000. A Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise, le Matmut Stadium ressemble à un stade ordinaire. A ceci près qu'il porte le nom d'une compagnie de mutuelle et d'assurance. Comme la MMArena du Mans et ses 25000 places. Le mimétisme s'arrête là. Car l'enceinte rhodanienne, qui accueille les rugbymen du LOU, a coûté moins cher. Beaucoup moins cher : environ 15 millions d'euros amortis sur cinq ans, contre plus de 100 millions d'euros déboursés dans la Sarthe. Plus impressionnant encore, elle n'a pas non plus mis des années à sortir de terre. "Le permis de construire a été déposé en février 2011, détaille Franck Isaac-Sibille, vice-président délégué du club rhodanien. Les travaux ont démarré début juillet. Et le stade a été livré mi-septembre." En 82 jours chrono !

Pour réussir ce tour de force, le LOU a "importé une tribune qui a déjà servi pour la Coupe du monde de football, démontée en Afrique du Sud et remontée ici." C'est le concept du modulaire : un stade en kit, susceptible d'être démoli aussi vite qu'il a été construit. A nue, la structure, composée de tubes métalliques en aluminium liés par des boulons, passerait presque à un échaffaudage géant. "Bien emballée", elle s'apparente à "un vrai stade". "En termes de confort et d'accueil, il n'y a aucune différence, souligne Isaac-Sibille. On a tous les équipements, tout l'éclairage, un restaurant, une boutique, des loges VIP et un espace réceptif de 1500 m2."

A l'image du LOU, plusieurs clubs de Top 14 et de Pro D2 ont déjà franchi le pas du modulaire. Cette solution à la mode ne l'est pas encore dans la France du foot, qui préfère opter pour des versions low-cost en béton. "Le modulaire incarne pourtant l'avenir des grands événements sportifs, insiste Frédéric Bolotny, économiste du sport. C'est un modèle d'une extrême flexibilité. Il permet de maîtriser au mieux le coût et le délai de construction." Une solution économique, donc, qui s'impose désormais lors des compétitions internationales majeures. Aux JO de Londres, certaines tribunes ont ainsi été bâties pour les deux semaines olympiques. Sitôt la flamme éteinte, elles seront démontées.

François Hilbrandt connaît bien le sujet. Consultant au cabinet Kurt Salmon, il a planché sur un projet de stade modulaire destiné à un club de Ligue 1. Verdict : "Les structures ont progressé en termes de qualité. Le résultat ne fait pas du tout cheap. Et surtout, le coût de la place construite est beaucoup plus faible par rapport à un stade en béton." Plus de 4000 euros pour la MMArena, au Mans, ou pour le Stade des Alpes, à Grenoble. Contre 1170 euros pour le Matmut Stadium.

Cerise sur le gâteau, le modulaire est, comme son nom l'indique, modulable. Traduction : comme le relève Frédéric Bolotny, "il supporte l'aléa du terrain". "Ça permet d'adapter la capacité d'accueil au rendement sportif et économique du club, plaide Franck Isaac-Sibille. Des poteaux en aluminium, c'est toujours plus facile à bouger que des piliers en béton." Surtout quand on redescend en Pro D2. "Investir dans un stade en dur, ça signifiait s'endetter sur des décennies pour, au final, être propriétaire d'un stade qui a mal vieilli et n'est plus aux normes. Grâce au modulaire, on a déjà les moyens de nos ambitions : remonter au plus vite en Top 14, et jouer la Coupe d'Europe à l'horizon 2015." Quand le LOU emménagera à Gerland et que l'Olympique Lyonnais migrera vers son Stade des Lumières. Les tribunes du Matmut Stadium, elles, "seront probablement redémontées". Le fief du rugby lyonnais redeviendra alors ce qu'il était à l'origine : un terrain d'entraînement.