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Benfica a vendu ses droits TV à prix d'or, et ça ne fait pas le bonheur du foot portugais

Nicolas Vilas

Mis à jour 09/12/2015 à 20:56 GMT+1

En signant un accord de 400 millions d’euros sur dix ans pour la vente de ses droits télé, le Benfica semble jeter à terre la possibilité d’une mutualisation. Un montant record qui prive, une fois encore, le foot portugais d’un progrès nécessaire.

Nico Gaitan avec Benfica - 2015

Crédit: AFP

La nouvelle est tombée le 2 décembre. A quelques semaines de Noël, le Benfica s’est vu offrir 400 millions d’euros pour les droits télévisés de ses matches de championnat à domicile, pour les dix prochains exercices. Un joli paquetage (qui englobe aussi la chaîne Benfica TV) emballé par NOS. Le contrat initial porte "sur une durée de trois ans, débute lors de la saison 2016-2017, pouvant être renouvelé par décision d’une des parties pour parfaire un total de dix saisons sportives. La valeur du contrat atteint un total de 400 000 000 d’euros, répartis en montant annuels progressifs". Jamais un club portugais n’avait touché de tels montants. Derrière ces chiffres record, encore, pourtant, la berceuse apathique de l’immobilisme du foot portugais.

"Coup de hache" dans la mutualisation

L’accord historique des Aigles fait surtout voler en éclats le projet de la mutualisation des droits télé du "futebol". "La centralisation est terminée", déclare Luís Duque au Público. L’ancien président de la Ligue (2014-2015) parle d’un "énorme coup de hache pour la Ligue". Le Portugal garde ses vieilles habitudes, asticoté par le clubisme. Pourtant, même son grand voisin espagnol s’y est mis. En optant pour la mutualisation la Liga vient de lever quelques 2,95 milliards d’euros pour la période 2016-2019. Duque et son prédécesseur, Mário Figueiredo (2012-2014), parlent maintenant d’une Ligue "fragilisée". Les deux dirigeants avaient, en leur temps, évoqué la possibilité d’une négociation collective de ces droits. Sans grande avancée.
Élu en juillet dernier, Pedro Proença a déjà un coup de chaud. Lui qui espérait convaincre FC Porto et Sporting (qui s’était prononcé en faveur d’une redistribution plus solidaire) de revoir les contrats en cours (jusqu’en 2018) voit son mandat de quatre ans débuter par cet accord, millionnaire "décennal" et quasi incassable.
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Nico Gaitan avec Benfica - 2015

Crédit: AFP

L’échec de Proença

Propulsé à la tête de la Ligue avec la promesse de regrouper les droits télé, l’ancien arbitre doit avoir les oreilles qui sifflent. Selon O JOGO, des clubs de D2 songent à faire grève ; pour A Bola, deux formations de la Liga… NOS a carrément exigé sa démission ; d’autres aimeraient qu’il baisse ses émoluments (12 000 euros mensuels). Une question sur laquelle la Commission de rémunération de la Ligue (composée notamment des présidents du Rio Ave et Oliveirense) doit statuer.
Proença a été pris de court. La Ligue a publié un communiqué laconique, quelques heures après l’annonce du SLB : "La négociation des droits télévisés a été un point du programme du Président de la Ligue", "l’un des thèmes d’intérêt prioritaire". Invité, mardi dernier, au 105e anniversaire du Nacional, le boss du foot pro portugais tente de positiver et de sauver la face : "Nous devons comprendre que la centralisation des droits télévisés est une finalité. Je n’ai que quatre mois de présidence à ce jour. Nous sommes en train de travailler pour le bien du football national et, avec ce contrat du Benfica, nous réalisons qu’il y a de la marge pour les clubs professionnels au Portugal. Nous en sommes au milieu, pas à la fin. Nous trouverons, c’est sûr et certain, à travers des instruments de régulation interne, une manière de réduire la différence entre ceux qui perçoivent plus et ceux qui perçoivent moins".
PP a été pris dans l’engrenage du "futebol-política". Luís Duque qu’il a privé d’un nouveau mandat martèle : "Une opportunité vient d’être perdue, alors que les conditions pour une centralisation avait été créées durant mon mandat, avec le Benfica comme l’un des grands impulseurs". Contrairement au FC Porto et au Sporting, le SLB soutenait la continuité de Duque à la tête du foot portugais. L’un de ses dirigeants a confié au Público que l’élection de Proença a eu une incidence sur le choix du Benfica. Celui de ne rien changer.

Le succès de l’immobilisme

Le Portugal est donc parti pour rester le dernier grand championnat à snober le progrès. Cette situation n’est qu’une marque de plus du pouvoir, de l’influence que les grands (Benfica, Porto, Sporting) exercent sur le foot et bien d’autres secteurs encore. Le Benfica était en position de force. En 2013, son président Luis Filipe Vieira annonçait qu’il allait diffuser ses matches de Liga via Benfica TV. Un pari osé. Car si les abonnements ont suivi, si les résultats financiers de la chaîne étaient officiellement bénéficiaires, le Glorioso était loin des millions qu’il espérait. Mais il a finalement obtenu ce qu’il attendait. Il a su faire monter les enchères. Torse bombé, Vieira envoie : "Les patrons du foot seront toujours les clubs et jamais les opérateurs". Les plus romantiques, comme les plus pragmatiques estimeront que les "patrons du foot" restent (selon les sensibilités) les socios, les supporters, les clients…
Vieira reproche à la Ligue d’avoir rendu le processus de mutualisation "presque impossible" en "assumant récemment cette impossibilité à travers des documents qui ont été partagés par tous les clubs". Il assure encore que son accord "est bon pour le football portugais et les autres clubs parce qu’il établit un nouveau référentiel de valeurs qui sera surement intéressant pour tous".
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Rodrigo Lima

Crédit: Eurosport

Porto et Sporting qui sont liés à Sport TV jusqu’en 2017-2018 ont des montants (plus de 20 millions d’euros pour Porto, 15,5 pour le Sporting) indexés sur ceux de leurs rivaux. Porto ne peut toucher moins de 80% de ce que perçoit le Benfica. Une renégociation est donc envisageable. Mais quid des petits ? Seront-ils eux aussi mieux lotis ? Pour Figueiredo "ce processus est la consolidation d’une Ligue faite pour les grands clubs". L’ancien boss de la LPFP estime qu’il y a "un déficit brutal pour les clubs plus petits et que le déséquilibre qui caractérise la Liga portugaise va se maintenir".
Au-delà de la question des droits télé, c’est celle des sources de recettes qui se pose. Cinq des dix-huit clubs de l’élite n’ont pas de sponsor maillot, cette saison, dont les européens FC Porto, Sporting et Braga. Là encore, l’accord récemment célébré par le Benfica avec Fly Emirates fait figure d’exception (jusqu’à 30 millions d’euros, jusqu’en 2018). Les Aigles qui pourraient encore imposer un naming à la Luz. Là où les banques ne suivent plus, certains fonds d’investissement ont pris le relai. Si le foot portugais n’a jamais autant brassé de millions, ils n’ont surement jamais été aussi mal répartis. Mais plus inquiétant, c’est une volonté sincère de changement qui peine à s’imposer. Pour pouvoir être grand, il faut que les petits existent…
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