Lorient, le démon du jeu

Alors qu'un vent frondeur souffle sur la Ligue 1 en cet automne, le plus rafraichissant nous vient sans doute de Bretagne. Certes, Lorient ne pointe pas an tête du classement comme Auxerre et ne vient pas de s'imposer à Bordeaux comme Valenciennes. Mais les Merlus, désormais installés à la 4e place, proposent une qualité de jeu très largement au-dessus de la moyenne. Si Lorient en est là, c'est par le jeu et uniquement par le jeu, credo qui vire à l'obsession chez Christian Gourcuff. Qui s'en plaindra?

Oui, Lorient joue bien. Parfois exceptionnellement bien même, comme lors de la première mi-temps à Saint-Etienne, le week-end dernier, dans le sillage d'un Marama Vahirua intenable. A Geoffroy-Guichard, les Lorientais ont donné une leçon de football à leur adversaire. Un vrai bonheur, que Gourcuff a apprécié à sa juste valeur. Cette entame de match, l'entraineur breton l'a savourée comme un cinéaste qui aurait accouché d'un chef d'oeuvre sur l'écran et se transforme en spectateur bluffé par son propre travail. "Durant 35 minutes, c'était un régal de voir mon équipe jouer comme cela. Tout était parfait", dit-il avec une lueur dans les yeux.

En voyant jouer cette équipe, on se demande, mais comment fait-il? Il y a quand même une forme de miracle permanent à Lorient. Régulièrement pillé par des clubs plus huppés, le FCL a encore perdu plusieurs joueurs majeurs l'été dernier, de Michael Ciani à Fabrice Abriel, duo auquel on peut adjoindre le précieux Christophe Jallet. Fataliste, Christian Gourcuff ne se berçait pas d'illusions au mois d'août. "Comme toujours, il va falloir reconstruire avec de nouveaux joueurs, repartir, non pas de zéro, mais pas loin. Je ne suis pas découragé, je suis lucide", confiait-il. Condamné à ne pas se tromper dans son recrutement, le FCL a heureusement vu juste, à l'image du défenseur central tourangeau Laurent Koscielny, ou de la doublette Ducasse-Mvuemba, dont l'apport au milieu de terrain est tout sauf négligeable.

Malgré tout, il paraissait difficile d'envisager autre chose que le maintien à l'heure de la reprise. Moins de quatre mois plus tard, Lorient titille pourtant les grands et peut respirer. "Depuis quatre saisons que nous sommes en Ligue 1, nous avons l'obsession du maintien jusque tard dans la saison, rappelle Gourcuff. C'est un luxe de ne pas l'avoir actuellement." Un luxe qui permet aux Lorientais de se focaliser sur le jeu et rien d'autre car, comme le martèle inlassablement le technicien breton, "l'ambition passe par la qualité du jeu collectif". Monomaniaque du beau jeu, Gourcuff? Peut-être. Mais pas par idéologie. Par nécessité. Dès que son équipe cesse de jouer, elle devient vulnérable. Elle ne sait pas faire autrement. "A Saint-Etienne, après la mi-temps, nous avons contrôlé le match plutôt que de le jouer, note Gourcuff. Saint-Etienne a réagi et nous avons eu davantage de mal."

Quand on évoque devant lui l'avenir de son équipe, l'entraîneur breton le relie, encore et toujours, à sa capacité à (bien) jouer. "Peut-on durer? Cela dépendra de notre capacité à tenir cette qualité de jeu. Pourquoi pas même si nous n'avons pas joué des très gros". Après leur match à domicile face à la lanterne rouge, Grenoble, ce week-end, les Merlus vont en effet entrer dans le vif du sujet avec un énorme mois de décembre: déplacement à Rennes, réceptions d'Auxerre et Marseille, voyage à Bordeaux et, pour finir l'année, la venue de Valenciennes au Moustoir. Mais sur ce qu'elle a montré dimanche pendant 35 minutes, cette équipe aurait tort d'avoir peur de qui que ce soit. "Si nous sommes capables de rééditer cela durant 90 minutes, nous ne serons pas loin", promet Gourcuff.