PSG – Carlo Ancelotti : bataille tactique d’une autre dimension

Et pendant quelques secondes, Carlo Ancelotti a été sans réponse face au problème tactique qui lui était posé. Il n’était pas sur un banc de touche, mais sur un plateau télé. Sa réputation n’en souffrira pas. Croyant bien faire, en recevant son trophée UNFP de co-meilleur coach de la saison, le technicien italien venait d’expliquer qu’il attendait "la décision du club" suite à l’expression de son envie personnelle de départ. Il lui a alors été demandé si, par loyauté, il resterait au PSG en cas de "décision" du club contraire à ses intérêts.

Ancelotti a réfléchi, n’a pas dit mot, un peu bafouillé, et réaffirmé son souhait irrévocable de partir, se drapant derrière l’improbable concept d’une décision collégiale... Entre Carlo Ancelotti et ses responsables, une partie d’échecs doublée d’une campagne de communication millimétrée s’est ouverte dimanche sur l’avenir immédiat du PSG. La dernière année de contrat due par Ancelotti à son club en constitue la pierre angulaire. L’arme à la disposition du PSG, en fonction de laquelle chaque acteur va désormais devoir se déterminer. Nous avons retenu quatre scénarios possibles pour les semaines à venir.

Quel scénario : Le PSG s’appuie sur la dernière année de contrat de Carlo Ancelotti pour refuser toute discussion avec l’Italien autant qu’avec le Real Madrid. Mis devant le fait accompli, Ancelotti s’exécute, s’il décide de ne pas dédommager le club à hauteur d’une somme due à 7,5 millions d’euros.

Pourquoi y croire : C’est à ce jour la version officielle du PSG, formulée par Leonardo dimanche dans L’Equipe. "La priorité est toujours qu’il reste. On n’a jamais contacté d’autres entraîneurs".

Ce qui pourrait se passer : Carlo Ancelotti s’est toujours targué d’être parti en bons termes des clubs où il est passé. Il n'aime pas faire d'histoire. A l’unanimité, ses joueurs souhaitent qu’ils restent, du moins parmi ceux, et non des moindres, qui se sont prononcés (Zlatan, Thiago Silva, Matuidi…). En une semaine de vie commune avant la 38e journée, Ancelotti pourrait revenir à la raison, sous de multiples pressions, surtout s’il se rend compte que le Real n’est pas prêt à beaucoup investir pour obtenir sa signature.

Pourquoi c’est compliqué : Quelque chose s’est rompu entre le club et son coach. Et les dernières déclarations de Nasser Al-Khelaïfi montrent qu’il prépare la séparation. "Pour chaque personne qui souhaite rompre son contrat, il y a des méthodes, des situations juridiques, ainsi que des négociations à avoir afin que tout se passe bien."

Notre avis : il y a 10% de chances pour que ça se produise, mais ça n’est pas totalement impossible. En L1, on a bien vu le LOSC rappeler l’entraîneur qu’il avait lui-même licencié (Rudi Garcia en 2008)…

Quel scénario : Ancelotti veut aller au Real. Le Real veut Ancelotti. Le PSG ne veut pas que ça traîne. En quelques jours, l’affaire se boucle et le club de la capitale lâche son entraîneur.

Pourquoi y croire : Parce qu’il est difficile voire impossible de retenir un coach contre son gré, ainsi qu’Ancelotti l’avait lui-même exprimé il y a deux semaines. Les derniers propos de Nasser Al-Khelaïfi ouvrent la porte au départ quand il dit : "Cela nous coûtera ce que ça nous coûtera, mais nous respecterons notre contrat." Le contrat ne prévoit pas seulement qu’Anceloti exécute sa dernière année. Il prévoit aussi les conditions de sortie d’Ancelotti…

Ce qui pourrait se passer : Le PSG et le Real Madrid se mettent d’accord sur une indemnité de transfert significative et le Real rachète la dernière année de contrat d’Ancelotti. Celle-ci, en l’état, ne semble pas pouvoir être très inférieure à 7 millions d’euros. La somme d’un bon joueur par temps de crise. Dans un passé récent, le Real a déjà payé pour un entraîneur : Bernd Schuster (500.000 euros), Manuel Pellegrini (4 millions) et José Mourinho (16 millions). Le PSG le sait.

Notre avis : 25% de chance que cela se produise. Le Real, qui a annoncé le départ de Mourinho, lundi n’avait probablement pas anticipé une lutte si compliquée. Il est forcément en train d’évaluer d’autres hypothèses alors qu'il n'a pas de plan B, Ancelotti étant perçu comme "le Del Bosque italien" : une homme compétent et paisible, qui se fondra dans les valeurs du club. Politiquement, un scénario si rapide serait une défaite du PSG et une victoire de l’axe Ancelotti – Real.

Quel scénario : Le Real ne veut pas payer. Pas autant, pas si vite. Ancelotti ne fait pas demi-tour. Le PSG non plus. Les vacances commencent dans le flou…

Pourquoi y croire : Car le PSG, même s’il fait respecter ses droits en étant dédommagé, n’a pas de plan B évident aujourd’hui. Les deux solutions qui l’auraient comblé, Mourinho et Wenger, sont bouchées par Chelsea et Arsenal. L’hypothèse sécurisante de Leonardo est obscurcie par la menace d’une lourde suspension suite à son coup d’épaule sur M. Castro. Les contacts avec Capello, Mancini, Benitez ou Pellegrini sont embryonnaires à ce stade et n’offrent pas autant de garanties qu’Ancelotti. Paris a besoin de temps. Le Real aussi, d’ailleurs.

Ce qui pourrait se passer : Tout, dans les déclarations de Nasser Al-Khelaïfi depuis trois jours, montre son obsession de redevenir le maître du jeu en faisant comprendre qu’il a le droit pour lui. Le président du PSG subordonne l’avenir d’Ancelotti à l’intérêt supérieur du PSG et peut faire mariner tous les acteurs aussi longtemps qu’il n’a pas de solution de transition acceptable pour lui. Un scénario qui lui laisse le temps de trouver la perle rare, voire de ramener Ancelotti à la raison. Le club a raisonnablement jusqu’à mi-juin pour redéfinir son organigramme. Il n’a pas à se presser pour les beaux yeux d’un club rival.

Notre avis : 50% de chances que cela se produise. Le dossier Ancelotti a tout d’un feuilleton. Dans sa posture, Nasser Al-Khelaïfi laisse plusieurs scénarios ouverts et cherche surtout à gagner la bataille de la communication en envoyant un message, certes à Ancelotti et au Real Madrid, mais plus globalement à toute l’Europe du football. A ce stade, il lui est capital de faire comprendre qu’on ne rentre pas au PSG comme dans une auberge. Si l’affaire Ancelotti a une vertu pour le PSG, c’est celle-ci. Transmis à Zlatan, Thiago Silva, Verratti...

Quel scénario : le PSG a fait le deuil d’Ancelotti. Mais il se sert de sa position pour mettre Cristiano Ronaldo dans la balance dans ses discussions avec le Real Madrid.

Pourquoi y croire : Parce que la détermination du PSG à aller chercher une star du calibre de Ronaldo n’est pas inférieure à celle du Real à recruter Ancelotti, loin de là... Dans cette affaire, le PSG cherche des leviers pour reprendre la main et celui-ci est probablement le plus conforme à ses intérêts.

Ce qui pourrait se passer : En dehors de la volonté d’apparaître comme un partenaire qu’il faut respecter, le PSG n’est pas objectivement à 7 millions d’euros près dans le dossier Ancelotti. Le simple fait d’ouvrir des discussions et d’avoir un accès privilégié à Cristiano Ronaldo est une monnaie d’échange qui peut intéresser Nasser Al-Khelaïfi. Selon L’Equipe, le PSG est prêt à faire un pont d’or à Ronaldo (18 millions d’euros de salaire annuel) et à s’aligner sur la valeur présumée du joueur (100 millions d’euros). Economiquement, c’est une hypothèse que le Real Madrid pourrait avoir à considérer.

Notre avis : 15% de chances que cela se produise. Le PSG tentera d’avancer, mais le Real ne peut pas aller sur une piste aussi aventureuse sans se poser les bonnes questions sur sa compétitivité future et son modèle économique. Ancelotti lui-même aurait-il la même envie de rejoindre un Real privé de son meilleur joueur et de ce fait à reconstruire ?

Nous voilà de retour au scénario numéro un. Le feuilleton Ancelotti ne fait que commencer…