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AS Monaco - Leonardo Jardim tient sa revanche sur "les Français" et… sur Monaco

Nicolas Vilas

Mis à jour 14/12/2014 à 14:48 GMT+1

En qualifiant Monaco pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions, Leonardo Jardim, l’entraîneur portugais de l’ASM, espère faire taire les critiques et rétablir certaines vérités. Y compris en interne…

Leonardo Jardim, Monaco - 2014-2015

Crédit: AFP

"Revanchard ?" "Non, heureux", a préféré Leonardo Jardim, mardi soir. L’entraîneur de Monaco vient de qualifier son équipe pour les huitièmes de la Ligue des champions. Au coup de sifflet final, il a exulté, entouré par son équipe, sur le gazon de Louis II. La poignée de main adressée à son compatriote André Villas Boas fut forte et sincère. Celle d’un bourreau trop content de son sort pour faire semblant. Le Portugais remet l’ASM à un stade qu’elle n’avait plus atteint depuis dix ans et qu’on n’attendait pas maintenant. En conférence de presse, il envoie : "Monaco, au mois d'août, était considéré comme la pire équipe du groupe."
Jardim ne le dira pas mais il tient là sa revanche. Aujourd’hui, il est 7e de Ligue 1. Conséquence du brutal changement de cap imposé par Rybolovlev dans le "projet monégasque." Mais si le proprio russe a revu ses engagements à la baisse, son coach, lui, atteint l’un des siens. Jardim vient peut-être de balayer pas mal de préjugés à son sujet et surement un peu plus encore : "Cette qualification est importante pour moi mais plus importante encore pour le groupe, la Principauté et le football français." Il enchaîne : "Le groupe a donné une franche réponse aux critiques, et spécialement des Français qui ont été les premiers à dire en début de saison qu'on n'avait pas le niveau pour se qualifier."
Des stats inhabituelles
Les statistiques de Monaco à l’issue de cette phase de groupe sont assez déconcertantes. Avec seulement quatre buts marqués, il termine premier de sa poule. Mais c’est derrière que l’ASM (r)assure. "Monaco est l’une des équipes qui défend le mieux dans cette Ligue des champions", analyse Villas Boas. Le chiffre est "énorme" : un seul but encaissé en six journées. Un fait inégalé depuis Manchester United en 2010-2011. Un certain Dimitar Berbatov squattait alors l’attaque des Red Devils (il ne marquera pas cette saison-là en C1). Seul Villarreal a fait "plus fort" que le club de la Principauté.
En 2005-2006, les Espagnols - qui n’avaient encaissé qu’un seul but eux aussi - alors emmenés par Manuel Pellegrini avaient terminé devant le Benfica, Manchester United et Lille, en ayant inscrit trois pions en phase de groupe ! Ils ne seront stoppés qu’en demi-finale. Jusqu’ici, le technicien de 40 ans n’était pourtant pas un entraîneur défensif. Hors Ligue des champions, ses équipes ont encaissé, en moyenne, à peu près un but par match. Y compris en Ligue 1 (18 buts contre en 17 journées). Avec ses "4BP" et son "1BC" Jardim vient de concrétiser le fantasme de beaucoup de techniciens français, résumé par AVB : "Ils sont très organisés et laissent peu d’espace." Et ils avancent, malgré les obstacles.
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Leonardo Jardim, Monaco - 2014-2015

Crédit: AFP

Au-delà des contraintes
"Tout le monde l'a oublié : la saison de Monaco a changé en août", martèle Leonardo. Cette qualif semble l'avoir libéré d'un peu de sa frustration. L'ASM était le club de son groupe qui avait le moins investi (6 millions d'euros) dans l'équipe actuelle au cours du dernier mercato. Sur l'ensemble des seize qualifiés en huitièmes, seul Schalke a dépensé moins. Le projet d’une équipe de stars "à la PSG" qui devait devenir celle d’une modèle "à la Dortmund" change encore de valeur(s).  En matière de ventes, avec près de 100 millions d’euros engrangés, il figure dans le trio de tête avec le Real et Chelsea (dont le réinvestissement fut conséquent). Outre les départs qu’il n’avait pas prévus (James, Falcao, Rivière) et les grandes recrues toujours attendues, Jardim a aussi dû composer avec les blessures, les contre-performances et autres absences. La perte de Berbatov pour le duel face à l’OM en est un énième rappel. Il a ainsi aligné dix défenses différentes en 23 rencontres officielles.
LJ s’adapte. Comme la saison dernière au Sporting ou à Braga, il fait avec ce qu’il a. Mais à Monaco, en plus d’espérer plus (Di Maria ou Garay étaient déjà attendus jusqu’à la fermeture du robinet de Rybo début août), il espérait ne pas voir filer à l’anglaise (Falcao, Rivière) et à l’espagnole (James) autant de valeurs qui lui font défaut. Car derrière les chiffres de la C1, reste la dure vérité de la L1: cette équipe qui a fait mieux que le Zenit, le Benfica et le Bayer n’a battu aucune des formations la devançant en championnat. Le Portugais et ses proches n’ont pas d’illusions quant sur les possibilités de leur équipe, la plus jeune à pointer en huitièmes de Ligue des champions. "Cette équipe a besoin de travailler beaucoup encore", insiste-t-il, à quelques jours d’affronter Marseille. Jardim n’est pas loin de penser que cette équipe a atteint son Zénith.
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Leonardo Jardim (Monaco)

Crédit: AFP

Raggi et Moutinho, les symboles
Andrea Raggi a largement contribué aux belles perf défensives de Monaco. L’Italien de 30 ans est le défenseur le plus utilisé par Jardim (1800 minutes), devant Fabinho (1793) et Ricardo Carvalho (1553). Sa polyvalence a souvent été précieuse dans une ASM qu’on dit "vendue" à Jorge Mendes et au "clan des Portugais". Celui-là même qui aurait eu la peau de Claudio Ranieri. Raggi, l’ancien soldat du technicien transalpin, est pourtant l’un des premiers noms cochés par LJ. Non, la venue de Luis Campos à Monaco n’a pas coïncidé avec des arrivées exclusives de joueurs estampillés Gestifute. Jardim, lui-même, bosse avec un autre agent (Paulo Tavares).
Mais le joueur de champ le plus employé reste João Moutinho. Pas toujours convaincant, très souvent critiqué, le milieu de terrain qui mal perçu les départ de ses potes James et Falcao a disputé son 40e match de C1 face au Zenit. A 28 ans, il comptabilise 7299 minutes de temps de jeu sur la scène européenne (C1 + C3). A part le doyen Ricardo Carvalho (8228), personne ne fait mieux à Monaco. Pas même les trentenaires Berbatov (5322) et Toulalan (4012). Face aux Russes, on a revu le Moutinho qui avait fait les beaux jours du FC Porto. Lorsqu’il a soulevé la C3 en 2011, il était le milieu le plus employé par AVB. "Contre nous, il a été l’élément clé", a déploré ce dernier. Jardim n’a pas souhaité en rajouter : "Il a bien joué, comme toute l’équipe." Des mots pesés et qui s’adressent à tout le monde. Même à l’intérieur du club. Les rumeurs annonçant le départ du petit João sont bien fondées. Idem pour Kurzawa. "Il n’y aura pas d’arrivées", prévient Vadim Vasilyev. Jamais la communication officielle n’a été autant en décalage avec la réalité du terrain…
Un décalage dans la communication
Voilà maintenant des mois que le vice-président Vadim Vasilyev – de plus en plus présent médiatiquement – insiste : "Nous sommes toujours ambitieux", "La stratégie est toujours la même." "Le redimensionnement du projet de Monaco" demeure toutefois une notion floue. Surtout pour ceux qui le vivent (le subissent ?) au quotidien. Le staff peine à assumer le discours officiel de ses dirigeants. Car si "la saison de Monaco a changé en août", pour Jardim et ses hommes, les annonces de leurs patrons perdurent. L’équipe technique navigue à vue et les supporters semblent de plus en plus perdus.
Il y a comme un problème de com' à Monaco. Même le Prince Albert y est allé de son commentaire sur le choix du coach : "C’était un pari qui a surpris un peu tout le monde, les débuts ont été un peu hésitants et difficiles. Le fait qu’il ne parle pas bien anglais ni français a été pour lui un handicap au départ." "On a eu du mal, peut-être est-ce l’entraîneur qui a eu du mal, à trouver les bons réglages au bon moment", pince le prince. Leo et sa team semblent esseulés sur le Rocher. Les récents propos de l’entraîneur sur les jeunes joueurs français, sur Canal, + ont fait jaser. Bien des semaines plus tôt, sa longue interview accordée à L’Equipe qui développait déjà cette idée, n’avait pourtant pas suscité autant d’émotions.
Départs en vue ?
C’est en français que Leonardo Jardim s’est exprimé aux journalistes, à l’issue du succès contre le Zenit. Une habitude qu’il reprend, depuis peu. Pas forcément très à l’aise dans la langue de Molière, le Portugais n’a pas été avare de mots à Louis II. Sa façon de régler quelques comptes, avec certains de ses détracteurs. Ses choix et maintenant ses déclas sont souvent matière à débat. "Quand c’est un coach portugais, peu connu, c’est plus facile", lançait-il déjà début octobre. Un message adressé à ses juges et, certains, ne sont pas très loin… Les polémiques non plus : "Que se passe-t-il avec Toulalan ?" Il est le deuxième joueur de champ le plus utilisé cette saison. "Pourquoi Martial joue si peu ?" L’attaquant de 19 ans a déjà participé à plus de rencontres que sur l’ensemble de la saison dernière. "Pourquoi Moutinho et Berbatov jouent-ils si souvent ?" Une partie de la réponse est tombée ce mardi et pourrait, malheureusement pour Jardim (étant donné que le Bulgare est forfait), faire sanction ce dimanche…  
Mais plus que de donner raison à ses opposants, un mauvais résultat contre l’OM confirmerait son propre constat. Jardim ne pensait pas être venu pour ce projet-là. Le comble c’est qu’en poursuivant le précédent, il va permettre à l’ASM de mieux (se) vendre. Lui avec. Le natif de Barcelona (au Venezuela), qui a récemment été approché par la fédération portugaise, a toujours la cote à l’étranger et auprès des étrangers. Bielsa reconnaît le mérite de son collègue : "Les expériences des grands entraîneurs, spécialement leur gestion dans les périodes difficiles, nous servent. On apprend toujours en regardant comment les entraîneurs se comportent face à l’adversité. Jardim, au-delà de son expérience, a démontré sa capacité à gérer ces moments-là." Pas sûr qu’il lui en reste tant que ça. A Monaco, les plans recommencent tout juste… à bouger.
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