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ASM : Rybolovlev a changé son fusil d'épaule et le "projet" de Monaco a pris du plomb dans l'aile

Nicolas Vilas

Publié 03/09/2014 à 09:11 GMT+2

Monaco a terminé son mercato bien gavé. Ses supporters aussi. Des millions à défaut de stars. Le gâteau n’a finalement pas été servi parce que le chef russe a dicté un changement de régime. Et au final, tous se serrent la ceinture.

Dmitri Rybolovlev, le président de l'AS Monaco

Crédit: AFP

"Monaco sans Falcao, c’est comme Paris sans Ibrahimovic : c’est pas pareil". Lors de la conférence de presse qui avait précédé le duel entre l’AS Monaco et Lille (1-1), Danijel Subasic s’inquiétait de ce qui n’était encore (et toujours) qu’une rumeur. Puis, le temps s’est accéléré sur le Rocher. Samedi, Radamel a d’abord été ôté de la feuille de match. Les caméras de Canal + l’ont surpris en train de converser avec Luis Campos, le directeur technique monégasque. Il est réapparu en tribunes, aux côtés de son agent Jorge Mendes. Dès lundi, "El Tigre" filait à l’anglaise. Direction Manchester United.
A l’issue de ce mercato, Monaco n’est pas raide mais pas loin d’être débile (entendez-le comme fragile). Après James, il monnaie Falcao. Les supporters grimacent. Certains vont jusqu’à réclamer le remboursement de leur abonnement. Les résultats ne sont pas encore au rendez-vous et les stars qu’ils (s’)étaient persuadés de voir débarquer, non plus. Subasic a raison. Le Monaco actuel, n’est plus même qu’hier. Et pas seulement parce qu’il n’y a plus Falcao. Peut-être parce qu’aujourd’hui, plus que jamais, les Monégasques réalisent que Monaco et Paris, c’est pas du tout pareil.

"Tout est allé très vite, trop vite"

Vadim Vasilyev pensait avoir été clair, début août : "Je l’avais dit : les grands transferts, c’était à l’été 2013". Le vice-président de l’ASMFC estime que son équipe a été victime de son succès voire de sa réputation : "A un moment, parce qu’on arrivait, on a payé des joueurs très cher. Maintenant, on ne va pas dépenser de l’argent juste parce que nous sommes Monaco". Résultat : dans la coulisse monégasque, la fin de mercato n'a pas été animée, ni animante. Tout était verrouillé depuis quelques semaines.
S’il brasse des milliards, Dimitri Rybolovlev, son patron, n’a pas envie d’être pris pour un pigeon. Il a injecté plus de 200 millions d’euros en acquisition depuis son arrivée (fin 2011), filé 50 millions d’euros à la Ligue pour garder son siège fiscal à Monaco. A côté de cela, ses soucis de santé, son divorce qui va l’amputer de la moitié de sa fortune et le passeport monégasque qu’il espérait tant qui ne vient pas.
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Rybolovlev n'a pas jeté l'argent par les fenêtres cet été

Crédit: AFP

On pourrait encore évoquer le spectre du Fair-play financier. Mais il y a surtout Rybolovlev. Qui dirige, régente, tranche. Et taille. Voilà trois semaines, il a coupé le circuit de Monaco. Il a fait savoir à ses équipes qu’il fallait maintenant courir après les chèques. Les dossiers (Di Maria, Douglas Costa, Garay, Gaitan…) sur lesquels bossait sa cellule de recrutement sont restés en suspens. La roulette du Russe a tourné. Vasilyev tentait d’expliquer début août : "Pour démarrer vite, il fallait investir beaucoup. Maintenant, c’est le temps des retouches, le moment de se concentrer sur l’organisation du club, car tout est allé très vite, trop vite, tout en ayant des résultats". Sûrement trop, semble-t-il, là aussi.

Quel est le projet, maintenant ?

Avec près de 25 millions d’euros lâchés cet été (n’oubliez pas Abdennour), Monaco a été le deuxième plus gros dépensier de France (le PSG en a claqué le double). A défaut d’avoir eu les moyens de s’offrir des cadors, il a misé sur des joueurs d’avenir. Les Bernardo Silva, Bakayoko, Wallace ne vous disent peut-être rien mais ils sont peut-être les stars de demain. Luis Campos et ses équipes bossent à la portugaise. Là-bas, les clubs compensent leurs manques de moyens en misant sur les nouveaux marchés et le marché des petits nouveaux. Sauf qu’en tant que club de Ligue 1, l’ASMFC n’obéit pas aux mêmes règles et contraintes qu’un FC Porto, Benfica (ou Atlético de Madrid en Espagne). En France, les fonds d’investissement sont interdits. Rojo, Garay, Gaitan, James (à Porto) n’ont pu rejoindre la Liga portugaise qu’avec le soutien de ces sociétés. Monaco ne peut donc même pas compenser l’abstinence de son boss en tapant dans le fond.
La Principauté préfère s’inspirer du Borussia Dortmund mais, là encore, elle n’en a pas totalement le profil. Pour concrétiser leur dessein – et combler leur déficit – les Allemands ont pu compter sur le soutien de leurs nombreux suiveurs dont la manne, entre abonnements et recettes en marketing et merchandising, se calcule en millions par an. Or, Louis II ne vaut pas toujours de l’or. Il sonne creux. Dans un entretien accordé ce mardi à L’Equipe, le bras-droit de Rybolovlev déchante : "Pour construire un des plus grands clubs du monde, il faut autre chose que de l’argent et de l’ambition : être dans une grande ville, avoir un bassin de population, disputer un grand championnat… Ça fait plusieurs éléments qui n’existent pas".
Cette absence de pression (populaire ou directive) peut toutefois avoir un avantage. Déjà que les résultats demandent du temps, Monaco en aura sûrement un peu plus que la plupart de ses concurrents. Du moins, tant que son proprio le voudra. Et tant que Monaco en voudra… Au-delà des faits, le discours a lui aussi muté. Mais, en France, personne ne peut "faire payer" celui qui paye. Aucun club n’est institutionnellement géré par ses socios et l’AS Monaco est, sans aucun doute, l’exemple le plus exagéré d’une gestion "unipersonnelle".
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L'entraîneur de Monaco Leonardo Jardim

Crédit: AFP

Les salariés subissent 

Le serrage de ceinture imposé par Rybolovlev n’a pas été évident à gérer pour les salariés de l’ASM. Lorsqu’il a entrepris ce qu’il a nommé lui-même la "restructuration" du club, il y a un, il a débauché des experts pour optimiser ses cellules de recrutement, de formation, d’analyse, médicale. Mais pas facile de gérer la com' d’un club passé en un an de flambeur à vendeur. L'aventure sur le Rocher qui faisait fantasmer managers, entraîneurs et joueurs, serait-elle devenue dangereuse ? Sûrement pour ceux qui en sont encore... Pas simple de passer après un Claudio Ranieri dont le boulot serait "allé trop vite". "Ce n’est pas l’entraîneur qui définit le projet", a rappelé Leonardo Jardim après le match contre Lille. Jardim est venu pour entraîner. Et il s’y tient. Il s’adapte aux directives, aux enveloppes venant (ou pas) de tout en haut. "Les objectifs sont clairs, on va continuer à travailler intensément et donner le meilleur de nous-mêmes, comme je vais le faire avec mes joueurs pour améliorer nos jeunes". Il devra s’en contenter aussi pour la C1.
A l’issue du tirage au sort des groupes, Vasilyev évoquait "un groupe ouvert" (Benfica, Zenit, Bayer). Il lâchait, sans vraiment y croire : "J’espère vraiment que Radamel Falcao sera présent avec nous pour cette campagne européenne". Radamel n’est plus là et l’ambition européenne de la Principauté qui semblait mesurée vire presque à la prouesse. Si Luis Campos avait œuvré pour convaincre Falcao ou James de se poser sur le Rocher, ce n’est pas lui qui a choisi de les perdre, ni de ne pas compenser leur perte. Il avait espéré des renforts en conséquence. Certainement pas aussi coûteux, mais au moins de quoi atténuer ces pertes vis-à-vis de son staff et de ses supporters. Il a cueilli quelques cerises en attendant le gâteau. Mais en cours de route, le boss a donc changé de régime.
Sa proximité avec Jorge Mendes présentée hier comme un atout est soudainement devenue douteuse aux yeux de certains. La Gestifute n’a pourtant placé que deux recrues - prêtées - sur les six de l’été. Elle a réalisé, au profit de Monaco, la vente la plus chère de l’histoire du foot français et trouvé une issue à un joueur qui "souhaitait partir", dixit un dirigeant du club (Vasilyev), dans un club qui bien qu’il manquera l’Europe cette année, n’a que peu de rivaux en terme d’attractivité. Les motivations troublantes et troublées du grand patron plongent ainsi l’avenir de ses représentants dans le brouillard. Rybo, lui, recompte ses billets. Et nul ne sait quand, ni s’il investira de nouvelles billes. C’est pourtant le seul moyen pour Monaco de (se ?) convaincre que son projet "européen" est encore viable. La poupée du Russe souffre d’être comparée à la danseuse du Qatar. Après avoir excité ses suiveurs, elle joue les raisonnables et se dégonfle. Au risque de se faire larguer…
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