Comment Michel est devenu incontrôlable à Marseille

Michel a fait sa mue. A son arrivée à Marseille, l'entraîneur espagnol avait sorti l'attirail du parfait séducteur. Sourire enjôleur, regard cajoleur et discours racoleur : le nouveau coach de l'OM pensait se mettre rapidement tout le monde dans la poche. Sept mois plus tard, il n'a pas réussi à emporter l'adhésion du public.

Son bilan, catastrophique, parle pour lui. L'ancien milieu de terrain madrilène restera comme l'un des techniciens les moins efficaces passés à la tête du club olympien. Avec moins de 1,3 point pris par match en championnat, Michel pointe en queue de peloton des entraîneurs de l'OM. Mais il peut se targuer d'être toujours en poste malgré une 14e place au classement en Ligue 1. Un "exploit" qui lui permet aujourd'hui de défier toute forme d'autorité au sein du club.

A moins d'un mois de la fin du championnat, Michel n'a plus peur d'afficher ses convictions. Le grand brun ténébreux montre même ses muscles. Plus question de demeurer l'entraîneur "corporate", courbant l'échine devant son président. Car Vincent Labrune a perdu son bras de fer face à son entraîneur. Il n'a pas obtenu sa tête alors qu'il la réclamait depuis deux mois auprès de Margarita Louis-Dreyfus. Mais la patronne de l'OM a d'autres chats à fouetter que son coach. Elle veut vendre le club. Et l'annonce officielle de la grande braderie cette semaine n'inclut pas le départ de Michel auquel il faudrait verser 2,5 millions d'euros pour qu'il parte accompagné de son staff.

A Zurich, MLD avait décidé il y a deux semaines de siffler la fin de la guéguerre entre Labrune et Michel, convoqués tous les deux après le match perdu à Bastia (2-1). En maintenant son coach en poste, elle a implicitement désavoué son président délégué, relégué au second plan. Fort de cette victoire, Michel se retrouve seul aux commandes du bateau-ivre de l'OM. Ses choix sportifs ne peuvent plus être remis en cause par son supérieur direct, Vincent Labrune. Et Margarita Louis-Dreyfus concentre ses efforts sur la recherche d'un nouvel investisseur.

Face à cette nouvelle donne, Basile Boli a bien tenté de donner son avis sur la gestion de l'effectif olympien. Après le nul face à Bordeaux (0-0), sa sortie médiatique a fait du bruit. Pêle-mêle, il a dénoncé à voix haute les choix de Michel. L'ambassadeur de l'OM s'est dit "surpris" et "bouleversé" par le onze aligné contre les Girondins dans lequel ne figurait ni Michy Batshuayi ni Georges-Kevin Noudou.

Proche de Labrune, l'ancien défenseur olympien a vite été repris de volée par Michel. "Boli m'a déçu, n'hésite pas à affirmer l'entraîneur espagnol, d'habitude adepte de la langue de bois. C'est une légende du club. La porte du vestiaire est donc ouverte pour lui. Il manque d'informations. S'il venait à l'entraînement, il aurait pu se rendre compte des raisons qui m'ont poussé à faire ces choix."

Pour Michel, la présence sur le banc de Batshuayi s'expliquait par une blessure contractée à l'entraînement. "Il a eu un problème physique, poursuit-il. Il ne s'était entraîné qu'une seule fois dans la semaine qui a précédé le match face à Bordeaux. Mes décisions se basent sur des critères techniques. Si je respecte les critiques, c'est moi qui prends les décisions. Et ce ne sont pas des caprices." Mis à l'écart pour la seconde fois d'affilée, Batshuayi peut tout de même se poser des questions sur les propos de son coach. Car Steven Fletcher, malade, ne s'était pas entraîné une seule fois avec le groupe olympien avant le déplacement à Bastia… où il a pris la place de l'attaquant belge dans le onze de départ de l'OM.

Cet argumentaire à géométrie variable de la part de l'entraîneur espagnol montre qu'il ne craint plus personne au sein du club. Ses choix interpellent aussi ses propres joueurs. En privé, plusieurs d'entre eux ne pas comprennent les dernières décisions de Michel. Et les (nombreux) scouts présents au stade Vélodrome lors de la rencontre face à Bordeaux ont dû longtemps chercher à comprendre pourquoi Steven Fletcher et Lucas Silva ont débuté ce match… Les supporters n'ont pas manqué de siffler le nom de leur entraîneur à l'annonce des deux équipes avant cette rencontre au Vélodrome. Mais ils avaient décidé de placer Margarita Louis-Dreyfus et Vincent Labrune en tête de liste de leur mécontentement.

Rasséréné par la clarification autour de sa position, Michel ne veut pas en rester là. Vendredi, il a fait part de sa volonté d'aller au bout de son contrat avec l'OM qui coure jusqu'en juin 2017. Et la semaine dernière, l'entraîneur espagnol s'est concrètement projeté au-delà de la fin de saison. Aux supporters présents à la réunion de crise organisée par le club, Michel a confié qu'il procéderait différemment… lors de la prochaine avant-saison, provoquant l'étonnement des fans marseillais présents.

Si Michel sait qu'il lui sera bien difficile de survivre à une vente de l'OM, il se dit que le changement d'actionnaire pourrait bien prendre un certain temps. "Je ne sais pas si c'est facile ou pas de vendre l'OM, explique-t-il dans un sourire entendu. Mais j'ai un contrat. Et j'espère qu'il sera respecté. J'aimerais reconstruire quelque chose en étant présent dès le premier jour d'une nouvelle saison." Privé de garde-fou, Michel ne s'interdit plus rien…