OM : Franck Passi, l'homme qui a tout vu et tout connu à Marseille

Une semaine après le séisme provoqué par la démission de Marcelo Bielsa, Marseille tremble encore. Les secousses du départ d'El Loco ont fragilisé toutes les strates du club olympien. Des entraîneurs de jeunes aux joueurs de l'équipe première, en passant par le staff marseillais : tout le monde a été surpris par la violence de la déflagration. Dans ces circonstances, pas facile de retrouver un peu de sérénité. Pourtant, Franck Passi semble parfaitement naviguer entre tous ces écueils. Depuis sa nomination d'entraîneur intérimaire dans les couloirs du Vélodrome samedi soir à l'issue de l'annonce du départ de Bielsa, l'ex-adjoint d'El Loco a pris la mesure de l'imposant chantier qui se dressait devant lui.

"Ceux qui me connaissent savent que je ne me mets jamais la pression." Passi n'a ainsi pas l'intention de céder à la panique. Il faut dire que l'ancien joueur de l'OM (1986-1988) est pragmatique. Et il ne modifiera pas sa méthode de travail malgré les projecteurs braqués sur lui. "Pour moi, la vie n'a pas changé", a-t-il expliqué lors de sa première conférence de presse dans le costume du boss technique de l'OM. Si Passi paraît calme et posé alors que la tempête souffle à tous les étages du club, c'est parce que le bonhomme maîtrise parfaitement son petit manuel des gestions de crise à l'OM.

Sans faire de bruit, Passi a su gravir les échelons au sein du club olympien. Tout a commencé en 2006. Après une brève expérience d'entraîneur à Cannes, il débarque dans la cellule de recrutement de l'OM. Parlant couramment l'anglais et l'espagnol, Passi apporte son expertise des championnats ibériques. Son expérience très réussie à La Compostelle -où il a également débuté sa carrière d'entraîneur avec l'équipe réserve-, lui a permis de créer des liens avec plusieurs clubs espagnols. Cette connaissance de la Liga lui servira aussi au moment de devenir l'interprète de Bielsa auprès des joueurs olympiens.

Titulaire du BEPF, Passi a déjà eu l'occasion de prendre les destinées d'une équipe à l'OM. Quatre ans après son arrivée à Marseille, il troque son carnet de recruteur pour enfiler le costume de coach de l'équipe réserve. "Quand on a eu un problème avec la réserve qui était sur le point de descendre en DH, j'ai pris l'équipe en mains pour les quatre dernières rencontres, détaille Passi. On est quand même descendu mais on a réussi à remonter en CFA2 la saison suivante." Le nouveau n°1 de l'OM sait donc jouer les pompiers de service. Comme lorsqu'il a fallu remplacer au pied levé Didier Deschamps, absent de la reprise au début de la saison 2012-2013.

Conscient du travail de fond accompli par El Loco, Passi veut aussi imposer sa patte, son style. Pour rester une équipe spectaculaire, il entend s'appuyer sur le 4-2-3-1 mis en place par Bielsa. Le 4-3-3 lui plait aussi beaucoup. L'une des priorités du nouvel entraîneur marseillais consiste à relancer certains éléments de l'OM. "On va essayer de faire perdurer le marquage mais pas à outrance, note Passi. On veut garder cette volonté de presser haut afin d'être dans le camp adverse. Mais il est évident qu'il faut apporter des aménagements. Dans la forme de jeu que l'on avait, il y a des joueurs qui ne se sentaient pas à l'aise. Pour pouvoir profiter de la qualité de tous nos joueurs, on va essayer de s'améliorer." Passi souhaite profiter de l'occasion qu'il lui est offerte pour montrer qu'il possède ses propres principes de jeu et de management.

Très proche des joueurs lorsqu'il était adjoint de Bielsa, Passi sait que sa relation avec l'effectif va devenir plus distante. C'est lui qui va désormais prendre les décisions de placer tel ou tel joueur sur le banc. Plus question de jouer le rôle de confident qui lui allait comme un gant il y a encore une semaine. Passi savait ainsi parfaitement remettre les jeunes dans le droit chemin quand Bielsa ne prenait pas de pincette pour les recadrer. A Cannes, lors d'un match amical perdu face à Livourne (1-2), Passi avait passé de longues minutes à s'isoler avec Bilal Boutobba, plus jeune joueur de l'histoire de l'OM à avoir joué en professionnel, à l'issue de la rencontre afin de refaire le match avec lui. Aujourd'hui, plus question de s'attarder sur les états d'âme d'un élément de l'effectif.

S'il peut paraître taciturne, le successeur (à court terme) de Bielsa sait aussi se faire entendre quand il le faut. "Je suis quelqu'un de droit et de direct", dévoile-t-il. Il n'a pas non plus sa langue dans sa poche. A un consultant de Canal+ souhaitant comprendre le dispositif de l'OM lors d'un match de préparation cet été, Passi n'a pas hésité à froisser (un peu) le journaliste de la chaîne cryptée. "Tu vois que l'on joue en 4-3-3 avec deux milieux relayeurs, s'emporte-t-il en montrant le schéma tactique griffonné sur une feuille A4. Tu sais quand même ce que c'est, deux milieux relayeurs, non ?"

Né en Dordogne, il affiche une grande capacité à rester zen dans pratiquement toutes les situations. Même lorsque Marcelo Bielsa piquait des colères à l'entraînement pour un plot mal positionné, son ancien adjoint ne bronchait pas. Il restait aux ordres de son mentor. Comme s'il était guidé par l'intérêt général du club. C'est sans doute cette volonté d'aider l'OM à s'en sortir, quelques soient les problèmes rencontrés, qui l'a poussé à prendre le risque de prendre l'équipe dans un contexte enflammé. "Je suis prêt, dit-il. Les joueurs ont confiance en moi. Les cadres m'ont offert leur soutien."

Dimanche, Passi se lancera dans le grand bain de la Ligue 1. A Reims, il officiera dans la peau d'un vrai numéro 1. Il aura la volonté d'effacer la défaite inaugurale face à Caen (0-1) au Vélodrome. L'année dernière, l'OM avait réalisé son meilleur match de la saison en Champagne en s'imposant 5-0. Cette fois, il s'agira de relancer une équipe chamboulée par le départ de Bielsa. Cette rencontre sera peut-être la première... et la dernière pour Passi à la tête de l'OM. Car les dirigeants olympiens planchent sur l'arrivée d'un nouveau technicien à l'OM.

La perspective de ne faire qu'un passage éclair à la tête de l'OM n'inquiète pas Franck Passi. "Je ne me projette pas, avoue-t-il. Ici, il se passe un moment important chaque semaine. Mon seul objectif : c'est le match à Reims. Et puis quand on a été joué à l'OM, on est passionné par ce club. J'ai cette force-là." A lui de se servir de toute son expérience au sein du club olympien pour (re)mettre l'OM sur de bons rails…