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Ligue 1 - L'OM s'apprête à ouvrir l'ère Sampaoli, un Bielsa n°2 au parcours improbable

Thomas Goubin

Mis à jour 01/03/2021 à 15:49 GMT+1

LIGUE 1 - Le nouvel entraîneur de l'OM, ancien guichetier de banque, a dû attendre ses 42 ans pour entraîner en première division et s'est révélé au plus haut niveau le demi-siècle passé. Mais bien avant sa vie dans l'élite, Jorge Sampaoli s'est construit une destinée à la force du poignet sur les terrains bosselés du football régional argentin.

Jorge Sampaoli lors de la Coupe du monde 2018

Crédit: Getty Images

"Ce n'est pas Bruce Willis dans le dernier opus de la saga Die Hard, même s'il ressemble à l'acteur avec ses lunettes noires. Il ne s'agit pas non plus de Tarzan qui essaie de s'extraire d'un arbre touffu. C'est en fait un entraîneur de football de province, qui fait objet d'une suspension, et qui a dû trouver un moyen pour se faire entendre de ses joueurs. Jorge Sampaoli, l'entraîneur d'Alumni, a suivi la finale aller contre 9 de Julio de Arequito depuis cette curieuse loge. Une vraie carte postale de notre football régional. Une peinture de la passion et de la ferveur de ses acteurs".
Ce petit texte, légende d'une photo publiée par le journal de Rosario "Diario La Capital", a fait office de première carte de visite d'un entraîneur obstiné. C'était le 26 septembre 1995. Elle montre Jorge Sampaoli perché dans un arbre, le regard vers ce que l'on devine être la pelouse où se joue une finale de football régional.
Dire que cette photo a changé le destin de ce petit homme de 35 ans, employé de banque à la ville, serait un peu exagéré, alors qu'il devra attendre 2003 pour entraîner un club professionnel, mais elle lui permit au moins d'obtenir son premier poste au sein d'un club évoluant dans un championnat national, à Argentino de Rosario, filiale de Newell's Old Boys, même s'il ne s'agissait que de troisième division.
La photographie du Diario La Capital est celle d'un homme à la calvitie prononcée, le torse enserré dans un tee-shirt noir qui laisse à découvert des biceps saillant, un homme qui ne vivait alors pas encore du foot, mais vivait seulement pour le foot. Dans la région de sa natale Casilda, terre de culture céréalière, Sampaoli a ainsi labouré pendant une décennie les terrains bosselés du football des profondeurs pour récolter bien plus tard les fruits de son labeur.
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Jorge Sampaoli perché à un arbre pour suivre son équipe, Almuni de Casilda, lors d'un tournoi dans la région de Santa Fe en 1995 (Crédits photo : Diario La Capital)

Crédit: Eurosport

Une seule obsession : entraîner

Ceux qui l'ont connu à Alumni de Casilfa, Renato Cesarini, Aprendices, ou Argentino de Rosario, ont une pelletée d'anecdotes à raconter sur celui qui leur assurait déjà qu'il ne cesserait de travailler jour et nuit avant de devenir sélectionneur de l'Argentine. Une conviction qui faisait alors plutôt sourire, même si sa compétence était déjà reconnue. Sampaoli était cet entraîneur qui appelait pour donner des indications techniques à ses joueurs en pleine nuit, qui ne tolérait pas les absences ou retard, et qui trouvait toujours une bonne excuse pour quitter le plus tôt possible son poste de guichetier à la banque de la Province de Santa Fe, afin de faire ce pourquoi il était né : entraîner. El Zurdo ("le gaucher") trouve aussi toujours des combines pour espionner ses adversaires, quitte à se faire inviter dans des maisons avec vue sur le terrain adverse, alors que son tempérament explosif lui fait collectionner les expulsions.
Totalement habité par sa fonction, Sampaoli a aussi confié que sa fièvre pour le football avait pu le conduire à conseiller à des jeunes amateurs d'abandonner études et travail pour mieux se consacrer au ballon rond. Des conseils qui lui avait valu des discussions musclées avec leurs parents. "Franchement, je ne sais pas à quoi pouvait ressembler sa relation avec sa famille, avec sa femme, s'interrogeait devant cette passion déraisonnable, Ricardo Bacalini, président d'Aprendices dans le documentaire "El Origen" réalisé par TyC Sports, de quoi pouvait-il parler ? Car Jorge est une personne qui n'avait, il faut bien le dire, pas vraiment de thèmes de conversations très variés".

Un homme aussi fou que Bielsa

A Argentino de Rosario, sa seule expérience à l'échelon professionnel avant de quitter l'Argentine, Sampaoli ne va pas faire long feu. Le club est en proie à des difficultés financières, et des différents avec la direction vont provoquer son départ au terme de la première saison. Marcelo Bielsa est alors sa principale référence. El Loco a révolutionné le football argentin en remportant au début des années 90 deux championnats d'Argentine avec Newell's Old Boys, le club de Rosario, la grande ville de la province de Santa Fe située à 50 kilomètres de Casilda.
Le néo-entraîneur de l'OM essaie de recueillir le maximum d'informations sur le travail de Bielsa, écoute en boucle ses cassettes au walkman, et s'entretient avec tous ceux qui ont pu travailler avec lui. Dans sa quête d'approche de l'univers professionnel, El Casildense cherche aussi à rencontrer ceux qui ont évolué au plus haut niveau. Au début des années 90, il dialogue ainsi avec Jorge Valdano, champion du monde 1986, qui débutait alors sa carrière d'entraîneur en Espagne. Une conversation qui s'était éternisée. L'ex-coéquipier de Maradona avait d'ailleurs gardé un vague souvenir d'un type "un peu fou", avant de perdre sa trace.
Quand Sampaoli commença à briller en Amérique du sud, en faisant de la Universidad de Chile un réjouissant vainqueur de la Copa Sudamericana 2011 (équivalent Europa League), et demi-finaliste de la Copa Libertadores 2012, Valdano dut d'ailleurs se faire rappeler par son frère que l'entraîneur chauve qui arpentait sa zone technique comme un possédé était ce petit homme rencontré autour d'un café à Rosario près de vingt ans plus tôt.

Sampaoli, l'homme qui replaçait ses partenaires

Alors, comment Sampaoli a-t-il fini par changer de dimension, pour s'extirper d'un football provincial et devenir un entraîneur identifié à l'échelle planétaire ? Il y a d'abord une reconnaissance locale, d'un entraîneur au-dessus du lot dans la région de Casilda, habitué des finales, et deux fois titré au sein du championnat local avec Aprendices, en 1999 et 2000. Mais ce palmarès acquis au milieu des champs de céréales n'est pas du genre à attirer l'attention des clubs de première, ou même de deuxième division. D'autant que la carrière de joueur aspirant à l'élite de Sampaoli s'est brisée après une double fracture au tibia, alors que cet infatigable milieu de terrain était au centre de formation de Newell's Old Boys.
Le gaucher était de toute façon loin d'être parmi les plus doués. Il était toutefois déjà du genre à replacer ses partenaires, et en 1991, quand l'entraîneur d'Alumni doit s'absenter une semaine c'est au "petiso" (le petit) que pensent les dirigeants du modeste club alors qualifié pour une finale. Comme il est conté dans le documentaire "El Origen", Sampaoli va alors frapper à la porte de chacun de ses coéquipiers pour les convaincre d'appliquer certaines de ses idées.
Il modifie aussi les horaires d'entraînements pour que son équipe soit préparée du mieux possible. El Zurdo est un entraîneur professionnel dans un environnement amateur. "Mon talent est de savoir transmettre", dit-il alors au terme de la finale remportée par Alumni de Casilda. Dans la foulée, le futur sélectionneur de l'Argentine (2017-2018) et du Chili (décembre 2012-2016) se fera confier les équipes de jeunes d'Alumni, avec lesquelles il marchera sur la concurrence.
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Jorge Sampaoli lors de la Coupe du monde 2014

Crédit: Getty Images

Un parcours transversal avant la consécration à la U

Mais dix ans plus tard, Jorge Sampaoli stationne toujours dans ce club de Casilda, où il a repris du service après ses années fastes à Aprendices. Sa flamme reste toutefois toujours aussi vivace. En phase finale, quand il retrouve Aprendices, il prépare ainsi l'évènement comme s'il s'agissait de ses débuts avec l'OM. El Zurdo se démène pour mettre au vert les joueurs qui vivaient à Rosario, mais faute d'argent pour l'hôtel, c'est chez sa mère qu'il les loge la veille du match, avant de leur faire le petit-déjeuner et de leur montrer des vidéos de l'adversaire, comme il est raconté dans un article de la revue Anfibia.
Alumni se fera éliminer, mais Sampaoli disposera enfin de son opportunité d'entraîner une équipe de première division. Nestor Rozin, le dirigeant de Newell's Old Boys qui l'avait casé à Argentinos en 1997, parvient, en 2002, à le placer chez les Péruviens de Juan Aurich. Devenu assistant d'un juge d'état-civil depuis 1997, El Zurdo ne doute pas et demande un congé sans solde pour assouvir son rêve. Le chemin sera toutefois encore escarpé entre Pacifique et hauteurs andines. Après quatre mois, il est viré de Juan Aurich, mais l'obstiné parviendra à rebondir. Il restera cinq ans au Pérou au total, mais devra attendre 2010 pour commencer à se faire un petit nom quand il prend en mains Emelec, l'un des grands du football équatorien, avec lequel il sera vice-champion.
Viendra ensuite la U de Chile, avec qui il se révèle à l'échelle continentale. Alors, plus rien ne pourra arrêter Sampaoli. L'homme qui montait dans les arbres fera même grimper aux rideaux tout un pays, quand il donne au Chili sa première Copa América, en 2015, avant d'entraîner le Séville FC pendant une saison en 2016-2017, et de connaître un fiasco retentissant à la tête de l'Abiceleste. Mais comme Bruce Willis dans la saga des Die Hard, le néo-entraîneur de l'OM, désormais sexagénaire, finit toujours par se relever.
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Jorge Sampaoli, le nouvel entraîneur de l'OM

Crédit: Getty Images

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