MU, qui l'eut cru ?

L'improbable s'est produit. Manchester United, véritable machine à gagner sous le règne de Sir Alex Ferguson (deux Ligue des Champions et une finale l'an passé), regardera les huitièmes de finale de la Ligue des Champions devant la télé. Un traumatisme pour le club, si ce n'est pour l'Angleterre toute entière. Car si on pardonne à City le même écueil pour sa première participation à la compétition, le tremblement de terre est sans commune mesure du côté d'Old Trafford. C'est seulement la troisième fois en 17 ans que le club est éliminé dès la première phase de la C1 après 2005-2006 (devancé par Benfica déjà et par Villarreal) et 1994-1995 (par Barcelone et Göteborg). Ces cinq dernières années, MU restait sur une victoire (2008), deux finales (2009, 2011), une demi-finale (2007) et un quart (2010), soit le meilleur bilan européen avec Barcelone. Lors des cinq dernières campagnes européennes, Manchester United n'avait perdu qu'un seul match à l'extérieur sur 25, un quart de finale aller sur le terrain du Bayern Munich en 2010.

Cette sortie prématurée laisse un sentiment de désolation dans les rangs des Red Devils. "Bien sûr que nous sommes déçus, on ne peut rien ressentir d'autre, concède ainsi Ferguson. Nos résultats ces dernières années ont été fantastiques. C'est une perte car c'est le meilleur tournoi du monde, c'est une compétition merveilleuse." Un passé tellement glorieux que United a sans doute commis un péché d'orgueil. De l'aveu même de leur manager, les Mancuniens ont affiché une "trop grande décontraction" dans une poule considérée à tort comme facile. Au final, MU n'aura signé que deux victoires et elles furent acquises contre la modeste formation de Galati (2-0). Deux matches nuls à domicile contre Bâle (3-3) et contre Benfica (2-2) lui auront finalement coûté une place en huitièmes. "Nous devons être honnêtes et dire que nous n'avons pas été professionnels depuis le débuts de la compétition, met en cause Patrice Evra. Peut-être qu'un ou deux joueurs doivent se regarder dans le miroir et se dire qu'ils auraient pu faire beaucoup que ce qu'ils ont fait".

En Angleterre, le traumatisme est tellement grand que toute la presse s'est déchaînée. "Anéantissement" ("Wipe-out"), titre ainsi en Une le Daily Mail. Imaginez, c'est seulement la troisième fois de l'histoire que le champion de Premier League en titre se fait sortir dès la phase de groupes. Le Times évoque de son côté une "chute embarrassante", d'autant que United, qui avait récolté 80 millions d'euros en atteignant la finale l'an passé, devra se contenter de la moitié de cette somme cette saison. Humiliation ultime, MU a été reversé en Ligue Europa. Le Sun, qui rêvait d'une finale entre United et City à Munich, preuve que "Manchester est l'épicentre du football", devra regarder "les plus gros dépensiers dans l'histoire du football européen et un club qui possède l'un des palmarès les plus prestigieux (...) consignés dans l'ignominie de la Ligue Europa". Presque un châtiment pour Alex Ferguson qui devra s'habituer à jouer le jeudi soir : "C'est une compétition que je n'ai jamais disputée avec United. Ce n'est pas l'idéal. Mais c'est notre punition après l'élimination."

Pour le Guardian, cette "soirée de souffrance" soulève des questions. Le Daily Express se demande ainsi si cet échec marque "la fin d'une ère" après la défaite historique contre City (6-1) et l'élimination par un club de deuxième division, Crystal Palace, en Coupe de la Ligue. Skysports ose sans doute poser la question la plus embarrassante : "Ferguson est-il encore assez fort pour redresser la situation ?". L'Ecossais, qui avait rit au nez d'un journaliste lui soulignant les difficultés de son équipe en C1 ("Nous avons les joueurs qu'il faut pour passer, ça ne fait aucun doute", avait-il rétorqué), doit se mordre les doigts. Soucieux de préserver l'avenir d'une équipe vieillissante et de palier les nombreuses blessures (Ferdinand, Vidic, Berbatov, Hernandez), il a également beaucoup utilisé les jeunes et les nouveaux comme Ashley Young, Phil Jones, Danny Welbeck. "Rien n'est éternel dans le football. Et, si l'empire Manchester United n'est pas en ruine, il n'est pas vraiment prospère, s'inquiète le Daily Mail. Les clubs de l'élite ne font pas de saison de transition mais beaucoup de supporters de United doivent espérer que c'est ce dont il s'agit".

Pour Ferguson, la déception doit toutefois aider ses joueurs à grandir. "Ce club s'en est servi comme source de motivation à plusieurs reprises. Ces jeunes joueurs vont être déçus mais ils devront faire avec et poursuivre leurs carrières", explique-t-il. On aurait donc tort d'enterrer trop vite les Red Devils. "Il faut nous remettre au travail pour montrer qu'on est Manchester United et qu'on ne meurt jamais", exhorte Evra. Et, du coté d'Old Trafford, on veut vite retrouver le culte de la victoire. Outre le championnat, où elles pointent à cinq longueurs de City, les troupes de Ferguson sont déjà décidé à aller soulever la C3. "Nous sommes maintenant en Ligue Europa et, quelle que soit la compétition, nous ne l'abordons pas pour finir second ou pour sortir dès les premiers tours", a annoncé Rio Ferdinand. Une victoire n'aurait toutefois pas la même saveur. En attendant, les rues de Manchester seront très calmes les mardi et mercredi soirs. Désormais, il faudra réserver son jeudi soir.