Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Ligue des champions : Clichés, authenticité et stade archaïque : Immersion au cœur de Naples

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 06/11/2018 à 14:39 GMT+1

LIGUE DES CHAMPIONS - Se rendre à Naples dans le cadre du journalisme sportif, c’est être confronté à une réalité déroutante mais attachante. Alors que se profile le match crucial entre le club italien et le PSG en C1, plongée au cœur de la capitale de la Campanie.

L'extérieur du San Paolo, le stade de Naples

Crédit: Getty Images

Rendez-vous chez la deuxième force de la Serie A, puisque chiffres en mains, c’est bien le rang qu'occupe le Napoli sur les cinq dernières saisons de championnat. Étant établi à Milan, et malgré mon statut de correspondant sportif, je n’ai l’occasion de m’y rendre que trop rarement. La première en 2009 pour un séjour de vacances très, trop, touristique. Les deux suivantes, déjà cette année, pour le travail, mais brièvement. Cette fois j’y suis pour trois jours, l’occasion d’enfin vivre une ville inclassable et qui déteint forcément sur le club local.

Pizza, caffé et "pezzotto"

Une demi-heure me suffit pour assister à une grande partie des clichés sur Naples. A savoir le trajet de l’aéroport à l’hôtel. Sortie de "gate", je tombe sur un restaurant/pizzeria et une vitrine de panini XXL à bon prix avec une omelette de pâtes alléchante. Le sandwich fourré à la mozzarella est pour moi.
Le taxi est un inconditionnel du Napoli, le clignotant est facultatif, tout comme sa ceinture, il utilise d’ailleurs un "pezzotto", soit la partie métallique découpée et enclenchée afin d’empêcher l’alarme de sonner. Génie. La conduite se fait au klaxon sur des routes bourrées de nids-de-poule et un défilé de voitures en double file. Direction le quartier de la gare où péripatéticiennes au kilométrage élevé exercent en pleine journée.
Une autre voiture pile, son chauffeur sort la tête de la fenêtre et siffle une passante aux cheveux charbons, elles sont charmantes et nombreuses. Vifs échanges en patois entre deux conducteurs de scooters sans casque. Je descends, règle évidemment en cash, parcours cent mètres à pied, suffisant pour que des extracommunautaires m’alpaguent discrètement pour me refourguer je ne sais quoi, j’imagine que ce ne sont pas des dragibus.
Au coin de la rue, une échoppe vend des maillots dont celui d'Higuain au Milan. Etonnant. Je m’arrête à un bar, déguster un café, fort et bon, ou plutôt bon car fort. "Quant'è ?'' 0,80 €. J’en sors, j’enjambe les poubelles, touche finale d’une toile confuse, à l’opposé de mes standards de milanais d’adoption, mais qui n’est pas pour de me déplaire. On est loin des cartes postales, tant mieux, ce n’est pas ce que j’étais venu chercher, il y a Google Images pour ça.

Des millionnaires au milieu de nulle part

Avec mon comparse Giuseppe, photographe, nous prenons la direction du centre d’entrainement du Napoli, à 30 kms au Nord la ville. Pour y parvenir, il faut emprunter des rocades traversant des zones semi-désertes. Mon guide spéciale est venu des milliers de fois dans le secteur : "Tu vois ces canaux, ce sont les 'canali borbonici', creusés il y a quatre siècles, l’écomafia s’en sert de décharges." On longe le Lac Patria "où naissent des poissons à trois têtes”. Un arrêt au centre commercial "sous lequel ont été enfouis des déchets toxiques".
Un désastre écologique jusqu’au littoral défiguré par les constructions abusives occupées... abusivement par les plus démunis. Mafia noire issue de la communauté nigériane et Camorra s’y côtoient. Au milieu de tout ça, à peine planqué derrière une pinède, le QG du Napoli. Un hôtel, un golf et quelques terrains de foot. Rien de folichon.
Les millionnaires conduisent leur bolide au sein d’une des zones les plus sinistrées d’Italie. Le contraste est saisissant et la saveur des succulents "bocconcini di Mozzarella" avalés sur le pouce au milieu de ce décor spectral m'aident à déglutir un sentiment amertume. "Le gérant est le premier à s'être révolté contre le racket du clan des casalesi." Je souris, la fatalité n'est pas l'unique échappatoire.

San Paolo ni prestige

Le San Paolo, qui appartient à la commune, se situe lui à Fuorigrotta, à moitié sous terre comme s’il avait la tête rentrée dans ses épaules pour supporter le poids de sa vétusté. J’y fais, enfin, mon baptême du feu contre la Roma. Ce n’est pas le premier stade archaïque que je fréquente en Italie, oh que non, mais l’atmosphère y est décidément maussade. Peut-être le sirocco qui souffle, l’absence du soleil.
Les élégantes hôtesses d'accueil ressemblent à des clowns tristes derrière leurs pupitres improvisés. Après match, les points presse se trouvent dans plusieurs endroits différents, un vrai labyrinthe. Les collègues locaux exercent dans des conditions pas franchement dignes d’un membre du Top 16 européen. M. de Laurentiis, un upgrade passe aussi par là. Pourtant, cela ne ternit pas leur sens de l'accueil, leur sympathie, leur enthousiasme. Je me sens à la maison, bien plus qu’à San Siro où je suis désormais un habitué.
On m’offre un panino saucisse/friarielli pour fêter la fin de la journée de travail. Je dois malheureusement refuser, pris par le temps. Le lendemain, je fais le plein de "sfogliatelle", ces délicieuses pâtisseries fourrées à la crème, avant de sauter dans un train. Je rembobine. Les paysages défilent et se mélangent aux images de mon séjour. C’est une bataille interne et les combattants sont impossibles à partager, d’un côté la liste infinie d’actes d’incivisme, de l’autre, une authenticité presque anachronique. Voir Naples, partir, vouloir y revenir et se lancer le défi d’y consacrer un article sans citer le nom d’une célèbre série.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité