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Ligue des champions : L’Ajax 2.0 doit tout à Johan Cruyff et sa révolution de velours

Johann Crochet

Mis à jour 10/04/2019 à 13:50 GMT+2

LIGUE DES CHAMPIONS - Il a inspiré l’Ajax comme joueur, capitaine et entraîneur. De sa transmission idéologique, on sait tout, ou presque, comme lorsqu’il est revenu au chevet d’une équipe malade d’idées et de résultats au début de l’été 2010. Pour retrouver les sommets, Cruyff a bousculé, attaqué, renversé et a fini par placer ses hommes de confiance. Retour sur l’éclosion de l’Ajax 2.0.

Johan Cruyff

Crédit: Getty Images

Johan Cruyff incarne l’Ajax. L’héritage du Hollandais volant à Amsterdam est immense et continue d’exister malgré sa disparition en mars 2016. Dans les débats médiatiques, dans les discussions de supporters ou dans la réflexion stratégique du club, l’ancien numéro 14 est omniprésent. Sa personnalité, aussi fascinante que complexe, a marqué les Amstellodamois et ce sentiment empreint de respect et d’admiration dépasse profondément quelconque statistique, but marqué ou trophée remporté. Son influence philosophique sur le jeu et sur la construction d’un style a fait la renommée du club néerlandais aux quatre coins du monde. Alors, quand en 2010, l’Ajax semble au fond du trou, sans résultats sportifs ni fantaisie et même sans lumière stratégique, Johan Cruyff décide de taper fort. C’est la naissance de la révolution de velours.
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Johan Cruyff en 2009

Crédit: Panoramic

Pas de trophée, des humiliations européennes et toujours plus de dépenses

On ne badine pas avec la tradition sur les rives de l’Amstel. Un dispositif en 4-3-3, du jeu au sol, des mouvements sans ballon et des jeunes du centre de formation, voilà ce qui fait globalement l’ADN de ce club. Le tout, avec cet objectif d’obtenir des résultats par le jeu, la finalité ne découlant que de tous ces préceptes. Mais en juin 2010, l’Ajax reste sur six années sans trophée majeur, étant même éjecté du podium de l’Eredivisie lors de la saison 2005-2006, et connaît des déconvenues européennes en étant éliminé à tour de rôle par le Dinamo Zagreb, le Slavia Prague ou encore le FC Copenhague. Des résultats indignes du club.
Mais ce n’est pas tout, les dirigeants de l’époque ont la folie des grandeurs et là où les Ajacides formaient autrefois les talents de demain, les décideurs choisissent de mener une politique de transfert très coûteuse pour les finances du club. Si les arrivées onéreuses de Klaas-Jan Huntelaar (9 millions d’euros) et Luis Suarez (7,5 M€) ont été fructueuses, d’autres dépenses interpellent. Les 16,5 millions mis pour recruter Miralem Sulejmani ont asséché les caisses et ce transfert s’est révélé être un gouffre économique tant le jeune serbe n’a pas su confirmer. Les arrivées de Dario Cvitanich (6,5 M€), Wesley Sonck (6 M€) et Angelos Charisteas (5 M€) au poste de numéro 9 montrent que la direction navigue à vue en misant sur des "coups de cœur" n’ayant pas le niveau technique requis pour jouer à l’Ajax. Du moins, pas dans l’idée que l’on se fait du jeu historique de ce club.
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luis suarez ajax amsterdam

Crédit: Imago

Johan Cruyff assiste à cette mascarade et son inquiétude grandit devant l’instabilité au poste d’entraîneur. Entre la démission de Ronald Koeman en février 2005 et la nomination de Frank de Boer en décembre 2010, pas moins de sept techniciens se succèdent sur le banc dont Danny Blind, Marco van Basten et Martin Jol. C’en est trop pour le Prince d’Amsterdam. Il décide de mener une révolution depuis la Catalogne, où il vit. Et de nombreuses têtes vont tomber.

Une révolution médiatique aux lourdes conséquences

"Ce n’est plus l’Ajax" : c’est par ces quelques mots que Johan Cruyff débute sa chronique hebdomadaire dans le très réputé quotidien néerlandais De Telegraaf le lundi 20 septembre 2010. L’ancien numéro 14 est marqué par les deux derniers matches de l’équipe face à Willem II (victoire 2-0, deux buts inscrits sur deux penalties) et sur la pelouse du Real Madrid (défaite 2-0). Il appelle alors à une révolution dans son club de cœur.
C’est le début de mois de lutte où tous les coups sont permis. Surfant sur son image et sur la vague de contestation des supporters, dont la célèbre F-Side, Johan Cruyff pilonne les dirigeants et les entraîneurs à la moindre occasion. Le 25 novembre, il écrit une nouvelle tribune brûlante intitulée : "Appel à tous les joueurs de l’Ajax". Sa position de chroniqueur est idéale pour faire passer ses idées. "Je ne reconnais plus mon Ajax", témoigne-t-il. Dans ce texte d’une dizaine de paragraphes, il dresse un bilan sévère de l’état du club et demande à ce que les anciens joueurs prennent leurs responsabilités. Il milite pour qu’ils intègrent tous les organes du club : conseil d’administration, conseil des membres (Ledenraad), centre de formation, etc. Dans son pamphlet, il cite quelques noms, à commencer par celui de Marc Overmars, alors dirigeant de Go Ahead Eagles, l’équipe où il a débuté sa carrière et où il se fait repérer par sa bonne gestion financière.
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Marc Overmars

Crédit: Getty Images

Martin Jol est le premier à faire les frais de l’offensive, lâché par ses supérieurs après de multiples attaques de Cruyff, qualifiant l’entraîneur de "pire technicien qu’il ait jamais vu". Frank de Boer le remplace. L’ancien défenseur néerlandais est acquis à la cause de Cruyff qui gagne là une première bataille. Mais c’est loin d’être fini.
Dans un rapport rendu début mars 2011, il fustige l’état de la formation du club amstellodamois. Il y explique notamment que l’académie est à un tournant et que son directeur ainsi que de nombreux entraîneurs doivent être limogés pour laisser place à des hommes de confiance, pour la plupart des anciens joueurs proches de Cruyff (Jonk, Bergkamp...). Sous la pression, les membres du conseil d’administration démissionnent quelques jours plus tard après la divulgation de ce rapport.
En mai de la même année, l’Ajax décroche son premier titre de champion depuis 2004 et Cruyff intègre un Collège des Commissaires (cinq membres) créé pour valider les réformes exposées dans le rapport. Le président du club et le directeur de la formation finissent par quitter leurs fonctions dans les semaines suivantes. Mais le plus gros de la crise est encore à venir...

Accusations, procès, menaces : la révolution s’intensifie

La nomination d’un nouveau Directeur technique tourne au pugilat à la fin de l’année 2011. Le 16 novembre, les quatre autres commissaires décident de nommer Louis van Gaal à ce poste, dans le dos de Johan Cruyff parti faire un aller-retour express en Catalogne. Le coup est rude car Van Gaal et lui se détestent cordialement, entre histoires privées et visions footballistiques différentes. Furieux, autant par la méthode que par le choix, le Hollandais volant attaque en justice pour faire annuler la décision du Collège des Commissaires devant prendre effet le 1er juillet 2012. Le procès a lieu le 27 novembre 2011 et Cruyff débarque avec sa garde rapprochée, composée de Wim Jonk, Jaap Stam, Dennis Bergkamp, Marc Overmars et consorts. Les photos de cette équipe de stars venue contester une action de leur ancien club font sensation.
En attendant le verdict, les coups bas se multiplient. Bénéficiant d’un large soutien populaire, le clan Cruyff accentue la pression et les entraîneurs du centre de formation se font entendre médiatiquement contre l’arrivée de Van Gaal comme Directeur technique. Deux des quatre commissaires à l’origine de la venue de Van Gaal reçoivent des menaces et Steven ten Have est même obligé de demander l’appui d’une société privée de sécurité. Pis, Edgar Davids, également au Collège des commissaires, accuse Johan Cruyff de racisme avant de dégonfler l’affaire quelques jours plus tard.
Le 12 décembre 2011, le juge donne raison à Cruyff dans le litige qui l’oppose au Collège des Commissaires. Même issue lors de l’appel deux mois plus tard. Les dernières poches de résistance sont matées : les personnes à l’origine de la nomination de Van Gaal démissionnent, le directeur technique intérimaire également, alors qu’il était sous escorte policière, et Cruyff peut placer tous ses amis aux postes clés du club. De Boer reste entraîneur de l’équipe première, Bergkamp devient son adjoint en charge du travail des attaquants, Stam gère les défenseurs, Jonk part à la tête de la formation, Overmars devient directeur sportif tandis que Van der Sar arrive dans un rôle de directeur commercial.
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Franck De Boer à Ajax

Crédit: Imago

La révolution en passe d’être abandonnée ?

Cruyff a gagné. Entre son appel aux anciens de l’Ajax et la victoire en justice ayant pour conséquence un ultime coup de balai, 18 mois se sont écoulés. Une période intense, immodérée et fondatrice. Car si l’Ajax d’aujourd’hui brille en Europe et profite d’une nouvelle génération dorée, elle le doit au travail et à l’acharnement du Prince d’Amsterdam. Il a redéfini les contours de la politique sportive et réaligné la formation du club sur ses idées. Entre 2011 et 2014, le club a remporté l’Eredivisie à quatre reprises et a remis ses finances dans le vert. L’avenir doré à court terme de l’Ajax valait bien quelques batailles de famille.
Mais voilà, tout n’est pas rose. Johan Cruyff est décédé en mars 2016 et plusieurs éléments de cette révolution de velours avaient quitté le club quelques semaines plus tôt car leurs directives n’étaient plus suivies. Certains gros transferts réapparaissaient et il fallait se battre pour débloquer 500 000 euros pour le centre de formation. Autrefois associé à cette révolution de velours, Marc Overmars est aujourd’hui critiqué par les anciens frondeurs. "Le pouvoir transforme les hommes", nous a-t-on soufflé. Plusieurs entraîneurs recrutés pour appliquer les recommandations du "rapport Cruyff" se sont vus indiquer la sortie. Les suiveurs des équipes de jeunes sont parfois critiques sur le jeu de certaines catégories du centre de formation et sur la politique générale du club. Certains piliers de la révolution de velours évoquent même un possible retour au même point qu’en 2010 "d’ici 5 à 6 ans". Le club amstellodamois se prépare-t-il désormais à une nouvelle révolution ?
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