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La greffe Sarri n’a pas encore pris à la Juventus

Johann Crochet

Publié 25/02/2020 à 23:32 GMT+1

LIGUE DES CHAMPIONS - Alors qu’elle se déplace sur la pelouse de Lyon en huitième de finale aller de la C1, la Juve est secouée par les nombreuses critiques sur la qualité de son jeu. En sacrifiant Massimiliano Allegri pour Maurizio Sarri, le club turinois a fait le pari du style et du jeu pour continuer sa domination. Mais après quelques mois, les premiers effets peinent à se faire sentir.

Maurizio Sarri - Juventus Turin

Crédit: Getty Images

Sur Internet, le jeu des mèmes confine souvent à l’hilarité. L’un des plus partagés est celui du double-Spiderman où le super-héros rencontre son double devant un fourgon NYPD. Utilisé pour montrer que deux éléments de comparaison sont identiques, ce mème pourrait tout à fait être appliqué à Massimiliano Allegri et Maurizio Sarri tant la formation de l’ancien technicien de Naples ressemble comme deux gouttes d’eau à celle de son prédécesseur, avec les mêmes symptômes et les mêmes conséquences.
Fâcheux pour un club ayant pris le parti de faire un virage à 180 degrés l’été dernier au niveau du style de jeu, quitte à s’asseoir sur un passif désagréable tant Sarri s’affirmait comme le leader anti-Juve lorsqu’il était en Campanie. Ce qui lui a d’ailleurs valu la fronde de ses nouveaux supporters à son arrivée.
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Maxi Allegri et Maurizio Sarri

Crédit: Getty Images

Une équipe toujours aussi peu créative et reposant sur ses individualités

L’un des plus gros défauts de la Juve d’Allegri était la faible qualité du spectacle proposé sur le terrain. En clair, le technicien de 52 ans était à la tête d’une formation beaucoup plus forte que la concurrence nationale et parvenait toujours à s’en tirer grâce aux exploits de Cristiano Ronaldo, Mario Mandzukic et Miralem Pjanic. Avec, en conséquence, une étiquette très dure à enlever d’entraîneur défensif, incapable de mettre en place un jeu collectif proactif sur les phases offensives, n’attendant plus que l’exploit individuel, surtout sur les deux dernières saisons. Ce qui a valu à Allegri quelques débats épicés lors des après-matches à la télévision italienne avec les apôtres du football-champagne, Arrigo Sacchi et Lele Adani en tête.
Avec Maurizio Sarri, la promesse était séduisante. Si son passage à Chelsea avait déjà fait évoluer son style avec une adaptation nécessaire à son groupe, là où il imposait tout à Naples, son arrivée devait permettre au club turinois de satisfaire ses supporters dont une partie commençait déjà à grogner face au spectacle proposé. L’Empoli de Sarri, le Naples de Sarri : toute la botte avait encore en tête le travail effectué par le technicien italien dans ces deux clubs, avec une vraie ligne directrice consistant à dire que les résultats ne pouvaient être obtenus qu’avec une méthode, celle d’un football de proposition, offensif et collectif.
Près de huit mois après le début de son mandat, la réalité a douché de nombreux espoirs. La Juve de Sarri est une copie de celle de son prédécesseur. Elle est toujours aussi dépendante de ses individualités sur le plan offensif et elle cumule même une certaine fragilité défensive qu’Allegri parvenait à masquer. Elle a déjà accumulé 3 défaites en Serie A alors qu’elle était encore invaincue à ce stade la saison passée. Elle compte 9 points de moins, 5 buts marqués en moins et 9 buts encaissés en plus. A la faveur des matches reportés en raison du Coronavirus, elle est repassée à la 2e place du classement des xPOINTS (expected points : sorte de "points attendus par rapport à la production de l’équipe", ndlr) alors qu’elle n’était que 5e il y a une semaine. Sa production offensive est réduite à son strict minimum, notamment à l’extérieur où elle est souvent malmenée.
Pendant longtemps cette saison, les observateurs se sont posés la question de savoir si Sarri s’était adapté à la Juve ou si les joueurs turinois ne parvenaient pas à reproduire ce que leur entraîneur leur demandait. Le technicien a répondu à ces légitimes interrogations après la victoire face à Brescia : "Cette équipe a certaines caractéristiques et elle ne pourra jamais jouer comme les autres formations que j’ai entraînées. Je dois m’adapter. Dans le passé, je n’aurais jamais donné la liberté dont a disposé Dybala aujourd’hui."
La révolution du jeu est oubliée, l’adaptation demeure en cours de réalisation et certaines explications peinent à convaincre, comme lorsqu’il affirme contre vents et marées, contre les chiffres et contre les observations que son équipe "crée énormément d’occasions de but." Finalement, du combo Juve-Sarriball rêvé et espéré cet été, les supporters n’ont vu que quelques traces lors du grand choc face à l’Inter à San Siro en octobre dernier. C’est un peu maigre.

Une équipe en danger lorsqu’elle est pressée

Le manque de créativité de cette équipe saute donc aux yeux. Le milieu de terrain fait de muscles et de courses pour Allegri trouve ses limites avec Sarri. Tout passe par Pjanic, avec plus ou moins de succès. Car les adversaires se sont adaptés. De nombreux entraîneurs décident de faire un marquage individuel très strict sur l’ancien milieu de terrain de l’OL pour orienter la construction de la Juve sur d’autres joueurs moins à l’aise dans cette fonction. Résultat, Dybala est souvent obligé de dézoner et redescendre, parfois contre la demande même de Sarri, comme à Milan en Coupe d’Italie. Son entraîneur a admis, après avoir revu le match, que l’Argentin avait bien fait de jouer ainsi. Problème, il manque ensuite du soutien à Ronaldo dans les 20-25 derniers mètres. Une équation pour le moment insoluble.
Si la Juve peine à se montrer dangereuse dans la construction de ses actions, c’est aussi parce qu’elle souffre souvent face à un pressing à haute intensité. Le match perdu sur la pelouse de l’Hellas début février a confirmé cette tendance. Avec un marquage à l’homme sur quasiment tout le terrain, l’équipe de Juric (alignée en 3-4-1-2) a mis en grande difficulté la Vieille Dame. Le trident offensif véronais a parfaitement bloqué Pjanic et les lignes de passes pour De Ligt et Bonucci, densifiant l’axe et forçant les Turinois à aller sur les côtés.
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Maurizio Sarri

Crédit: Getty Images

Sans ballon, cette fois, elle affiche une certaine irrégularité au cours d’un même match et manque très souvent d’agressivité pour aller récupérer le ballon. Si le pressing est quand même déclenché plus rapidement que sous Allegri, le manque d’intensité dans les courses et le contact offre des possibilités à l’adversaire de se sortir de cette pression. "On doit augmenter le niveau d’intensité défensive", a prévenu Sarri avant le match face à Brescia.
Contre la SPAL ce samedi, la Juve a encore joué à se faire peur dans les dernières minutes d’un match pourtant maitrisé. Sarri a de nouveau opté pour un 4-3-3 sans trequartista (numéro 10, ndlr) avec Cuadrado sur l’aile droite et Dybala en faux 9. Un schéma qui donne un peu plus d’amplitude s’il ajoute un profil plus créatif dans le milieu à trois, comme samedi à Ferrare avec Ramsey aligné aux côtés de Bentancur et Matuidi.
Face à un OL en panne de jeu et avec le retour de Pjanic, quelle solution sera privilégiée par Sarri ? L’entraîneur qu’il fut à Naples aurait sans doute choisi de renforcer la part créative et proactive de son équipe. Le technicien actuel de la Juve pourrait faire le choix de l’équilibre. C’est aussi à cela que l’on voit l’évolution de cet ancien dogmatique. Pour le meilleur, encore à venir, et pour le pire.
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