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Avant Bayern Munich - Villarreal : Dans le sous-marin jaune, la discrétion est au service de la culture de l’effort

François-Miguel Boudet

Mis à jour 12/04/2022 à 19:27 GMT+2

LIGUE DES CHAMPIONS - En 1997, quand Fernando Roig est devenu l’actionnaire majoritaire de Villarreal, le club était en deuxième division et n’avait jamais évolué en Liga. Un quart de siècle plus tard, le sous-marin jaune est devenu une référence en Espagne et en Europe, au point d'entamer son quart de finale retour avec un avantage sur le Bayern Munich. Tout sauf un miracle.

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Après plusieurs semaines de temps oscillant entre le grisâtre et l’exécrable, il semble que le soleil a décidé d’enfin faire son retour. Aux premières loges pour assister à "Groc Talent", un tremplin musical chargé d’animer l’avant-match contre l’Athletic sur le parvis de l’Estadio de la Cerámica, Marcos Senna a tombé la veste. Le champion d’Europe 2008 est l’ambassadeur du Villarreal CF et s’il est stressé, il n’en laisse strictement rien paraître. L’ancien milieu de terrain ne se départit par de son sourire éclatant pour se plier de bonne grâce aux selfies, notamment des supporters zuri-gorriak aussi heureux que surpris de voir une telle légende aussi abordable.
Tournoi de 3 contre 3 avec des équipes de jeunes du club et des collèges avoisinants, atelier de maquillage pour les enfants et générations qui se mélangent : le parvis baigné de lumière a des airs de kermesse. Trois jours auparavant, le sous-marin jaune a torpillé le Bayern au terme d’un match qui, vu la palanquée d’occasions manquées et l’étroitesse du score (1-0), laisse quelques regrets. Ce mardi, les Groguets se déplacent en Bavière pour réaliser un exploit majuscule après avoir sorti la Juventus au tour précédent. Pourtant, rien ne laisse présager une quelconque anxiété ni même de l’excitation.

Contre-pied sécurité

Quand Fernando Roig devient l’actionnaire majoritaire du club en 1997, son frère aîné Francisco achève son mandat à la tête du Valencia CF. La famille connaît très bien l’environnement blanquinegro et ce n’est pas un hasard si le Submarino Amarillo a pris le chemin diamétralement opposé. Coincé entre les Murciélagos et les Orelluts de Castellón, Villarreal cultive la tranquillité dans une ville de 50.000 habitants plutôt que l’exubérance et l’exagération.
L’ancrage local entrepreneurial de la famille Roig (supermarchés Mercadona, céramique Pamesa notamment) se retrouve dans son engagement dans le football mais aussi dans le basket, l’athlétisme et les sports olympiques (à hauteur de 27M€ grâce au mécénat de Juan Roig).
Il y a 25 ans, "l’autre VCF" évoluait en Segunda devant à peine 3000 personnes. Est-ce en souvenir de ces débuts difficiles que les Groguets ne se prennent pas pour d’autres ? A l’heure où les anglicismes vaseux masquent la vacuité des politiques de développement des revenus, Villarreal paraît prendre le contre-pied de ce délire économique. Tenant du titre en Ligue Europa, aux portes du dernier carré de la Ligue des Champions, le Submarino Amarillo a proposé des places allant de 15 à 40€ pour la réception de l’Athletic.
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A titre de comparaison, le premier prix à Mestalla pour un inoubliable Valencia-Cádiz la semaine précédente était de 25€ et au Ciutat de València, il vous faut débourser au minimum 40€ pour assister à un match "hors cadors" de Levante, 19e de Liga. Pour les réceptions de la Juventus et du Bayern, les abonnés ont eu droit à des tarifs préférentiels défiants toute concurrence : de 20 à 60€ pour les adultes, 10 à 30€ pour les moins de 25 ans. Et le parking à 100m du stade, c’est cadeau.
Certes, le stade que l’on appelait encore le Madrigal jusqu’en 2017 n’est pas exactement un stade hi-tech. Pour accéder à la tribune latérale opposée, il faut faire le tour d’un pâté de maison et tourner à gauche Calle Salut ou Calle Santa Bárbara. En revanche, Villarreal a tout compris à ce que doit être le football populaire : proximité, qualité et tarifs raisonnables, y compris sur le merchandising. Le t-shirt commémoratif de la victoire en Ligue Europa est en vente pour 10€ quand, à 45 minutes de voiture plus au sud, celui de la finale de la prochaine Copa del Rey est vendu près de 25€ par le Valencia CF.

Passion sans pression

L’explication de la réussite du club se résume souvent de manière simpliste et est dépeinte comme un "miracle" pour reprendre le titre du livre de Sandy Jamieson. C’est réducteur et même carrément faux. Le véritable leitmotiv Roig, c’est "la cultura del esfuerzo", la culture de l’effort.
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Le choix des artisans de ce succès a été prépondérant. José Manuel Llaneza, l’homme qui a convaincu Fernando Roig, est toujours au club et occupe la vice-présidence. Pour l’aspect familial, Fernando et Elena, les enfants du président, occupent un poste au conseil d’administration qui est intégralement composé de personnes natives soit de la province de Valencia soit de celle de Castellón.
Sur le terrain, la discrétion et l’efficacité ont contribué aux succès sportifs. Les résultats du centre de formation sont visibles sur la pelouse : le vétéran Mario Gaspar et Pau Torres sont de purs produits groguets. Alfonso Pedraza est arrivé en post-formation à 15 ans, Yeremy Pino à 16, Gerard Moreno et Manu Trigueros à 18. A la direction sportive, Antonio Cordón y a travaillé de 2000 à 2017. Son successeur jusqu’en 2020, Pablo Ortells, était au club depuis 15 ans, avait entraîné toutes les catégories inférieures des pré-benjamins à la U15 et n’apparaissait même pas sur le site officiel du club !
Depuis 2021, Miguel Ángel Tena, 40 ans, jusqu’alors coach de Villarreal C et ancien joueur de plusieurs équipes de la Communauté valencienne (Valencia B, Villarreal B, Levante et Elche) a été nommé. Une stabilité qui a permis de réaliser des coups incroyables sur le marché des transferts (Juan Roman Riquelme, Diego Forlán, Martín Palermo, Diego Godín, Marcos Senna, Juampi Sorín, Robert Pirès par exemple), de bien vendre (Éric Bailly, Alexandre Pato, Luciano Vietto, Gabriel Paulista notamment) et aussi de rebondir immédiatement après la descente en Segunda en 2012.
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Pour les entraîneurs, cette absence de pression a favorisé la mise en place de projets de jeu sur le long terme. Manuel Pellegrini (2004-2009), Marcelino García Toral (2013-2016) ou encore Unai Emery (depuis 2020) ne pourraient le contredire. Avec avec une demi-finale de Ligue des champions (si seulement Riquelme avait transformé ce penalty contre Arsenal en 2006 !) et une demi-finale de Ligue Europa, l’héritage du Chilien et de l’Asturien est considérable. Quant au Basque, entre une C3 conquise au bout du suspense contre Manchester United et une nouvelle épopée qui pourrait devenir épique en cas d’exploit à Munich, il s’est assuré une place de choix au panthéon groguet.
La discrétion n’empêche pas l’exigence. Villarreal a créé les conditions adéquates pour performer sur le terrain et bâtir une communauté à son image. Ce n’est pas grandiloquent ou extravagant mais c’est constant, sympathique et identifiable. Le sous-marin jaune sait où il va quand d’autres se perçoivent bien plus grands qu’ils ne sont réellement et marchent au radar.
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