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PSG - Bayern Munich : "Galtier accepte de ne pas savoir, c'est un signe de modernité"

Cyril Morin

Mis à jour 13/02/2023 à 17:33 GMT+1

LIGUE DES CHAMPIONS - Arrivé l'été dernier sur le banc du PSG, Christophe Galtier peine encore à imprimer sa patte sur un effectif finalement assez éloigné de ses idées tactiques. Face au Bayern Munich ce mardi, le technicien joue une partie de son avenir. Avant ce rendez-vous majeur, entretien avec Maxime Brigand, co-auteur d'une biographie sur "Galette".

"Les images vues à Paris sont celles d'équipes qui luttent pour le maintien"

C'est l'heure pour Christophe Galtier. Arrivé au PSG avec une réputation flatteuse mais assez éloignée des standards habituels de QSI, le technicien aborde le rendez-vous le plus important de la saison parisienne avec des doutes plein la tête quant à la bonne formule pour son équipe. Mais "Galette", son surnom depuis gamin, a déjà montré par le passé que sa grande force était de s'adapter aux situations compliquées.
Dans "Christophe Galtier, les marches du succès", Cyril Collot et Maxime Brigand reviennent sur le parcours de cet adjoint précieux devenu coach brillant à travers une centaine de témoignages. Entretien avec ce dernier, également journaliste pour So Foot, pour mieux comprendre l'homme et l'entraîneur Galtier.
Votre livre s'intitule "Galtier, les marches du succès". Pourquoi ce titre ?
Maxime Brigand : L'idée, c'était de rappeler comment Galtier s'était construit jusqu'à son arrivée au PSG, le projet s'est d'ailleurs lancé avant l'été dernier. On avait envie d'écrire sur quelqu'un qui n'avait jamais été raconté à travers un livre et sur un entraîneur, pour le côté tactique. Après Deschamps et Zidane, Galtier est le meilleur entraîneur français et le personnage est très riche, il explique beaucoup de choses dans le management, l'évolution tactique... On voulait retracer son ascension, de son enfance à Marseille jusqu'à sa vie d'adjoint puis ses passages à Saint-Etienne, Lille, Nice puis Paris. Et succès, simplement parce que c'est un entraîneur qui gagne, au moins jusqu'à présent.
Son parcours raconte une maturation lente vers ce poste de numéro 1, avec l'apport de nombreuses personnes. C'est un peu le contre-exemple des Will Still ou Didier Digard qu'on voit arriver en L1 récemment avec des idées très précises de ce qu'ils veulent ?
M.B : C'est aussi une autre génération, une autre époque. Il y a une grande évolution dans la façon dont Galtier a construit ses idées. Au départ, ce qui l'intéressait, c'était d'apprendre patiemment, avec plusieurs personnes, plusieurs styles de pensées, plusieurs cadres. Il a aussi été à l'étranger comme adjoint (Aris Salonique, Al Aïn, Portsmouth, NDLR), ça l'a aidé. Je n'en avais pas conscience mais Alain Perrin nous explique notamment que Galtier n'était pas intéressé par le fait d'être numéro 1 au départ. Ce qu'il voulait, c'était se lever le matin, animer des séances, parler aux joueurs etc. Dans sa tête, être numéro 1 signifiait qu'il fallait gérer tout l'entourage d'un club : les agents, les médias, la politique, les partenaires. Ça, ça ne l'intéressait pas et c'est assez étrange de constater comment aujourd'hui il peut être comme communicant. A l'époque, peut-être que ça l'effrayait. Lui, le sel de son travail, c'était de travailler sur la matière humaine avant tout.
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Christophe Galtier et Andy Delort

Crédit: Imago

Déjà comme joueur, il cimentait les groupes. Ce management très humain, ça s'est vu dès le début dans son métier d'adjoint ?
M.B : Oui et ça a été très marqué sous Alain Perrin d'après ce qu'on nous explique. C'était un peu le pendant d'un management très abrasif. Lui, il allait manger avec les joueurs, discutait avec les femmes de ceux-ci. Il essayait de percer un peu l'âme humaine pour obtenir le maximum du joueur. C'est ce qui l'intéresse encore aujourd'hui, au-delà du jeu.
Tactiquement, comment définir Galtier ?
M.B : C'est un flexible, qui s'adapte beaucoup. A Saint-Etienne, par exemple, il s'adapte aux qualités de ses joueurs mais surtout il accepte de les écouter. Il y a un épisode où ils prennent une leçon à Toulouse l'été avant de gagner la Coupe de la Ligue en 2013. A l'époque, Galtier veut un football très vertical, très brutal. Mais ses joueurs réclament d'avoir plus le ballon, de jouer la possession. Alors, il accepte de changer pour faire briller le collectif. C'est un signe d'ouverture d'esprit, il a conscience que l'entraîneur n'est qu'un poseur de cadres pour son collectif. A Lille, c'est différent, il a un peu muri ce qu'il veut être comme entraîneur. Il veut jouer la transition, très inspiré par le Real Madrid d'Ancelotti de 2014. A ce moment-là, on se dit que c'est un dogmatique avec son 4-4-2 qui ne bouge pas, ou alors très peu. Ce 4-4-2, on l'a revu à Nice et on pensait le voir d'entrée au PSG. En fait, non, il s'adapte aux qualités de ses joueurs. Il a certaines idées en termes d'intensité. Malheureusement, ce n'est pas exactement ce qu'il arrive à appliquer pour l'instant au PSG mais c'est aussi dû au profil des joueurs qu'il a.
Dans le livre, Stéphane Ruffier explique qu'il a un côté "papa-poule" parfois dans le vestiaire. Ça a très bien marché dans des clubs à plus petite dimension mais est-ce que ça peut fonctionner au PSG ? On se souvient que Tuchel avait eu la même approche avant de finalement se crisper.
M.B : Des discussions qu'on a eues avec certains acteurs qui le côtoient, il a réussi à garder ça depuis son arrivée au PSG. Il est très proche de Neymar notamment ou de Sergio Ramos. Sur le côté humain, je pense qu'il est parvenu à ce que les joueurs adhèrent. Dans une intervention avant la Coupe du monde, il racontait la préparation du match face à la Juventus. Il a dit au vestiaire qu'il avait conscience de ne pas avoir le même vécu que certains de ses joueurs dans cette compétition et leur a demandé de le porter avec eux. Pour certains, ça pourrait être un signe de faiblesse mais c'est une réalité. L'idée, c'était qu'ils allaient grandir ensemble et de responsabiliser ses joueurs, c'est important. Le hic à Paris est ailleurs, selon moi.
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Chrsitohe Galtier et Neymar, hilares, à l'entraînement du PSG en octobre 2022

Crédit: Getty Images

Sa grande force par le passé a été de mobiliser tout le monde dans les clubs, de ne pas dépendre uniquement d'un onze mais de savoir emmener tout le monde derrière lui. Mais les remplaçants du PSG sont toujours aussi neutres. Comment changer ça ?
M.B : Le projet initial n'est pas tenu puisqu'à la base, un des trois de devant, à savoir Neymar, ne devait pas être là. Neymar est resté donc Galtier est parti avec ces trois joueurs avec l'idée de construire autour. Dans le staff, ils se sont dit : 'OK, tout le monde nous dit que c'est impossible mais tentons le truc'. Le souci, c'est que Galtier, à Saint-Etienne, à Lille puis à Nice, avait des joueurs très travailleurs, qui pouvaient répéter les efforts. Fabian Ruiz, Carlos Soler, même Vitinha finalement, ce ne sont pas des joueurs qui ont un impact monstrueux. Ce n'est pas un Renato Sanches à 100% par exemple. A l'échelle de la L1, Seko Fofana, Kephren Thuram voire Benjamin André, même s'ils n'ont pas forcément le profil PSG, sont des joueurs dont aurait eu besoin Galtier pour asseoir son projet. Limite, le meilleur milieu de l'effectif aujourd'hui, pour jouer comme l'entend Galtier, ça serait Zaïre-Emery…
Un nom revient souvent dans le livre : Carlo Ancelotti. Est-ce que ça serait lui le modèle ultime de Galtier, ou en tout cas celui qui lui ressemble le plus parmi les plus grands coachs européens ?
M.B : Oui, sans aucun doute. Ils se sont rencontrés en 2012-2013, quand Saint-Etienne va gagner au Parc. Je ne suis pas sûr qu'Ancelotti le connaissait vraiment avant mais il en parle un peu après le match, en disant que cet entraîneur fait des bonnes choses, qu'il a bien aimé son équipe. En fin de saison, ils terminent co-meilleur entraîneur ensemble et la relation se noue un peu. Depuis, ils échangent assez régulièrement. Galtier se retrouve dans ce que fait Ancelotti. Il aime bien aussi Jürgen Klopp. Pour So Foot, en 2019, on avait réalisé un bilan tactique de la décennie écoulée ensemble et il avait beaucoup insisté sur la transition. Clairement, ce n'est pas Guardiola. Il dit un truc assez intéressant, sur lequel je peux le rejoindre, c'est que Guardiola a fait plus de mal que de bien aux entraîneurs, car tout le monde a voulu le copier. On en a beaucoup parlé avec César Arghirudis, un de ses anciens analystes vidéos qui est désormais à Rennes avec Bruno Génésio, et lui nous disait qu'à Saint-Etienne, il regardait beaucoup ce qu'il se faisait autour, les sorties de balles de Sarri au Napoli etc. Comme Ancelotti, il s'est inspiré de ça.
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De la simplicité et de l'humain : La méthode Galtier décryptée

On sent aussi une vraie implication et une vraie écoute de sa part envers les membres de son staff. Est-ce que le but du PSG à Lille en début de saison sur le coup d'envoi n'est pas le meilleur symbole de ce travail collaboratif ?
M.B : C'est symbolique de son ouverture d'esprit. J'ai l'impression qu'il accepte de ne pas savoir, c'est un signe de modernité. Quand il arrive à Lille, le club est en galère. Sur la première séance, il met en place un 15-15 (exercice d'aérobie avec beaucoup de courses sans ballon, NDLR). Joao Sacramento, qui est aujourd'hui à ses côtés au PSG mais est déjà en place au LOSC à l'époque, le laisse faire mais vient le voir en fin de séance pour lui dire : "Je pense qu'il ne faut pas s'y prendre comme ça". Derrière, il accepte de passer à la périodisation tactique, quelque chose qu'il n'a pas appris dans sa formation d'entraîneur. Il a aussi travaillé avec Jorge Maciel à Lille, qui vient aussi d'une école complètement différente. Et à Paris, c'est encore autre chose, il regarde beaucoup les jeunes, accepte de travailler encore plus avec la vidéo… A Saint-Etienne, il réclamait à ses analystes de faire des découpages par quart d'heure, pour essayer de mesurer les impacts de ses changements, par exemple. Il est allé piocher dans des techniques modernes pour les adapter à sa méthode.
Au tout début du livre, vous utilisez le terme de "toxicomane" pour décrire son rapport au métier d'entraîneur. Vous expliquez aussi qu'il marque physiquement dans les périodes difficiles. Depuis son arrivée au PSG, vous avez observé une telle évolution physiologique ?
M.B : Toxicomane, ça s'applique à tous les entraîneurs de haut niveau. Tous les entraîneurs tout court. On ne se rend pas compte à quel point ce métier dévore les têtes et dévore les corps. A Paris, j'en ai parlé avec certaines personnes qui le connaissaient avant et qui l'ont revu depuis, ils m'ont tous dit que physiquement, il était déjà marqué, fatigué. Ce qui le fatigue le plus, c'est l'environnement. Chaque petit mot, petite phrase, petit geste est disséqué. L'exemple typique, c'est le match à Marseille où, sur le deuxième but, il lève le bras et dit un truc genre 'merde'. Mais derrière, certains font des captures d'écran pour expliquer qu'il célèbre le but de l'OM… Physiquement, si on regarde la photo en couverture du livre ou même la photo qu'il prend en arrivant au PSG et si on regarde sa tête aujourd'hui, on a l'impression qu'il a pris dix ans. C'est la preuve que ce boulot use. C'était pareil pour Pochettino ou Tuchel : ils sortent tous du PSG un peu broyés j'ai l'impression, ça montre la violence de ce poste-là.
"Christophe Galtier, les marches du succès", par Cyril Collot et Maxime Brigand, éditions Marabout, 20,90 euros
"Christophe Galtier, les marches du succès", par Cyril Collot et Maxime Brigand, éditions Marabout, 20,90 euros
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