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Avant Lens-Arsenal en Ligue des champions - Mikel Arteta veut faire du coaching sur ses gardiens : va-t-il trop loin ?

Cyril Morin

Mis à jour 03/10/2023 à 18:21 GMT+2

En recrutant David Raya l'été dernier, Mikel Arteta semblait vouloir mettre en concurrence Aaron Ramsdale, pourtant impeccable la saison passée. En réalité, le coach des Gunners a expliqué envisager un autre modèle sur ce poste si particulier : du coaching en plein match, pour mieux coller aux besoins de son équipe. Est-ce possible ? Et, surtout, est-ce souhaitable ?

Premier League ou C1 : Arsenal est-il armé pour les deux tableaux ?

Mais dans quelle galère s'est embarqué Mikel Arteta ? La question a agité l'Angleterre tout l'été à la vue du recrutement des Gunners. Pas question ici de remettre en cause le bien-fondé des arrivées de Declan Rice, Kai Havertz et Jurrien Timber mais plutôt de s'interroger sur la pertinence, à l'époque, de potentiellement dépenser plus de 34 millions d'euros (prêt avec option d'achat) pour s'attacher les services de David Raya, gardien de Brentford.
La levée de boucliers fut réelle, d'autant qu'elle venait fragiliser un vrai personnage du club, Aaron Ramsdale, irréprochable depuis son arrivée contre 30 millions - à l'époque aussi, on avait levé les sourcils d'étonnement face à ce prix et ce choix. "Je ne comprends absolument pas comment un manager peut arriver à la conclusion que c'est une bonne idée d'avoir une concurrence pour le poste de numéro 1, avait assené Peter Schmeichel au micro de la BBC. C'est un poste très réactif. Et là vous demandez à des gardiens de prouver qu'ils sont meilleurs que l'autre. C'est tout l'inverse qu'il faut, c'est le seul poste où vous avez besoin de stabilité. En faisant ce choix, vous mettez de l'insécurité sur les deux."
En somme, Arsenal allait reproduire un système qui n'avait pas fonctionné au PSG. Témoin privilégié de cet entre-deux désastreux pour les hommes, Mauricio Pochettino a reconfirmé ce week-end que l'alternance n'était pas son truc. "C'est possible de faire ça, mais est-ce dangereux ? Oui. Est-ce que c'est bien ? Je ne sais pas. Est-ce que c'est mauvais ? Je ne sais pas", a-t-il philosophé. Alors, forcément, depuis le début de saison, Mikel Arteta ne cesse de devoir se justifier sur le sujet.
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Mikel Arteta a décidé d'aborder la saison avec deux numéros 1 potentiels au but : David Raya et Aaron Ramsdale

Crédit: Quentin Guichard

Il m'est arrivé de me dire qu'il fallait remplacer mon gardien après 60 minutes
Pourquoi ce choix ? Pour mieux se couvrir. "On veut deux joueurs par poste, avait-il détaillé mi-août. Vous avez vu ce qu'il s'est passé avec Jurrien Timber (grave blessure au genou, NDLR), cela peut arriver à notre gardien, c'est d'ailleurs arrivé à Courtois. Donc on doit être dans l'anticipation et prévoir ce genre de choses".
Depuis, son discours a évolué à mesure que Raya est devenu titulaire du poste. Une notion qu'Arteta aimerait plus mouvante, comme sur les dix autres positions. "Je suis un très jeune manager, je ne suis à ce poste que depuis trois ans et demi, mais j'ai déjà des regrets sur certaines décisions prises, a-t-il ainsi révélé mi-septembre. Il m'est arrivé de me dire qu'il fallait remplacer mon gardien après 60 ou 85 minutes, mais je n'ai pas su le faire."
Et Arteta de développer : "Je n'ai pas eu le courage de le faire en réalité. J'ai déjà été capable de sortir un ailier ou un attaquant pour ajouter un défenseur central pour tenir un résultat. Alors dites-moi pourquoi ça ne serait pas possible avec les gardiens. Pourquoi pas ?". On a posé la question à Christophe Revel, entraîneur des gardiens à Brest, passé par Rennes, Lorient, Lyon et Lille. Au premier abord, il dit "chiche".
"Je ne suis pas contre, ça enrichit notre travail et celui de nos gardiens. Mieux vaut savoir faire plein de choses que l'inverse, sourit-il. Mais j'attends de voir. Entre penser à le faire et le faire, ce n'est pas la même chose. J'attends de voir s'il va vraiment utiliser une de ses sessions de remplacement pour faire rentrer un gardien plutôt qu'un joueur de champ".
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Mikel Arteta et Aaron Ramsdale

Crédit: AFP

Différence d'échauffement et risque de tout perdre

Comme Arteta, il a déjà envisagé cette possibilité. Mais uniquement dans des cas d'urgence, pas forcément pour du coaching institutionnalisé. "Ça m'est arrivé une fois, quand j'ai vu que mon gardien titulaire était en vrac à la mi-temps, retrace-t-il. Le match se passe mal, le public l'a pris en grippe et on lisait dans ses yeux qu'il n'était pas bien. Mais quand j'ai fait part de ça au coach, on m'a dit 'mais on va le tuer !'. Ce n'est tellement pas habituel qu'il faut savoir très bien l'amener".
A ses yeux, les limites sont d'abord organisationnelles. "Il y a énormément de problématiques à anticiper, explique-t-il. L’échauffement d'un gardien de but n'est pas celui d'un joueur. Le temps de préparation, la prise de repères aériens, au sol… C'est impossible d'avoir ça dans un échauffement classique. Quand on fait entrer un gardien sans échauffement, c'est qu'on est dans une situation critique. Ce n'est pas toujours source de réussite d'ailleurs". D’ailleurs, partout en Europe, ce sont les gardiens qui foulent la pelouse en premier, avant que les joueurs de champ ne viennent bien plus tard se mettre en action.
Et si certains ont lancé la mode des remplacements juste avant les séances de tirs au but, l'exercice n'a pas grand-chose à voir cette fois-ci : "C'est une phase spécifique, où la notion d'échauffement est un peu moins importante. Il n'y a pas de sprint, seulement du plongeon latéral, ça peut se préparer en amont mais ce n'est pas un match." L'autre limite est encore plus terre à terre : que se passera-t-il si d'aventure l'entrant venait à se blesser ? Le risque de tout perdre et que le coaching se retourne complètement contre son équipe existe.
Pour Arteta, une partie de la réponse pourrait se trouver dans le profil si particulier de David Raya. L'Espagnol, réclamé par Iñaki Caña, coach des gardiens d'Arsenal, dispose d'un jeu long d'exception, laissant échapper cette réflexion à Jürgen Klopp alors que le portier officiait à Brentford : "Il pourrait porter le numéro 10". Si d'aventure les Gunners venaient à être menés à quelques encablures du terme d'un match et que le ballon devait être envoyé à coup sûr dans la boite adverse, il pourrait être l'homme de la situation.
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David Raya (Arsenal) avant un dégagement long

Crédit: Getty Images

"Ça nuit aux deux plutôt que de faire performer les deux"

Pour le reste, les habituels débats sur la gestion de deux gardiens numéro un seraient encore renforcés par ce coaching inattendu. "Vous n'avez qu'à voir les réactions des joueurs quand ils sortent : ça ne fait jamais plaisir ! Publiquement, ça induit l'idée : 'Je sors car je n'ai pas été performant', résume Christophe Revel. Donc il faut gérer ça dans le vestiaire et les ego. Et c'est encore plus marqué avec les gardiens puisque toutes ses actions sont beaucoup plus remarquées. Un arrêt ou une erreur ont beaucoup plus d'impact sur un match qu'une passe trop longue ou un dribble raté. Quant à celui qui rentre, il faut qu'il soit en mesure d'intervenir deux minutes après sur une frappe, sur un écran, sur un sprint à haute intensité pour couvrir la profondeur…"
Autrement dit, "ça nuit aux deux plutôt que de faire performer les deux". Alors, l'idée d'Arteta va-t-elle trop loin ? A-t-elle un avenir alors que le poste a déjà subi à des révolutions réelles depuis près de 30 ans ? Elle ne peut, en l'état, être testée par n'importe qui. Tout le monde n'a pas la chance de disposer d'une telle doublette. Mais l'essentiel est encore ailleurs.
A force de jouer aux apprentis sorciers sur un poste qui réclame tout l'inverse, on en oublierait presque toutes les avancées récentes. "Aujourd'hui, les gardiens de buts sont plus riches qu'il y a 30 ans dans la réflexion tactique, dans la maitrise technique, dans la capacité physique d'intervention parce que les règles ont évolué vers ça, conclue Revel. Mais il faut en être conscient, se rendre compte que les gardiens de but ont des responsabilités beaucoup plus variées que les joueurs de champ qui se ‘limitent’ à l'utilisation du pied. Il ne faut pas perdre ça de vue, on leur en demande déjà beaucoup et que demander encore plus, ça peut faire trop chez certains. Il n'y a pas que des Superman." Et pas que des super idées donc.
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