Ligue des champions 2025 | Le Paris Saint-Germain champion d'Europe après 14 ans sous l'ère QSI : Nasser imperator

We are the Champions. Dans le couplet de l'hymne de Queen, le refrain rappelle que leur aboutissement victorieux n'avait pas été "un lit de roses, ni une croisière de plaisir". C'est en empruntant un même parcours éprouvant que Nasser al-Khelaïfi et son PSG sont parvenus triomphalement au sommet…

Pour Paris, est-ce le début d'une dynastie ?

Video credit: Eurosport

Par Chérif Ghemmour
Deux mots espagnols pourraient résumer la destinée hors du commun de Nasser al-Khelaïfi : remontada et manita. En mars 2017, le 1-6 contre le Barça lui avait fait connaître la pire humiliation de l'histoire des coupes d'Europe pour un président de club. Mais le 31 mai 2025, le 5-0 inouï face à l'Inter a inscrit son PSG au firmament des finales victorieuses de la C1. Deux matchs extrêmes vécus avec un même coach, Luis Enrique, bourreau des Parisiens au Camp Nou puis héros à Munich, l'homme de la première C1… Incroyable ! Soudainement rajeuni de 20 ans, samedi soir à l'Allianz Arena, c'est en pleurs, le lendemain sur les Champs Élysées, que Nasser al-Khelaïfi, 51 ans, a évoqué, Coupe aux grandes oreilles dans les mains, le triomphe des siens au micro de TF1. Des larmes sincères. Car le bonhomme revient de loin. De très loin…
Quand le puissant Émir qatari, Tamim ben Hamad, de la famille princière Al Thani, le propulse à la tête du PSG, la mission est énorme. Nasser est désormais devenu à l'été 2011 un des chefs de projet d'une politique diplomatico-sportive ambitieuse qui doit faire du petit Qatar un acteur de poids dans les relations internationales. Il s'agira de médiatiser la Coupe du monde 2022 qui se déroulera dans l'émirat à travers la vitrine du PSG, appelé à devenir grand club mondial, mais aussi à travers le lancement de BeIN Sports France en 2012, une des filiales du futur consortium BeIN Sports Arabia crée en 2014. Nasser coiffera les deux casquettes de président de club et de DG de cette chaîne TV…

Plus de 2 milliards d'euros en transferts

C'est donc à un homme jeune de seulement 38 ans, tennisman accompli mais novice en football, doté d'une personnalité un peu falote, que cette mission écrasante de la diplomatie par le sport avait été confiée ! Pour que le PSG puisse "rêver plus grand", Nasser disposera de moyens financiers considérables mis à sa disposition par QSI (Qatar Sport Investments), le nouvel actionnaire majoritaire du club de la capitale. L'objectif Ligue des champions est estimé à 5 ans, voire à 7. La quête prendra en fait 14 ans et avait déjà coûté 2,138 milliards d'euros en transferts, selon Top Mercato du 21 octobre 2024. Avant la venue de Kvaratskhelia pour 70 millions en février dernier…
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Khvicha Kvaratskhelia a inscrit le but du 4-0 pour le PSG, lauréat de la finale de la C1 face à l'Inter (5-0)

Crédit: Getty Images

Pendant 14 ans, Nasser aura vécu avec l'énorme pression exercée par le Prince de Doha, furieusement envieux du Chelsea d'Abramovitch et du Manchester City d'Abou Dabi, eux aussi nantis d'investisseurs richissimes mais qui, eux, avaient fini par décrocher leur première C1 respectivement en 2012 et en 2023. Par quels moments difficiles a dû passer Nasser au soir de la remontada ? Comment a-t-il traversé aussi les graves moments de l'embargo du Qatar de 2017 à 2021 par l'Arabie saoudite et d'autres Emirats puis les menaces de boycott du Mondial 2022 qui, ensemble, avaient failli porter un coup fatal au gigantesque projet diplomatico-sportif du petit Qatar ?

Lobbying payant

À la tête du PSG QSI, Nasser al-Khelaïfi a dû aussi surmonter le tir de barrage des grands clubs européens. Ces seigneuries pourtant tout aussi dispendieuses n'avaient pas vu d'un bon œil l'arrivée de ce PSG ambitieux, ravalé au rang de "nouveau riche". Suite aux transferts, certes pharaoniques de Neymar et Mbappé à l'été 2017, l'UEFA avait ouvert une enquête sur le PSG dans le cadre du fair-play financier. "Il y a une pointe de jalousie, je pense. Dans la cour des grands, on a du mal à accepter, sans doute, un petit nouveau", avait fort justement déclaré Noël Le Graët, alors président de la FFF dans L’Équipe…
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De droite à gauche : Philippe Diallo, président de la FFF, Vincent Labrune, président de la LFP, Nasser Al-Khelaïfi, président du PSG et de Bein Media Group à l'Elysée, le 6 mai 2024

Crédit: Getty Images

Mais "NAK" saura tirer les leçons de l'ostracisme de cette caste. Ayant compris le poids du lobbying au plus haut niveau face aux grandes seigneuries continentales, il se fera élire (en 2021) et réélire (en 2025) président de la puissante Association Européenne des Clubs (ECA), cumulant de surcroît les fonctions de membre du conseil d'administration de la LFP et siégeant au comité exécutif de l'UEFA. Entre temps, il aura eu le nez creux en nommant Jean-Claude Blanc directeur général délégué du club (2011-2023), chef d'un projet marketing mondialisée qui a fait du PSG une marque commerciale de plus en plus prospère à l'international, avec une visibilité encore plus conséquente suite à la victoire de la C1 2025.

Ancelotti, Tuchel, Thiago Silva partis en catimini

Toujours à l'international, sous sa présidence, le club francilien a élargi sa galaxie en rachetant 27% des parts de Braga, avant sûrement d'acquérir Malaga. Mais son véritable coup de maître, Nasser l'a acté en avril 2021 en s'opposant au projet de Super Ligue Européenne, devenant le chevalier blanc d'un foot populaire. Bien joué ! Même si ce coup d'éclat peut porter à sourire quand on sait que NAK a été le promoteur zélé de la Coupe du monde des clubs, une compète de super riches qui surcharge le calendrier…
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Carlo Ancelotti, Jean-Claude Blanc et Nasser Al-Khelaifi (PSG), le 29 décembre 2012 à Doha

Crédit: Getty Images

La chanson de Queen, We are the champions, qui confessait en ces mots "And bad mistakes, I've made a few" ("Et des erreurs sérieuses, j'en ai commises") rappelleront les parts d'ombre et les fiascos de la présidence Al Khelaïfi. Le départ volontaire d'Ancelotti après une défaite sans soutien à Reims en mars 2013 et le licenciement brutal de Thomas Tuchel en décembre 2020 : dans la foulée de leur départ, Ancelotti et Tuchel avaient gagné la Ligue des champions, avec le Real pour Carlo et avec Chelsea pour Thomas ! Les adieux sans les honneurs de Thiago Silva avait fait passer le PSG pour un club qui ne respecte pas ses plus fidèles serviteurs.

Le dossier Mbappé pas encore soldé

Le projet de délocalisation du Parc des Princes en lointaine banlieue ébranle toujours la conscience du noyau hardcore des supporters parisiens. La double "Affaire Mbappé" a aussi jeté un voile noir sur les pratiques troubles de la gouvernance nassérienne. Kylian avait été la cible d'une "armée numérique" de trolls qui auraient été recrutés par le PSG pour le discréditer sur les réseaux sociaux selon Mediapart en 2022. Il y a aussi ce refus de lui régler les 55 millions d'euros de salaires et de primes qu'il réclame en justice désormais : des représailles déguisées à l'encontre du Bondynois pour avoir refusé de prolonger au PSG pour la saison 2024-2025 ? Et puis le désastre financier des droits TV de 2025 et ses accointances avec Vincent Labrune ont concentré récemment sur lui les accusations de conflits d'intérêts soulevées par John Textor et par les sénateurs dans un rapport sur la financiarisation du football. "Nasser, tu tyrannises tout le monde !", l'avait apostrophé le président de l'OL dans une vidéo de la réunion tumultueuse pour l'attribution des droits TV, le 14 juillet 2024...
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Vincent Labrune et Nasser Al Khelaifi à Barcelone, en avril 2024.

Crédit: Getty Images


Dimanche 1er juin, au micro de RFI, Nasser a rendu hommage à son ami Vincent qui l'avait défendu dans L'Équipe en novembre dernier : "Les investissements du Qatar et les résultats du PSG ont porté à bout de bras le football français ces dernières années. Sans eux, jamais nous n'aurions eu la chance de voir chez nous des stars planétaires telles que Zlatan, Beckham, Neymar ou Messi... Jamais Mbappé ne serait resté cinq années de plus en L1. Et sans les performances européennes du PSG, nous aurions perdu depuis longtemps notre cinquième place UEFA qui nous permet aujourd'hui d'avoir quatre clubs qualifiés en Ligue des champions."

Nasser a "fait fermer des bouches" !

Co-accusé avec son ami Labrune du fiasco des droits TV, Nasser apparaît paradoxalement aujourd'hui comme un sauveur d'une Ligue 1 championne d'Europe, et donc nettement réévaluée. Grâce à son PSG, la L1 n'est plus exactement la "Farmer's League". Autre revanche à distance pour le président qatari, son PSG a gagné la C1 sans Kylian Mbappé, pile l'année de son départ au Real Madrid, le club de Florentino Pérez, un de ses ennemis qui l'avait dédaigné dans le passé. Pour reprendre l'argot rap francilien de ses joueurs, Nasser a "fait fermer des bouches" !
Il a surtout abandonné la politique de super stars surpayées à prix d'or pour une politique de jeunes talents dénichés par le génial Luis Campos qu'il a opportunément prolongé fin mai. Nasser aura aussi accordé sa confiance à Luis Enrique, le soutenant lorsqu'il était en danger à l'automne 2024 et le prolongeant en février dernier. Même si tardivement, ce roturier fils de pêcheur de perles s'est hissé à la hauteur d'un Bernard Tapie francilien. Il aura rempli sa triple mission assignée par les princes de Doha : contribuer à la réussite du Mondial 2022, assurer la pérennité de BeIn… et remporter avec le PSG la Coupe aux grandes oreilles !
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