Ligue des champions - Mikel Merino, décisif face au Real Madrid, symbole d'Arsenal

Arsenal peut compter sur Mikel Merino. Le milieu de terrain espagnol, mué en offensif et même en avant-centre à la vue des circonstances, a signé un but et deux passes décisives sur la double confrontation face au Real Madrid (5-1 en cumulé). A la surprise totale, le joueur de 28 ans se réinvente et porte le symbole d'une équipe guidée par le collectif et le dépassement de soi.

Mikel Merino face au Real Madrid le 16 avril.

Crédit: Getty Images

Platon l'avait dit dans le Livre II de sa République: "la nécessité est mère de l'invention". Lorsque Kai Havertz, lui-même un hybride de 8 et de 10 propulsé à la tête de l'attaque d'Arsenal par le jeu des circonstances, s'était blessé lors du camp d'entraînement des Gunners à Dubai à la mi-février, on s'était dit que, vu l'indisponibilité à long terme de Gabriel Jesus et, celle, temporaire, de Gabriel Martinelli, Mikel Arteta se tournerait vers Léandro Trossard pour suppléer l'attaquant allemand. Raheem Sterling, que Pep Guardiola aligna parfois en pointe du temps de sa splendeur, était une autre possibilité, mais sa forme fluctuante (restons polis) n'en faisait pas un candidat des plus crédibles.
De plus, le rôle de numéro 9, certes plutôt faux que vrai, n'était pas complètement étranger à l'ailier belge, qui avait déjà évolué dans l'axe à plusieurs reprises cette saison. Dans un rôle de soutien, oui, et sans grand succès, peut-être, mais, comme disent les Anglais, "needs must" - "la nécessité fait loi". C'est donc Trossard que l'on retrouva en pointe lors du déplacement des Gunners à Leicester le 15 février.
Le score était toujours de 0-0 à la 69ème minute d'un match qu'Arsenal se devait de gagner. Seule une victoire leur permettrait de conserver quelque espoir que ce soit de demeurer dans le sillage d'un Liverpool tout près de disparaître à l'horizon. C'est alors que Mikel Arteta décida de se tourner vers son milieu de terrain espagnol. Trossard glissa sur le flanc gauche. Merino se plaça dans l'axe tout au haut de l'attaque, une position qu'il n'avait pas occupée depuis qu'il jouait pour les pupilles du C.D. Amigo dans sa Navarre natale.

Un destin découvert dans un article de journal

Et depuis... vous savez ce qu'il s'est passé. Les deux buts de la victoire d'Arsenal à Leicester, auxquels il en ajouta deux autres contre Chelsea et Fulham en Premier League; plus un contre le PSV Eindhoven en huitièmes de Ligue des Champions; plus celui du 3-0 lors du chef d'oeuvre des Gunners lors de leur quart de finale aller contre le supposé ogre madrilène. Des buts de belle facture, d'ailleurs, de la tête, du gauche et du droit, qui témoignaient de la qualité du bagage technique de l'intéressé.
Pour Merino, la surprise fut totale. Il n'avait appris qu'Arteta songeait faire de lui un avant-centre que par hasard, lorsqu'il était tombé sur article de journal qui évoquait cette possibilité. Ce fut aussi une surprise pour les supporters de Newcastle, pour lesquels le Pamplonais avait inscrit en tout et pour tout un but en vingt-cinq apparitions sous le maillot noir et blanc, il y a huit ans de cela. Et voilà qu'il a inscrit davantage de buts pour son club depuis la blessure de Kai Havertz, toutes compétitions confondues, que Harry Kane, Raphinha et Lautaro Martinez pour les leurs.

la réussite d'une certaine vision du football

Le mérite du succès de cette réinvention revient à l'un comme à l'autre Mikel. Le premier a su penser "hors du cadre", ce qu'on n'imaginait pas forcément être son fort, lui, l'homme de système; le second a tout fait pour que le coup de dés de son manager lui donne un double six. L'adéquation entre les désirs de l'un et les efforts de l'autre a valeur de symbole pour Arsenal, une équipe que son manager bâtit sur des valeurs qui, mine de rien, sont en train de revenir à la mode, car ces vertus sont aussi celles de l'Inter, de Barcelone et, désormais, du Paris Saint-Germain, ce dont on ne se plaindra pas. Abnégation. Sens du sacrifice. Versatilité. Générosité dans l'effort. Primauté absolue du collectif.
Dans les faits, cela veut dire qu'un joueur recruté l'été dernier pour apporter une solution supplémentaire dans la salle des machines d'Arsenal s'est retrouvé bombardé avant-centre et s'est épanoui dans un rôle de composition. Cela veut dire qu'un milieu de terrain de formation, Myles Lewis-Skelly, a crevé l'écran au poste d'arrière-gauche, et que même Léo Trossard, réputé avoir son caractère, a figuré sur toute la largeur du front de l'attaque des Londoniens sans exprimer trop d'états d'âme.
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Merino, Timber et Saliba au duel avec Courtois.

Crédit: Getty Images

Cela veut dire que les joueurs d'Arsenal ont couvert 21,2 kilomètres de plus que ceux du Real Madrid sur les deux confrontations de ce quart de finale et que personne n'était surpris de voir Gabriel Martinelli se ruer vers le but de Thibaut Courtois dans le temps additionnel comme si sa vie en dépendait. Jude Bellingham, qui n'est pas sorti grandi de ce match ou du précédent, avait quant à lui coupé son effort dès le début du contre des Gunners. Pas Mikel Merino, dans la peau d'un 10, cette fois, qui délivra la passe parfaite dans la course de son coéquipier brésilien.
Que Mikel Arteta soit parvenu à faire partager cet état d'esprit à un groupe perturbé par les blessures tout au long de la saison en dit long sur les qualités morales de chacun des membres de son effectif. De Declan Rice, une nouvelle fois magistral dans une double mission de créateur et de destructeur, à l'admirable Jakob Kiwior, censé être le maillon faible d'une défense privée de son talisman Gabriel, tous ont contresigné le projet de leur manager. Pour Mikel Merino, cela a signifié accepter une responsabilité à laquelle rien ne l'avait préparé, de le faire en souriant, de plus.
"Ce club va accomplir des choses à part dans les prochaines années", dit Rice sur TNT Sports à la conclusion de la victoire de mercredi. "Nous en sommes tous convaincus. Nous avons tous une confiance totale en ce manager. Il est incroyable". Mikel Merino aussi.
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