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Irrésistible, insubmersible, mystique : d’où vient cet ADN du FC Séville en Europe ?

Antoine Donnarieix

Mis à jour 31/05/2023 à 19:01 GMT+2

Qualifié pour une septième finale de C3 dans son histoire et déjà détenteur de six trophées dans cette compétition, le FC Séville continue de bâtir sa légende sur le Vieux Continent. Contre l’AS Rome à Budapest, les Palanganas souhaitent étendre leur domination et prouver que l’ADN de la Ligue Europa coule toujours dans leurs veines. Décryptage d’un phénomène paranormal.

Séville revient de loin : "En début de saison, on se dit que ça va filer vers la D2"

Dans l’histoire d’un club de football, un match peut marquer le début d’un règne continental. Le 15 septembre 2005, le FC Séville accueille le 1. FSV Mayence 05 pour jouer le tour préliminaire de la coupe UEFA dans son antre du Sánchez-Pizjuán. Juste avant la rencontre, Juande Ramos va serrer les mains du corps arbitral puis de l’entraîneur adverse, un certain Jürgen Klopp. "C’était un entraîneur qui faisait ses gammes dans le championnat allemand, il ne connaissait pas encore l’exigence d’une grande équipe européenne, se souvient le tacticien sévillan pour le magazine So Foot Club. De notre côté, l’objectif était d’aller le plus loin possible pour nos supporters."
Si l’homme de 68 ans apparaît aussi peu ambitieux, c’est qu’il considérait presque inconcevable à cet instant que Séville, sevré de trophée depuis 1946 et son unique titre de champion d’Espagne, puisse remporter la compétition. Et pourtant…

L’âme de Puerta

À cette période, la Ligue Europa n’existe pas encore sous cette appellation et d’autres clubs font office de tauliers. Le FC Barcelone, vainqueur en 1958, 1960 et 1966, partage le statut d’équipe la plus titrée dans la compétition avec la Juventus (1977, 1990, 1993), l’Inter (1991, 1994, 1998), Liverpool (1973, 1976, 2001) et le FC Valence (1962, 1963, 2004). Depuis presque un demi-siècle, la concurrence est rude entre ces équipes chevronnées. Mais en l’espace de quinze éditions, le FC Séville va mettre tout le monde d’accord avec six trophées dans l’escarcelle.
Il y a d’abord cette édition 2005-2006 inoubliable, la première campagne victorieuse pour les Andalous après une démonstration en finale contre Middlesbrough à Eindhoven (4-0). Cela dit, le point d’orgue de cette campagne et probablement de tous les succès suivants pour le FC Séville, c’est la demi-finale remportée contre Schalke 04 (0-0, 1-0). L’unique buteur de cette double confrontation se nomme Antonio Puerta, au bout d’une prolongation crispante au Sánchez-Pizjuán, sur une passe décisive de Jesús Navas.
Aujourd’hui encore, le nom Puerta fait office de talisman pour les Sévillans. Tragiquement décédé à la suite d’un arrêt cardiaque en août 2007, l’arrière gauche formé au club a laissé un immense héritage spirituel à ses coéquipiers. En pleurs, Jesús Navas ou Juande Ramos ont soulevé le cercueil de leur ancien compagnon lors de ses funérailles. Habité par celui qu’il considérait comme son frère au centre de formation, Navas porte le numéro 16, ancienne propriété de Puerta, depuis son retour à Séville en 2017.
"Antonio, c’était un mec qui faisait tout avec le cœur, témoigne le footballeur aux yeux bleu saphir pour La Sexta en 2019. Son départ a été difficile à vivre pour tout le monde, il a fallu le surmonter avec des efforts et le désir d’aller de l’avant. Il dégageait une joie énorme, et nous cherchons à nous en servir chaque fois que nous jouons au football." À 37 ans, le champion du monde 2010, également footballeur le plus capé de l’histoire du FC Séville, n’a toujours pas annoncé sa retraite et défie les lois de la physique pour mener en leader charismatique cette équipe façonnée pour l’Europe.
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"Il n'y avait que Mourinho pour ramener la Roma en finale de C3"

Palop et Mbia, apôtres de la lutte

Dans sa longue histoire débutée en 1880, le FC Séville voit son équipe se former sous l’impulsion d’un groupe de fils d’anciens immigrants anglais. Mais ce n’est finalement qu’un siècle plus tard, en 1983 exactement, que le premier hymne du club est officialisé. Il est composé par Manuel Osquiguilea et écrit par son frère Ángel Luís, tous les deux fervents adeptes du sevillismo. Les premières paroles sont les suivantes : "¡Sevilla, Sevilla, Sevilla, el equipo de la casta y el coraje...!" En français, cela donne l’équipe de la classe et du courage. Ces deux dénominateurs, inscrits en lettres blanches dans la tribune présidentielle du Sánchez-Pizjuán, représentent à merveille l’état d’esprit d’une équipe prête à lutter avec l’art et la manière jusqu’à la dernière seconde. Au fur et à mesure de ses épopées européennes victorieuses en C3, le FC Séville est toujours parvenu à se hisser en finale au terme de scénarios rocambolesques.
En 2006-2007, Séville a cru perdre son titre lors d’un huitième de finale contre le Shakhtar Donetsk. C’était sans compter sur un corner au bout du temps additionnel et une tête victorieuse d'… Andrés Palop, son gardien de but. Lors de la prolongation sur les terres ukrainiennes, les hommes de Juande Ramos s’étaient finalement imposés (2-2, 3-2). "Ce but, c’est un miracle, racontait l’intéressé pour So Foot en 2016. Je ne l’avais jamais vu faire une tête à l’entraînement !". En 2013-2014, Séville était sur le point de céder en demi-finale retour contre le FC Valence à Mestalla, avec un score de 3-0 en sa défaveur après avoir remporté le match aller 2-0… Mais une fois encore, les Sévillans ont inscrit un but à la toute dernière seconde du match grâce à Stéphane Mbia (3-1). De quoi profiter de la règle du but à l’extérieur et se hisser en finale à Turin pour aller vaincre Benfica dans l’épreuve des tirs au but (0-0, 4-2 tab).
Séville, c’est une ville de passion
Insatiable, le FC Séville a concédé l’ouverture du score lors de ses trois dernières finales de Ligue Europa. Et tour à tour, le FK Dnipro en 2015 (3-2), Liverpool en 2016 (3-1) et l’Inter en 2020 (3-2) ont dû s’avouer vaincu au coup de sifflet final. D’où cette question : le roi de la C3 est-il progressivement entré dans la tête de ses adversaires pour se faciliter la victoire ? Même la devise du club, "Dicen que nunca se rinde" ("Ils disent qu’il n’abandonne jamais", en VF) semble aller dans ce sens. En réalité, la clé de la réussite sévillane en Europe provient, au-delà de sa dimension irrationnelle, de l’excellent travail de recrutement initié par le directeur sportif Monchi depuis 2000, mais aussi de l’atmosphère générée par la capitale andalouse.
"Séville, c'est une ville de passion, détaille Julien Escudé, ancien défenseur central du FC Séville entre 2006 et 2012, pour l’AFP. Les Sévillans ont foi dans la religion, dans la famille, dans le football... Et c'est porteur. Quand tu arrives au stade Sánchez-Pizjuán, il y a une vitrine avec les six Ligues Europa. Il y a des images des sacres qui passent. Au centre d'entraînement, il y a des dessins, pareil. Tu ressens ce poids." Récemment de retour dans la cellule de recrutement du club afin d’observer les joueurs prêtés par le FC Séville en Europe, Escudé garde encore des souvenirs marquants de la préparation des matchs décisifs à domicile, là où des grosses cylindrées européennes comme Manchester United (3-0) et la Juventus (2-1) ont connu l’élimination cette saison.
"Quand tu pénètres dans le couloir des vestiaires, que tu entends les gens chanter l'hymne, debout, que tu montes sur la pelouse et que tu vois tous les tifos... Tu te dis : ‘là, on ne peut pas perdre. On va le faire !’". En finale de C3 pour la septième fois contre l’AS Rome à Budapest, Séville sera en terrain neutre. Mais que la finale soit organisée à Eindhoven, Glasgow, Turin, Varsovie, Bâle ou Cologne, Séville s’est toujours montrée souveraine en Europe pour y soulever le précieux trophée. Reste maintenant à savoir si le chiffre 7 portera chance à ce club porté par des forces surnaturelles…
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