Finale Manchester United - Tottenham : Quel bilan pour la première saison de Leny Yoro à Old Trafford ?

Old Trafford a peur. Nous sommes le 17 avril dernier. Quart de finale retour de Ligue Europa. Après le 2-2 à l'aller dans le Rhône, Manchester United mène 2-1 face à l'OL. 75e minute : les Lyonnais ont réduit la marque il y a à peine 250 secondes quand Malick Fofana débarque comme il sait bien le faire sur la gauche de la surface.

Face à lui, Leny Yoro, auteur de son premier but pour MU à l'aller, est mystifié d'un dribble du jeune belge. Yoro perd l'équilibre, mais, à terre, il se décale très vite pour suivre le mouvement de Fofana jusqu'à s'allonger complètement lorsque le numéro 11 lyonnais arme sa frappe. Pour dévier ce tir puissant dans un plongeon en mode sacrifice assez dingue. Lyon recollera, mais les Red Devils prendront leur ticket pour la suite de cette C3 au bout d'un scénario et d'une prolongation complètement déjantés (5-4).

Mais au moment de ce geste, plusieurs personnes du clan Yoro ont retenu leur souffle et ont même été au bord des larmes dans les travées du Théâtre des rêves. Et pour cause, un mois et demi plus tôt, Yoro avait été victime d'une commotion cérébrale. La peur de le voir se jeter vaillamment et prendre ce ballon à pleine vitesse dans la tête pouvaient légitimement nourrir des craintes. Yoro s'est relevé, sans problème.

Ce sauvetage a fait le tour du monde et a forcément marqué les supporters de Manchester United, qui espèrent voir Leny Yoro et les siens soulever la Ligue Europa ce soir dans un duel 100% anglais face à Tottenham (21 heures, à Bilbao). La seconde C3 du palmarès d'United, après celle de 2017, serait un petit miracle au coeur d'une des saisons les plus pénibles de son histoire. Cette cataclysmique 16e place en Premier League (juste devant... Tottenham). Le renvoi d'Erik Ten Hag et l'intronisation d'un Ruben Amorim qui n'a pas su ramener sérénité et stabilité sur la durée. Ainsi, quand vous vous appelez Leny Yoro, que vous avez à peine 19 ans et que vous devez assumer un transfert à 60 millions d'euros... On a vu meilleur contexte pour être serein dans une première saison dans une telle institution que celle de Manchester United.

Si on rembobine, tout avait encore plus mal commencé. Neuf jours seulement après sa signature officielle, Leny Yoro se blessait aux Etats-Unis en match de pré-saison face à Arsenal. Verdict : fracture du métatarse, et quatre mois d'arrêt ! Sa première grosse blessure de sa jeune carrière. La douche froide pour tout Manchester. Son transfert (le 11e le plus cher de l'histoire du club) avait évidemment suscité beaucoup d'enthousiasme. Surtout au terme d'un feuilleton où les Red Devils avaient réussi à avoir le dernier mot face au Real Madrid qui semblait favori, au départ.

"Outre-Manche, ils disent que c'est inespéré de l'avoir récupéré, promet un proche du joueur. Il est vu comme le meilleur défenseur central en devenir. Lorsqu'il a le ballon, il fait des choses que personne ne fait. Manchester, ça a été son choix à lui. Il en est extrêmement content. Oui, c'est une équipe en reconstruction, mais il voulait être titulaire." Man United a notamment réussi à convaincre Yoro par la place dans l'effectif et le temps de jeu. Avec l'aide de Rio Ferdinand : "J’étais vraiment impressionné de discuter avec lui, avouait Yoro à son arrivée. Quand j’étais plus jeune, Rio était l’un des meilleurs défenseurs du monde. On a échangé sur Manchester United pendant dix minutes, surtout du club et de ce qu’il représente."

Un temps de jeu rapidement bloqué donc. Mais c'est à croire que ce gros pépin a presque été bénéfique dans l'adaptation de Leny Yoro à cette nouvelle vie, ce nouveau club, ce nouveau statut, cette nouvelle langue... Un premier break forcé d'une grande ascension avec le LOSC, depuis ce soir de mai 2022, quand il débutait sa carrière chez les pros, à Nice, à 16 ans et six mois, faisant mieux qu'Eden Hazard en termes de précocité. Une évolution progressive, jusqu'à être élu dans l'équipe type de la saison de Ligue 1 2023/24. Et donc ce passage dans le grande monde de la Premier League.

Sa blessure le frustre, bien sûr, mais accélère son acclimatation hors terrain. Histoire par exemple de se rendre compte de son changement de dimension rien que sur les réseaux sociaux. Yoro le Lillois, c'était 100 000 abonnés sur Instagram. Il culmine aujourd'hui à 1 million. Chef cuisinier, kiné personnel, son chien Dougie toujours prêt à lui sauter dessus quand il rentre à la maison : Yoro mène une vie de jeune sportif au calme face à toute la surmédiatisation dont il fait l'objet.

Si Arsenal avait été son premier coup d'arrêt comme joueur de Manchester, c'est face aux Gunners que Yoro effectue ses premières minutes en Premier League, remplaçant Harry Maguire à l'heure de jeu (défaite 0-2, le 4 décembre 2024 à l'Emirates). Quelques jours avant ses grands débuts, Ruben Amorim parlait de son diamant comme d'"un talent spécial. Un défenseur très rapide et moderne, excellent pour presser haut." L'adaptation demande du temps. Tout n'est pas parfait, sans non plus être à jeter aux oubliettes. Mais c'est indéniable, avec sa prestance, et certains gestes qui attirent l'oeil, l'ancien Lillois a toute sa place pour s'imposer dans cette Premier League et dans les coeurs Red Devils.

"C'est une nouvelle vie, disait Yoro à TF1. Quand tu vois l'atmosphère, les supporters, la ville... C'est une ville de football, les gens ne vivent que pour ça." Dans le podcast de Rio Ferdinand, légende mancunienne, Leny Yoro évoquait également son entraîneur, auprès de qui il a dû apprendre les principes et la méthode suite au départ de Ten Hag. "Aux entraînements, c'est vraiment difficile, analysait Yoro, au sujet d'Amorim. Mais c'est important. Si tu es paresseux, si tu ne travailles pas, il te détruira."

Dans le marasme mancunien (cinq victoires en Premier League depuis les débuts de Yoro en décembre), le natif du Val-de-Marne n'a franchement pas été gâté par les problèmes physiques. C'est encore face à Arsenal (décidément), début mars, que Yoro se blesse, cette fois à la cheville, ratant environ un mois de compétition. Et si la montée en puissance se faisait sentir en février, le Lillois progresse depuis à toute vitesse.

C'est indéniable. La régularité est de plus en plus là et le parcours en Ligue Europa donne un vrai coup de boost à tout Manchester. Avec, donc, d'abord cette double confrontation folle face à l'OL. Avant que Yoro ne joue les patrons face à Bilbao en demies. Et un Ruben Amorim de plus en plus fan de son poulain. "C'est un joueur de très haut niveau, disait-il après l'aller au Groupama Stadium. Croyez-moi, il est vraiment bon. Nous constatons tout le travail fait par le staff avec lui. Il se sent chez lui à Manchester."

Sa nouvelle notoriété, lui dont les performances sont désormais en permanence scrutées, ne lui épargne évidemment pas les critiques, et notamment des glorieux anciens. Peu habitué à tirer sur de jeunes compatriotes, Thierry Henry n'a pas été tendre avec Yoro après la lourde défaite de Manchester United à Newcastle le 13 avril (1-4). "Je ne sais pas ce qu'il regarde, a asséné Henry en décryptant le troisième but des Magpies où Yoro aurait pu s'interposer. Est-ce qu’il regarde l’arbitre de touche pour voir s’il va le tirer d’affaires ? Qu’est-ce qu’il regarde ? Je n’avais jamais vu ça avant. Leny Yoro ne revient pas pour essayer de défendre. Les joueurs de United ne sont juste pas assez bons."

Légèrement touché récemment, Leny Yoro va tenir sa place ce mercredi face à Tottenham. Pour remporter un premier trophée dans sa carrière, et avec Manchester United. Un sacre qui serait synonyme de Ligue des Champions la saison prochaine, étape majeure et rapidement nécessaire dans l'ascension de Yoro.

Et qui sait, s'il plane devant les Spurs, peut-être pourrait-il apparaître sur la liste de Didier Deschamps ? Le sélectionneur va dévoiler les noms des joueurs de l'équipe de France amenés à disputer le dernier carré de la Ligue des Nations (demi-finale le 5 juin face à l'Espagne de Lamine Yamal). "L'équipe de France, il n'en est pas loin, conclut ce proche de Yoro. Quand je regarde le premier rassemblement de la saison, avec, par exemple, un Loïc Badé et autres. Ils n'y sont jamais si Leny n'est pas blessé. Il peut amener quelque chose qu'il n'y a pas en équipe de France : un vrai relanceur." Reste que, si ce n'est pas en juin, il ne fait absolument aucun doute que, avec cette dynamique et ses qualités, sauf blessure, Leny Yoro portera le maillot bleu très, très bientôt.