Bleus - Comment l'équipe de France a pris la place de l'Allemagne dans le concert mondial

Une après-midi éprouvante à Rio. Ce 4 juillet 2014, le Maracana suffoque sous la chaleur écrasante d'un soleil de plomb. Quart de finale de Coupe du monde, France - Allemagne charrie tout un tas de mauvais souvenirs, les Bleus, revenus des tréfonds de Knysna, se sont offert l'affiche qu'ils attendaient. C'est une montagne de certitudes qui se dresse face à la nouvelle génération de Didier Deschamps. Et si on aperçoit au loin le Corcovado des tribunes de la soucoupe carioca, personne ne croit vraiment au miracle divin. Le match se déroule comme prévu. Des miettes pour la France, Hummels saute plus haut que tout le monde, notamment Raphaël Varane. Rideau. Comme à Séville en 1982, comme à Guadalajara en 1986 et comme toujours en somme.

Au fond, tout le monde est content. Les Bleus rentrent à Paris avec le sentiment du devoir accompli. Ils ont fait renaître le feu. L'Allemagne, elle, a bien d'autres considérations et s'en va conquérir fièrement sa quatrième étoile en bottant les fesses, au passage, à l'autre légende de ce sport, le Brésil (1-7). La grande Allemagne, la fière Allemagne, la puissante Allemagne : tout le monde s'incline face à la Mannschaft de Joachim Löw. Personne n'imagine alors qu'elle tombera violemment de son trône quatre ans plus tard et que la France, elle, la remplacera comme référence absolue en Europe.

Leurs affrontements dessinent d'ailleurs depuis cet après-midi de juillet à Rio leurs trajectoires croisées. Bourreaux historiques des Bleus, les quadruples champions du monde ne les ont plus vaincus depuis six rencontres, essuyant au passage quatre revers. La peur a assez nettement changé de camp. Le modèle n'est plus celui qu'on croit. En 2015, lorsque nous avions rencontré Didier Deschamps, le sélectionneur des Bleus n'avait d'yeux que pour la référence d'alors : "L’Allemagne, c’est huit ans de vie commune. Elle est passée par des demi-finales, une finale, pour enfin arriver à ses fins." Tout a changé depuis.

Le point de bascule date du 7 juillet 2016. Le climat était moins lourd qu'à Rio mais l'ambiance au Vélodrome nettement plus électrique. Ce soir-là, la meilleure équipe du monde est tombée face à la vague bleue et à l'ouragan Griezmann alors même que les Allemands avaient franchement dominé les débats. Ce qui passe alors pour un accident est en fait le crépuscule d'une immense nation. Depuis cette défaite, elle n'a plus gagné un match dans un tableau final de Coupe du monde ou d'Euro et fut éliminée dès les poules en Russie et au Qatar quand la France scotchait une deuxième étoile sur le maillot avant de perdre une deuxième finale de Coupe du monde quatre ans plus tard.

Les Bleus ont appris les leçons de leurs anciens maîtres. Ceux qui n'étaient que des promesses en 2014, les Varane, Pogba, Griezmann, ont accumulé de l'expérience dans les plus grands clubs du monde pour en devenir les références. Deschamps a construit, comme Löw avant lui, un noyau dur et épais d'incontournables. A la différence près que le sélectionneur français a su ouvrir son groupe à d'autres, rappelés ceux qu'on pensait condamnés pour redonner du souffle quand la situation le réclamait. Pour cela, il a pu s'appuyer sur un vivier qui n'a aucun équivalent dans le monde, ou alors peut-être au Brésil mais sûrement pas en Allemagne. Aujourd'hui, la force et la puissance des Bleus reposent aussi sur la profondeur et la variété des profils qui composent son groupe. Quand l'Allemagne, elle, se cherche des têtes qui dépassent.

L'Euro 2021 viendra confirmer cet état de fait. Sur ses terres, l'Allemagne se prend les Bleus dans le buffet. Ce soir-là, à Munich, la maîtrise des Bleus est effrayante, l'écart entre les deux nations se creuse irrémédiablement jusqu'à la caricature désormais. Finaliste du Mondial, la France affiche une réussite de 100% lors des éliminatoires à l'Euro alors que son ennemi de toujours, désormais 15e au classement FIFA, vient de changer d'entraîneur et se demande à quelle sauce il sera mangé en juin prochain. La France n'a jamais eu une telle avance sur son ancestral bourreau.