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Pourquoi l’Angleterre doit quand même croire en Wilshere

Bruno Constant

Mis à jour 27/03/2018 à 21:00 GMT+2

MATCH AMICAL - Rappelé en sélection pour la première fois depuis près de deux ans, Jack Wilshere a dû renoncer pour cause de blessure. Le résumé d’une carrière qu’il est pourtant sur le point de relancer à Arsenal.

Jack Wilshere avec l'ANgleterre lors de l'Euro 2016

Crédit: Getty Images

J’allais prendre ma plume, ou plutôt mon clavier, pour vous écrire tout le bien que je pense de Jack Wilshere depuis très longtemps, à quel point ce garçon a du talent et comment il était parvenu à relancer sa carrière, perdue au gré des blessures et rechutes, au moment où plus grand monde ne croyait encore en lui. Fin novembre, le Gunner était au fond du trou. A l’issue d’un prêt d’une année raté à Bournemouth où il n’avait pas réussi à s’imposer et d’un début de saison frustrant à Arsenal où il n’y avait rien de mieux pour lui qu’une place sur le banc, l’Anglais de 25 ans avait fini par se faire à l’idée d’un départ, après seize années passées à Arsenal, pour rejoindre West Ham. Un club qui finit davantage d’enterrer les carrières qu’il ne les relance.
Quatre mois plus tard, Wilshere porte toujours le maillot rouge et blanc de son club de cœur. Il est même redevenu un titulaire indiscutable dans l’entrejeu d’Arsenal dont il porte parfois le brassard de capitaine ce qui a convaincu Gareth Southgate de le rappeler en équipe d’Angleterre pour la première fois depuis près de deux ans. Wilshere n’avait plus porté le maillot de la sélection depuis l’élimination honteuse face à l’Islande à l’Euro. Mais une nouvelle blessure, au genou, l’a privé des deux rencontres contre les Pays-Bas et l’Italie. Le Gunner souffre de tendinopathie. Rien de sérieux mais suffisant quand même pour pousser certains à se demander si le sélectionneur doit réellement faire confiance à un joueur trop souvent blessé pour la Coupe du monde en Russie. Le résumé d’une carrière qui peine à justifier les grands espoirs placés en lui il y a déjà sept ans.
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Jack Wilshere en conférence de presse

Crédit: Getty Images

Le 16 février 2011, il donne la leçon à Xavi et Iniesta

Dans une vie, il y a des matches qui vous marquent plus que d’autres, qui laissent une trace indélébile dans le temps et les souvenirs. Vous en avez sans doute vous aussi. Il suffit de fermer les yeux pour entendre les clameurs du public, se replonger dans l’ambiance et ressentir les mêmes frissons. Moi, c’était un Arsenal – Barcelone (2-1), le 16 février 2011 en Ligue des champions. Une rencontre époustouflante à l’image du plus grand Barça de l’ère Guardiola – et de l’histoire du Barça tout court - qui avait étouffé les Gunners pendant 25 minutes ; et renversante à l’image des deux buts en cinq minutes de van Persie et Arshavine lors d’un dernier quart d’heure complètement dingue.
Jamais l’Emirates Stadium n’a autant vibré. Ce soir-là, un gamin de 19 ans a donné la leçon à Xavi et Iniesta au milieu. Sa performance, pleine de maturité et d’assurance, crève l’écran. "Des Wilshere, on en a plein dans l’équipe B du Barça… ", ose lancer Guardiola devant la presse. Mais, en coulisses, le technicien catalan est réellement impressionné comme beaucoup de ses joueurs. "On a longtemps parlé de lui, confessa un jour Xavi. Ce n’est pas une performance qu’on oublie facilement."

Un mélange de Scholes et Gascoigne

Wilshere a tout du joueur moderne qui allie l’intensité et l’engagement physique à l’aisance technique. Un joueur box to box capable de tacler avec la virilité d’un Vieira, percer les lignes balle au pied comme Gerrard et passer le ballon dans les trente derniers mètres comme Rooney. "Une technique espagnole et un cœur anglais", dira Wenger. Un bulldog, teigneux, qui n’a pas peur de prendre des coups et surtout d’en mettre. Un mélange de Scholes et Gascoigne selon les médias anglais. Wilshere est tout ça à la fois mais reste un joueur unique dans le paysage du football anglais. "Le milieu de terrain que toute l’Angleterre attendait", titra même The Guardian.
Originaire de Stevenage, où il est né, et Hitchin, à cinquante kilomètres au nord de Londres, où il a grandi, Wilshere est surtout un vrai Gunner, un "Gooner" comme le disent les supporters. Arrivé à Arsenal à l’âge de 9 ans. Intègre les U18 à 15 ans puis la réserve d’Arsenal à 16 ans. Grand artisan de la victoire en Youth Cup 2009. Plus jeune joueur à effectuer ses grands débuts avec l’équipe pro, à seulement 16 ans et 256 jours, devant Cesc Fabregas, en septembre 2008 à Ewood Park contre Blackburn. Mais c’est dix jours plus tard que je tombe littéralement sous le charme de ce joueur lors d’un premier tour de coupe de la ligue face à Sheffield United. Arsène Wenger a l’habitude d’aligner ses "baby gunners" : Hoyte (18 ans), Gibbs (19), Randall (19), Merida (18), Vela (19), Ramsey (18)... Le grand prodige annoncé se nomme Fran Merida, meneur de jeu espagnol, mais celui qui marque les esprits avec sa gueule renfrognée, son culot et son incroyable maturité c’est un certain Jack Wilshere, 16 ans seulement.

Il a débuté seulement 69 matches entre 2011 et 2016

Deux mois plus tard, même compétition, le jeune Anglais et sa clique font encore plus fort en donnant la leçon à une formation de Premier League, Wigan (3-0). Et je parle du Wigan de Valencia, Palacios, Melchiot, Bramble et Kirkland. Une saison et un prêt à Bolton plus tard, Wilshere fait ses débuts en équipe d’Angleterre, se fait une place au côté d’Alex Song au sein du onze d’Arsenal jusqu’à ce fameux match de Ligue des champions qui le propulse définitivement au rang de prodige du football anglais. Iniesta, Xavi, Dani Alves, Schweinsteiger, Reus… Tous vantent le talent de l’Anglais. Mais comme souvent, avec les prodiges anglais (Walcott, Sturridge, Sterling…), la suite se complique.
Une fracture de fatigue à la cheville l’écarte des terrains pendant toute la saison 2011-2012, celle de la "confirmation". Dix-sept mois d’absence. Janvier 2014, nouvelle blessure, au pied. Six semaines d’arrêt. Novembre 2014, cheville gauche. Trois mois d’arrêt. Août 2015, fracture du tibia. Dix mois d’arrêt. "S’il n’avait pas eu toutes ses blessures, il serait l’un des meilleurs joueurs du monde" affirmait Xavi il y a un an. Entre 2011 et 2016, Wilshere n’a débuté que 69 rencontres et une certaine fragilité lui colle à la peau comme d’autres Gunners avant lui (Diaby, Ramsey).
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Wilshere avec Arsenal

Crédit: Getty Images

Cigarette, gluten et produits laitiers

L’hygiène de vie du joueur n’y est sans doute pas étrangère. A plusieurs reprises, le gamin fait les gros titres des tabloïds : arrêté par la police à la suite d’une bagarre à la sortie d’un club en 2010, accusé d’avoir craché sur un chauffeur de taxi fan de Tottenham qui le jugeait trop éméché en 2011, photographié cigarette au bec à la sortie d’un club londonien en 2013 puis lors d’une pool-party très arrosée à Las Vegas en compagnie de Joe Hart en 2014. Un comportement qu’il a changé après une descente aux oubliettes et un prêt à Bournemouth où il n’a pas réussi à se relancer. Wilshere s’est imposé un régime sans gluten ni produits laitiers. Il écoute davantage son corps, fait attention à son sommeil et s’octroie davantage de repos en séchant parfois des séances d’entraînement, en accord avec Wenger. Il a perdu du poids et gagné en vitesse.
"J’ai appris ça de toutes ces années (de blessures)", confiait-il récemment. "Avant, seul son désir de jouer importait. Aujourd’hui, il est plus patient et plus mature", glisse Wenger. Et le résultat est là. Wilshere a été titularisé seize fois lors des vingt-trois dernières rencontres d’Arsenal et a inscrit, le 3 janvier dernier face à Chelsea, son premier but en Premier League depuis deux ans et demi ! S’il lui arrive encore d’aller passer une journée à faire du patin à glace avec ses enfants comme un bon père de famille mais un footballeur professionnel un peu inconscient et immature, il reste suffisamment éloigné de l’infirmerie pour relancer sa carrière et son avenir à Arsenal où les dirigeants espèrent désormais le voir prolonger. A 26 ans, le joueur est en fin de contrat à Arsenal mais n’en a pas fini avec son club. Ni avec l’Angleterre qui a besoin de ce genre de talent pour briller enfin dans un grand tournoi.
Bruno Constant fut le correspondant de L’Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd’hui avec RTL et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, retrouvez mon Podcast 100% foot anglais sur l’actualité de la Premier League et du football britannique.
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