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Argentine - Uruguay, des racines et des haines

Antoine Donnarieix

Mis à jour 18/11/2019 à 22:00 GMT+1

Au-delà du match amical entre l’Argentine et l’Uruguay disputé ce lundi à Tel-Aviv pour des questions financières, l’historique entre les deux nations prouve que ce classique sud-américain est tout sauf une partie de plaisir. Entre les deux frères ennemis, les hostilités existent à la fois sur et en dehors des terrains de football.

Des images de la première finale de la Coupe du monde

Crédit: Getty Images

Parler d’Argentine-Uruguay en football, c’est d’abord évoquer deux nations pionnières dans le développement de ce sport à l’échelle internationale. Le 16 mai 1901 à Montevideo, le premier match de football entre deux sélections nationales hors du Royaume-Uni est joué entre l’Uruguay et l’Argentine. Pour cette première rencontre internationale en Amérique du sud, l’Albiceleste s’impose sur les terres uruguayennes (2-3). L’année suivante, la revanche permet à l’Argentine d’infliger à La Celeste la plus grosse défaite de son histoire à ce jour (0-6). En 1903, c’est au tour de l’Argentine de recevoir l’Uruguay. Au terme d’un match très engagé, les Charrúas obtiennent leur premier succès international à Buenos Aires (2-3). En trois rencontres, la rivalité s’est définitivement implantée.
Par la suite, les compétitions internationales vont faire passer un nouveau pallier dans l’échelle de la violence entre les deux nations. Lors des JO de Paris en 1924, l’Uruguay remporte la compétition en finale contre la Suisse (3-0). Non-désireuse de participer au tournoi pour des raisons d’ordre administratif, l’Argentine provoque l’Uruguay dans une confrontation aller-retour pour déterminer la meilleure équipe mondiale.
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Carlos Tevez, après son tir au but manqué avec l'Argentine face à l'Uruguay, en quart de finale de la Copa America 2011

Crédit: AFP

Cette double opposition ne connaîtra jamais de vainqueur puisque le match retour à Buenos Aires sera suspendu suite à un envahissement de terrain terminé par une bagarre générale. Quatre ans plus tard, la finale des JO d’Amsterdam en 1928 oppose sans grande surprise les deux nations dominantes. Au terme d’un match nul et d’une finale entièrement rejouée trois jours plus tard, l’Uruguay sort vainqueur du duel et conserve son statut de champion olympique (1-1, 2-1).

Paternoster : "Il vaut mieux que nous perdions, sinon nous allons tous mourir ici !"

Désormais reconnue comme une référence footballistique majeure au niveau planétaire, l’équipe nationale d’Uruguay se voit attribuer l’honneur d’accueillir la toute première Coupe du monde de l’histoire en 1930. Parmi les treize équipes engagées, seules quatre arrivent en demi-finale : l’Argentine explose les États-Unis (6-1) tandis que l’Uruguay écrase la Yougoslavie sur le même score. Deux ans après leur confrontation homérique aux JO, voilà une nouvelle occasion d’assister à l’affiche rêvée. Cependant, le rêve va rapidement tourner au cauchemar pour l’Argentine. "Nous avions une bonne équipe, je crois que nous étions les meilleurs de ce championnat, racontait pour Página 12 le dernier survivant de la finale Francisco "Pancho" Varallo en 2006. Mais depuis le premier match contre la France, le public local nous a déclaré la guerre. Ils nous insultaient et lançaient des projectiles, c’était terrible. Quand nous avons joué la finale, c’était le pire. Ce jour-là, ils sont allés jusqu’à nous frapper."
Voilà comment naît la fameuse "finale de la terreur", le 30 juillet 1930. 20000 supporters argentins traversent le Río de La Plata pour assister à la finale et sont fouillés de la tête aux pieds pour éviter tout port d’armes aux alentours du stade national de Montevideo. Malgré un climat d’une extrême tension dans les gradins, l’Argentine ressort de la première période avec un score en sa faveur (1-2).
Au moment de faire le point dans le vestiaire visiteur, les nerfs sont à vif : le milieu de terrain Luis Monti ne souhaite plus participer à la rencontre, expliquant "risquer sa vie". Même son de cloche alarmiste pour le défenseur central Fernando Paternoster : "Il vaut mieux que nous perdions, sinon nous allons tous mourir ici !" Touchée psychologiquement, la sélection argentine ne parvient pas à garder son avance au tableau d’affichage et cède par trois fois (4-2). À jamais, l’Uruguay sera reconnu comme le premier pays champion du monde de football dans l’histoire.
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Mascherano - Argentina Uruguay

Crédit: Eurosport

Asados, maté et Carlos Gardel : les bisbilles modernes

Aujourd’hui, les tensions sportives se sont largement apaisées entre les deux nations. Cependant, il existe encore des stigmates d’une rivalité bien au-delà du rectangle vert, élargissant son empreinte à la culture de chaque pays. L'une des pierres fondamentales de la société argentine se réfère à l’asado (rôtissage, en VF), une technique culinaire ancestrale pour cuire un aliment cru grâce à l’exposition au feu. Cependant, certaines théories évoquent la possibilité d’une origine uruguayenne à l’asado, remettant en doute l’habitude des gauchos, les mythiques cavaliers argentins, à pratiquer cette forme de cuisine.
Autre thématique brûlante : celle du maté. La boisson traditionnelle sud-américaine oscille entre une appartenance argentine ou uruguayenne, et suscite des débats interminables sur la nationalité des premiers consommateurs du breuvage favori d’Antoine Griezmann. Enfin, la dernière querelle majeure entre Uruguayens et Argentins repose sur la vie de Carlos Gardel, considéré comme le chanteur-compositeur de référence en matière de tango. Né à Toulouse le 11 décembre 1890, la légende de Charles Romuald Gardès ne cesse pas de croître devant les interrogations sur son réel lieu de naissance et sa nationalité. De fait, un document officiel explique que Gardel serait en réalité né à Tacuarembó (Uruguay) en 1887 et qu’il n’aurait rien à voir avec Gardès.
Pourtant, Gardel se faisait surnommer "El Francesito" (Le Petit Français, en VF) dans les quartiers populaires de Buenos Aires. L’avis de l’intéressé ? "Je suis né à Buenos Aires à l’âge de deux ans et demi" évoquait Gardel pour entretenir sa légende. Une légende qui raconte également que Gardel, ami des Argentins et des Uruguayens, avait organisé un repas de réconciliation entre les deux équipes de football avant leur fameux affrontement en finale des JO de 1928. En vain : une bagarre générale avait fini par mettre fin au dîner…
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