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L'ASNL reléguée administrativement en N3 : "Oui, Nancy est en danger de mort"

Guillaume Maillard-Pacini

Mis à jour 01/07/2023 à 15:17 GMT+2

Recalée par la DNCG en début de semaine, l'AS Nancy-Lorraine est au bord du gouffre. Reléguée sportivement en National 2, puis administrativement en N3, le club lorrain compte faire appel de cette décision dans l'attente que ses investisseurs actuels apportent des garanties financières. Hervé Féron, vice-président de la Métropole du Grand Nancy et délégué aux sports, ne cache pas son inquiétude.

Le stade Marcel-Picot de l'AS Nancy-Lorraine, relégué en National 2 le 26 mai 2023

Crédit: Imago

Vous avez eu, jeudi, une visioconférence avec l’actionnaire Krishen Sud. Qu'en est-il ressorti ?
Hervé Féron : Le sentiment, c'est de la méfiance qui ne cesse de s'accroître. Depuis très longtemps, nous savons que nous sommes passés d'un président et propriétaire charismatique (Jacques Rousselot, ndlr), qui a tout mis sur la table pour le club, même ses biens personnels, et qui avait un lien affectif unique avec ses salariés et joueurs, à un consortium où les actionnaires ne sont pas présents. C'est une holding basée à Hong Kong avec des personnes de plusieurs nationalités et qui, de façon évidente, n'en ont rien à faire de Nancy, de la région et du football. C'est simple, ils n'y connaissent rien. Ils ont joué au poker en achetant un club, pensant qu'il allait remonter pour le revendre plus cher. Ce sont des investisseurs et rien de plus. Ils sont attentistes, ils attendent toujours d'être au bord du gouffre pour mettre de l'argent sur la table et sauver l'ASNL. Thorsten Theys (ancien directeur général, ndlr) le disait. Tout le monde était en angoisse permanente. Quant aux deux actionnaires américains Paul Conway et Randy Frankel, ils ont revendu leurs parts pour un euro symbolique.
Où en est la situation aujourd'hui ?
H.F : Ils ont monopolisé tous les pouvoirs et pilotent tout alors qu'ils ne sont pas sur place. Ils ne sont pas lucides sur la situation actuelle du club. Pour ma part, je trouve que la position de la DNCG est juste et responsable. Elle demande plus de garanties que s'il s'agissait d'un responsable français et unique. En tout cas un interlocuteur. Les actionnaires ont laissé le club se dégrader en mettant à sa tête un président qui n'était jamais là.
Ganaye, c'était un incompétent, un nul.
Parlez-vous de Gauthier Ganaye ?
H.F : Oui. C'était un incompétent, un nul. On est plusieurs à l'avoir dit. Après, j'ai pris des précautions car je ne veux pas mélanger ma casquette de vice-président délégué aux sports et celle de supporter basique où tout le monde a une idée sur l'équipe à faire. Ce qui est certain, c'est qu'on ne compose pas une équipe de football avec des datas. On n'a jamais vu ça. Rousselot racontait que quand il recrutait un joueur, il allait le voir jouer, puis se rendait dans le vestiaire pour connaître son état d'esprit, allait au contact de sa famille en vue d'un déménagement dans l'Est... Les joueurs se sont sentis abandonnés.
Certains vous ont-ils contacté ?
H.F : Je ne peux pas dire les noms, mais j'ai reçu plusieurs appels de joueurs et de salariés inquiets. Imaginez une équipe abandonnée et entourée de salariés qui angoissent sur leur avenir en permanence. A la fin des matches, personne n'était là pour parler aux joueurs, soit pour les remonter, soit pour les consoler... Il y avait juste Benoît Pedretti, qui n'a pas démérité. Mais ce n'est pas comme ça qu'un club doit être mené. Il y a quatre mois, lorsque Sébastien Janodet (nommé président de l'ASNL fin mai, ndlr) a rencontré les actionnaires, ces derniers n'étaient même pas au courant qu'il y avait six descentes cette saison... Ils étaient complètement hors-sol. Janodet a été nommé trop tard.
Pourquoi la DNCG a décidé de rétrograder le club en N3 ?
H.F : Les actionnaires avaient assuré qu'ils injecteraient de l'argent pour passer ce cap. Ils ont une conception américaine des choses, ils ne comprennent pas pourquoi la DNCG vient se mêler de ça et de quel droit elle réclame une somme immédiate. Mais ils ont toujours mis de l'argent au dernier moment. La DNCG demande l'assurance du paiement des salaires tout au long de la saison et qu'il n'y aura aucun problème. Il était attendu que 2,5 millions d'euros arrivent sur le compte à la veille de l'audition. Krishen Sud, l'un des actionnaires principaux, avait demandé le report pour être présent. La veille, il disait aux responsables de l'ASNL que l'argent allait être déposé. L'an passé, on avait constaté un déficit d'un million d'euros. Et pour celle à venir, la proposition d'organisation budgétaire de l'ASNL, la DNCG n'a pas tiqué. Mais cette proposition constatée, avec un déficit de 3,5 millions entièrement couvert par les actionnaires, soit un total de 4,5 millions, l'instance souhaitait une garantie de 2,5 millions. Elle n'a jamais été apportée.
Comment Krishen Sud a justifié son absence devant la DNCG ?
H.F : On nous a dit qu'il était malade, mais ce sont des mensonges.
Ils ne veulent pas vendre
Pensez-vous qu'il joue la montre ?
H.F : Bien sûr. Eux, ils assurent qu'ils mettront l'argent quand le maintien de l'ASNL en N1 sera décrété. Ils le disent clairement. Mais nous, on rappelle qu'il faut déjà réussir son passage devant la DNCG pour remonter en N2. Ils ont du mal à le comprendre. Actuellement, les actionnaires attendent le verdict concernant l'appel de Sedan, qui sera rendu le 4 juillet. On saura alors s'ils sont rétrogradés. Dans ce cas, l'argent sera injecté dans l'ASNL. Hier (jeudi), le club n'avait toujours pas reçu la notification de la rétrogradation administrative. Après, elle fera appel dans les 8 jours. Mais tout est une question de timing...
C'est-à-dire ?
H.F : Les joueurs ne sont officiellement plus sous contrat depuis deux jours. Ils peuvent aller dans d'autres clubs, sans rien rapporter à l'ASNL. Mais si le club était maintenu en National 1, les contrats reprendraient. C'est ce qu'on m'a expliqué. Vous pouvez comprendre qu'ils sont dans l'incertitude, certains m'ont dit qu'ils avaient des propositions ailleurs mais qu'ils ne préféraient pas y répondre pour une question de fidélité. Sauf que ces offres, justement, pourraient expirer. Ils sont inquiets. Krishen Sud continue de nous assurer qu'il attend le 4 juillet pour savoir si Sedan sera relégué.
Un club comme Châteauroux est également menacé de rétrogradation, ce qui donnerait une chance supplémentaire à Nancy de se maintenir en N1...
H.F : Ce que l'on sait, c'est que les partenaires de Sedan ont jeté l'éponge. Tout comme le propriétaire, dont les fils ne veulent plus qu'il remette de l'argent. On sait également qu'une grande partie des joueurs s'en va. Nous sommes assurés que Sedan descendra. Du côté de Châteauroux, 17 joueurs sont sur le départ. Le 4 juillet, si tout se confirme, on appellera Krishen Sud pour lui dire de remettre de l'argent. S'il tient parole, et je pense que ce sera le cas, il appuiera l'appel de l'ASNL par le fait qu'il injectera immédiatement les 2,5 millions d'euros. J'ai également entendu dire que Chien Lee et Krishen Sud voulaient rapatrier leur holding en Europe, ce qui serait une bonne chose. Depuis leur arrivée, ils ont certes injecté 18 millions d'euros. Mais mal.
La vente du club est-elle à l'ordre du jour ?
H.F : On ne vend pas un club en dix jours, c'est impossible. Pour le futur proche, il faut jouer la carte que je viens de vous dire. Après, nous savons que des personnes sont intéressées. Il y a de tout ou rien, dont beaucoup de menteurs. Je reçois beaucoup de messages, comme des investisseurs de Dubaï originaires de Nancy... Vous ne pouvez pas imaginer. J'entends des rumeurs partout, nous avons été confrontés à des personnes qui n'étaient pas sérieuses, y compris pour racheter le stade. Je comprends l'impatience et l'inquiétude des employés, des supporters. Je la respecte. Il y a une grande partie des employés qui sont en arrêt maladie, et les investisseurs ne comprennent pas toutes les couvertures sociales qui existent en France. Aujourd'hui, l'ASNL a un train de vie digne d'un club de la première moitié de tableau de la Ligue 2. Ce que je peux dire, c'est que nous avons besoin de sérieux. Et nous avons quelques pistes qui ont le mérite de l'être. Mais pour l'heure, les propriétaires ne sont pas vendeurs.
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Nancy-QRM arrêté à cause des jets de fumigènes sur la pelouse du Stade Marcel-Picot.

Crédit: Imago

Quelles sont les hypothèses sur la table pour le futur proche du club ?
H.F : Il faut préparer la suite. En cas de rétrogradation en N3, il y aurait une perte du statut professionnel, du centre de formation... On repartirait sur la base de l'association avec la réserve. Et les propriétaires auraient tout perdu en déposant le bilan. Je pense qu'ils ne veulent pas ça, même s'ils savent qu'ils ne vont pas tout récupérer. A partir de là, une entité pourrait se positionner, ou même plusieurs, pour reconstruire le club et repartir de l'avant. Si l'on repart en N1, on continuerait de travailler avec des investisseurs potentiels, mais français. On veut des vrais interlocuteurs. On travaille avec plusieurs entités de ce type. C'est un travail qui ne me concerne pas en tant qu'élu, mais j'ai des réseaux. La nomination de Sébastien Janodet est l'une des meilleures choses qui est arrivée à l'ASNL. C'est un amoureux du club, il n'a rien à y gagner. La démarche est saine, il veut rendre service. De plus, il gagne beaucoup moins que dans sa profession précédente. Il a, par sa profession, l'expérience de la revente de clubs. Il sait dénicher des investisseurs sérieux. C'est lui qui préparerait cette éventuelle vente, qui n'est même pas encore un plan B. C'est plutôt un plan Z.
Dans quel état d'esprit sont Jacques Rousselot, ancien président, et Michel Platini, légende du club ?
H.F : Ils sont très inquiets et ils réfléchissent... Il y a des contacts qui sont pris, des personnes qui travaillent depuis un mois, des gens qui passent des coups de fil à Sébastien Janodet pour se renseigner. Les actionnaires actuels, comme je l'ai dit, ne sont toutefois pas vendeurs. Maintenant, pensons simplement au présent. Je ne vais rien lâcher. Il faut se battre. Ce serait tellement simple de dire que c'est la faute des supporters qui ont tout cassé, des actionnaires, de Gauthier Ganaye qui était nul... Aujourd'hui, il faut se sortir tous ensemble de ce bourbier. L'ASNL est en danger de mort.
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