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Premier League - Newcastle : Le recrutement à prix d'or d'Alexander Isak en dit beaucoup sur la stratégie des Magpies

Philippe Auclair

Mis à jour 28/08/2022 à 10:40 GMT+2

PREMIER LEAGUE - Jusque-là plutôt sage sur le marché des transferts, Newcastle s'est fait remarquer, vendredi dernier, en obtenant la signature d'Alexander Isak contre un chèque mirobolant de 70 millions d'euros. Notre chroniqueur Philippe Auclair voit dans ce recrutement la preuve que les Magpies refusent l'idée qu'un quelconque aléa (la blessure de Callum Wilson) puisse ralentir leur croissance.

Alexander Isak, nouvelle recrue de Newcastle.

Crédit: Getty Images

Il n'y a pas si longtemps, on louait l'approche 'chi va piano va sano' de Newcastle United. À tout le moins sur le plan sportif, car, pour ce qui est de ses propriétaires saoudiens, ce ne sont pas quelques résultats honorables et des performances comme le 3-3 acquis contre Manchester City le week-end dernier qui ont fait oublier d'où vient l'argent de la transformation des Magpies.
Mais, même les dents serrées, on leur reconnaissait au moins cette qualité : ils avaient su faire preuve de pragmatisme et de retenue dans la gestion de leur club. Enfin, d'une certaine retenue, car pour ce qui est des dépenses de recrutement en net, aucun club anglais, aucun club en Europe, aucun club au monde n'avait consenti un effort comparable au leur pendant la saison 2021-22.
Newcastle avait dépensé pas loin de 130 millions d’euros au cours de cette période - en net, comme il est toujours utile de le rappeler. Mais Newcastle n'avait pas succombé au mal des cimes comme Manchester City l'avait fait aussitôt que l’Abou Dhabi United Group de Cheikh Mansour en avait pris le contrôle le 1er septembre 2008. Quelques heures plus tard, juste avant que la fenêtre des transferts se ferme, Robinho - la future superstar du football brésilien, vous vous souvenez ? - était subtilisé au nez et à la barbe de Chelsea pour un montant record : 40m d'euros, ce qui, compte tenu de l'inflation propre au football, représenterait plus de 100 millions aujourd'hui. Pas loin, en fait, de ce que les Magpies ont dépensé lors de leur première saison sous pavillon saoudien.

Un premier mercato intelligent et sans remous

À cette différence : eux n'avaient pas cédé au désir de "frapper un grand coup", de se servir de l'arrivée d'un "top joueur" comme d'un amplificateur public de leur ambition. Newcastle fit son marché sans trop se faire remarquer. Un Joe Willock par ci, un Dan Burn par là. Kieran Trippier qui arrive de l'Atlético de Madrid pour 15 millions d’euros ? Excellente affaire ! Chris Wood avait coûté le double, mais il entrait aussi quelque chose de diabolique dans son acquisition. En achetant l'avant-centre néo-zélandais à Burnley, dont il avait été le meilleur buteur la saison précédente, Newcastle affaiblissait aussi un adversaire direct dans sa lutte pour éviter la relégation. Newcastle finit 11e, et Burnley redescendit en Championship. Bien joué.
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Bruno Guimaraes avec Newcastle

Crédit: Getty Images

Bruno Guimaraes avait certes coûté un peu plus (42 millions d'euros), mais sans qu'on s'en étonne. Le prix paraissait juste, au vu de son âge (24 ans), de son statut d'international brésilien, de la qualité de ses performances pour l'OL et de son potentiel. Tous ces nouveaux venus avaient trouvé leur place dans l'équipe sans créer de remous dans le vestiaire : Newcastle avait pris soin de ne pas recruter de grosses têtes susceptibles de menacer le statut de piliers du club comme Fabian Schär, Joelinton (reconverti avec succès dans un rôle de milieu de terrain), Miguel Almiron, Callum Wilson, et le plus populaire de tous, Allan Saint-Maximin. Vive le changement, oui, mais dans la continuité.
Qui plus est, Les nouveaux propriétaires du club avaient refusé de se laisser tenter par un 'nom' quand ils remplacèrent Steve Bruce, choisissant un jeune entraîneur anglais, Eddie Howe, qui savait ce que c'était de lutter pour ne pas descendre, et savait aussi comment s'y prendre pour bâtir une équipe sur la durée. Avec l'aide d'un propriétaire russe des plus généreux, Maxim Demin, Howe avait fait grimper Bournemouth de la League Two (D4) à la Premier League en l'espace de six saisons.
Il ne serait pas un simple manager de transition à St James Park comme Mark Hughes avait pu l'être à Man City, et maintenant que sa première mission - le maintien - a été accomplie avec aisance, il va désormais pouvoir se concentrer sur les étapes suivantes. Newcastle doit s'implanter dans le Top 10. Se qualifier pour la Ligue Europa. Finir dans le Top 4. Se battre pour le titre. Et sauf accident de parcours, ce sera avec Howe, qui vient de signer un nouveau contrat 'de longue durée'.

Horizon 2034

Tout cela s'inscrit dans la logique à la fois prudente et plus qu'ambitieuse du projet saoudien, dont Newcastle n'est qu'une tête de pont, un projet qui vise l'horizon 2034, avec l'organisation des JO ou de la Coupe du Monde en ligne de mire, un projet dans lequel s'inscrit aussi la vision fabuleuse de Neom, une "ville nouvelle" bâtie dans le désert au nord-ouest du pays sous la direction du PIF, le fond souverain qui détient 80% du capital de Newcastle. Budget : 500 milliards de dollars. Avec de tels moyens, pourquoi se presser ? Pour avancer, mieux vaut compter sur la force d'inertie accumulée que sur une brutale mise à feu qui ferait courir un risque d'explosion.
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"L'équipe-type de Chelsea ne suffira pas pour gagner la Premier League"

Mais cela, c'était avant qu'on n’apprenne que Newcastle avait mis 70 millions d'euros sur la table pour faire venir le jeune attaquant suédois Alexander Isak de la Real Sociedad, établissant un nouveau record pour le club de la Tyneside. Il n'était pas la première recrue de son mercato estival - Matt Targett, le gardien Nick Pope et le défenseur néerlandais Sven Botman l'avaient précédé, pour un débours total de 72 millions d'euros. Mais il était le signe que Newcastle était entré dans une phase d'accélération de ses investissements.
Il est vrai que la décision d'acquérir Isak avait en partie été précipitée par la blessure de Callum Wilson, le buteur numéro 1 du club, qu'on ne reverra sans doute pas sur les terrains avant le début du mois d'octobre. Cette blessure n'était malheureusement pas la première de l'avant-centre avec lequel Howe travailla six années durant à Bournemouth, et Newcastle se devait donc de lui trouver une doublure. Mais pas nécessairement à 70 millions, soit vingt de plus que ce qu'Arsenal versa à Manchester City pour acquérir Gabriel Jesus.
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Sven Botman pose avec le maillot de Newcastle, mardi 28 juin 2022.

Crédit: Getty Images

Qu'est-ce que parier 70 millions quand on est Newcastle ?

Certes, Isak était suivi par de nombreux autre grands clubs européens depuis qu'il avait intégré la sélection suédoise en 2017, alors qu'il n'avait pas encore dix-huit ans. Thomas Tuchel avait remué ciel et terre pour le faire venir à Dortmund cette année-là, alors qu'on pensait que le Real Madrid était sur le point d'obtenir sa signature. Un superbe Euro 2020 l'avait révélé au grand public et fait dire à Gary Lineker qu'on était en présence d'un "talent exceptionnel".
Il est aussi exact qu'Isak ne s'imposa pas en Bundesliga, et qu'au bout de deux années infructueuses, Dortmund, qui le prêta un temps à Willem II, accepta de s'en séparer pour une quinzaine de millions. Son bilan avec la Real - 33 buts en 105 matches de Liga, dont huit avaient été inscrits en l'espace de six semaines au début de 2021 - était honorable, sans plus. Il entre donc une part de pari dans le choix de Newcastle. Mais qu'est-ce que parier 70 millions, quand on est Newcastle ? 0,00014% du budget de Neom.
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Alexander Isak

Crédit: Getty Images

Pour Newcastle, il s'agissait de ne pas freiner la transformation du club, de refuser qu'un incident - la blessure de Wilson, en l'occurrence - puisse la ralentir. Sans doute Isak figurait-il en bonne place sur la liste des cibles dressée par les recruteurs du clubs. Les circonstances auront fait que la machine s'est mise en route un peu plus vite que prévu. Le temps dira si Isak tiendra sa promesse et deviendra le catalyseur d'une métamorphose. Mais le sens profond de son recrutement doit être trouvé ailleurs. Le message est simple, et d'une clarté qui doit faire frissonner les rivaux de Newcastle : la progression doit se poursuivre, implacablement, inexorablement.
Et elle le fera.
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