Le Cas Mourinho : l’enquête spéciale sur le Special One, José Mourinho, par Thibaud Leplat

Quand José Mario Mourinho démarre la saison 1981-1982, il quitte l’équipe U19 de Belenenses et rejoint le club de son père, Rio Ave. Mais cette fois-ci il n’a plus l’âge de regarder son papa derrière une main-courante. Pour la première (et dernière) fois, il y a deux Mourinho dans la même équipe. Manuel (Pires, interrogé par l'auteur) corrige : "Zé faisait partie de l’équipe réserve.Il n’avait pas le niveau pour jouer avec nous, les pros. C’était un joueur moyen." Le capitaine de l’époque, Duarte Sá, a un meilleur souvenir du fils du coach : "Il portait le numéro 10 et était plutôt habile balle au pied. Mais le fait d’être le fils de l’entraîneur lui a porté préjudice." Cette saison-là, Felix titularise une première fois son fils en Coupe du Portugal.

Quelques semaines plus tard, l’équipe se déplace à Lisbonne pour jouer contre Belenenses. Il le convoque à nouveau. L’ancien capitaine raconte : "Cette décision a été mal acceptée par les dirigeants du club. Ils considéraient que les joueurs formés au club devaient avoir la priorité et lui ont conseillé de ne plus appeler son fils." Mourinho fils avait accès à tous les entraînements et jouait déjà les mercredis avec l’équipe junior. Pour José Maria Pinho, président à l’époque des faits, c’était déjà trop pour un fils de coach qui était loin d’être un génie.

C’est alors que le dernier match (contre le Sporting, à Lisbonne) de la saison arrive. À l’échauffement, le défenseur central titulaire, Filipe Figueiredo, se blesse. Félix décide de titulariser son fils à sa place, au mépris des avertissements de sa hiérarchie. Duarte Sá raconte la suite : "Quelqu’un le dit au président. Il s’est alors monté une grosse engueulade (sic)."

Pinho avait pourtant prévenu Mourinho père : s’il titularisait une nouvelle fois son fils, il aurait des ennuis. Quand il apprend que José Mario est sur la feuille de match, il devient fou. Duarte reprend : "Quelques minutes avant le début du match, il dit à l’entraîneur que s’il ne change pas d’avis, il ne dirigera plus l’équipe." Zé Mario, qui avait passé son enfance à regretter les absences de son père, à trembler avec lui avant chaque match, à chaque coup de téléphone, devient en un instant la cause directe de la chute de l’homme qu’il admire le plus au monde. José Mario n’a pas le choix. Le capitaine de l’équipe poursuit : "Quand José Mario se rend compte de la situation, il retire son maillot et refuse de jouer. Avec ce geste, tout rentre dans l’ordre. Mais l’impact de cet incident a été si fort pour tout le monde que nous avons perdu le match 7-1." Rio Ave termine en cinquième position. Mourinho fils renonce à être joueur pour que Mourinho père puisse être entraîneur.

La voilà, la véritable histoire. Celle dont on n’a pas de photos à exposer, ni de coupes à exhiber. Mourinho doit devenir l’entraîneur que personne ne vire, l’entraîneur que son père aurait dû être. Mourinho n’a pas le choix. Il doit devenir le Special One. Mais comment faire ?