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Mourinho, l’entraîneur qu’il fallait pour le titre, pas nécessairement pour l’avenir de Chelsea…

Philippe Auclair

Mis à jour 08/05/2015 à 22:51 GMT+2

Pour gagner des titres, José Mourinho est l'homme qu'il fallait à Chelsea. Mais les Blues doivent désormais voir plus loin, peut-être sans le "Special One".

Philippe Auclair - Mourinho

Crédit: Eurosport

Bravo, José Mourinho. Félicitations pour un troisième titre de champion avec Chelsea, acquis en menant la course de la première à la dernière journée, alors qu’il reste trois matches à disputer, et qu’on pensait que cette saison serait la plus indécise depuis des lustres. Bravo. Vous avez su allier panache – pendant les cinq premiers mois, qu’on ne l’oublie pas, quand Chelsea était tout sauf boring – et détermination – depuis une défaite 3-5 à Tottenham qu’on avait cru signifier le début de la fin pour un effectif épuisé.
Ce que vous avez fait avec ces joueurs, aucun autre manager ne l’aurait fait. Votre onze-type, Courtois, Ivanovic, Cahill, Terry, Azpilicueta, Matic, Fabregas, Willian, Oscar, Hazard, Costa, était sans doute le plus équilibré et le plus versatile de la Premier League, capable de tuer l’adversaire en contre en quelques passes, capable aussi de mettre le gilet pare-ballons et de défendre son but avec l’énergie d’un nageur défiant un contre-courant. Mais vous n’aviez pas un banc comparable à celui sur lequel Manuel Pellegrini pouvait compter, ou croyait pouvoir compter. Ou Louis van Gaal. Ou Arsène Wenger.
Votre squad ne comptait pas 25 joueurs, mais 16 ou 17, et encore, en comptant Jon Obi Mikel. Cela ne vous a pas empêché de mener quatre compétitions de front, et d’en remporter deux. Ce qui vous donne une moyenne d’un trophée toutes les trente-quatre rencontres depuis que vous vous êtes révélé à Porto. Ce qui doit forcer le respect et l’admiration. Mais êtes-vous pour autant le manager qui fera de Chelsea ce dont rêve Roman Abramovitch? C’est moins sûr.
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Mourinho, Terry

Crédit: AFP

Un vainqueur mais pas un bâtisseur

C’est que vous, José Mourinho, n’êtes pas un bâtisseur. Votre seul objectif est la victoire. Vous êtes un spécialiste, le meilleur qui soit dans votre branche, le go-to man de tout club qui veut ajouter quelques lignes à son palmarès. En revenant à Chelsea, de plus, vous avez pris un risque: celui de ne pas être votre égal. Or, vous l’avez été, ou mieux. Mais Chelsea essaie de changer de peau, et il n’est pas dit que vous soyez celui qui l’aidera à y parvenir.
Quiconque a suivi les U19 et U21 des Blues depuis quelques saisons saura que les millions investis par leur propriétaire dans une académie auparavant stérile n’ont pas été dépensés en vain. Leur équipe est aujourd’hui la plus forte et la plus séduisante en Europe, comme son parcours dans la UEFA Youth League qu’elle a récemment remportée suffit à le démontrer.
Elle vient également de remporter sa seconde FA Youth Cup d’affilée, faisant s’éveiller dans la mémoire le souvenir du groupe de minots dans lequel Sir Alex Ferguson alla chercher beaucoup de ses champions à venir. Brown, Musonda, Solanke, Boga et quelques autres pourraient être à Chelsea ce que Beckham, Giggs, Scholes et les frères Neville furent à Manchester United. Mais ils ne le seront que si on leur donne la chance de l’être, et cela n’est pas une certitude, tant que vous, José Mourinho, écrirez les noms sur la feuille du match à venir.

La relève est là mais n'a pas la patte Mourinho

Un Wenger aurait déjà donné sa chance à des joueurs d’un tel talent, comme il le fit pour Calum Chambers et Hector Bellerin cette saison. Louis van Gaal n’a pas hésité à faire appel à Tyler Blackett, James Wilson et Paddy McNair. Mais de ces pépites bleues, nous n’avons encore rien vu. Chez Mourinho, le naturel ne revient pas au galop, puisqu’il ne change jamais de monture. Quelques coups de cravache, donnés exactement quand il le faut, lui permettent de couper le ruban avant les autres. Il n’est pas un formateur.
Comme le remarquait l’ami Jean-Michel Rouet, croisé à Stamford Bridge le jour du sacre, il est aussi frappant que les gènes du jeu de ce Chelsea de l’avenir ne figurent pas dans l’ADN mourinhien. S’il est une équipe que ces jeunes Blues n’évoquent pas, c’est bien celle de Mourinho. Alors que d’autres clubs réputés pour la qualité de leur formation – le Barça, Ajax, l’OL, Arsenal – prennent soin à ce que le même système soit utilisé des pupilles aux seniors, à ce qu’on instille à tous, quels que soient leurs âges, une identité tactique et technique qui prépare les apprentis comme les pros à ce qui pourrait être leur futur et est déjà leur présent, Chelsea existe dans deux dimensions distinctes, sans sas apparent de l’une à l’autre.
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Chelsea manager Jose Mourinho and Eden Hazard

Crédit: Eurosport

Les U19 des Blues pourraient porter le maillot blaugrana qu’on ne verrait pas la différence. Tout y est : les répétitions de passes, le faux rythme à trois temps, les triangulations, le jeu à une touche de balle, les déviations. Le problème est que ces jeunes footballeurs, s’ils étaient convoqués par Mourinho – ce qui n’est pas le cas, bizarrement, quand on connait la minceur de son effectif – seraient appelés à appliquer des principes qui sont étrangers à leur éducation.
Il ne construira pas le pont qu’ils doivent emprunter pour franchir le gigantesque océan qui les sépare d’une vraie carrière. Faites le compte des jeunes joueurs que Mourinho a signés tout au long de la sienne, et vous verrez qu’il approche du zéro. Il privilégie l’expérience, l’acquis, le CV, "V" pour "victoire". S’il joue parfois au poker, c’est en ayant choisi ses cartes à l’avance.
Abramovitch devra donc faire un choix qui déterminera à quoi ressemble le Chelsea des années à venir. Avec Mourinho, la promesse du succès. Sans Mourinho, la promesse tout court.
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