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Liverpool - Everton : The Merseyside Derby et les faux frères

Bruno Constant

Mis à jour 01/04/2017 à 14:35 GMT+2

A l’heure des retrouvailles entre Liverpool et Everton, ce samedi à Anfield, les deux clubs nouent des liens très forts allant même jusqu’à voir certains supporters de l’un porter les couleurs de l’autre.

Gerrard et Jagielka à la lutte

Crédit: AFP

Le derby de Liverpool ou Merseyside derby - le Merseyside étant le comté autour de l’estuaire du fleuve du même nom (Mersey) - est plus communément appelé the "Friendly Derby", le "derby amical". Une expression qui ne traduit pas vraiment le spectacle sur le terrain quand on sait que cette opposition est celle qui a vu le plus grand nombre de cartons rouges depuis la création de la Premier League (1992) avec 21 expulsions lors des 49 dernières confrontations ! Mais celle-ci tient davantage à la relation qu’entretiennent les supporters des deux camps. Une rivalité de quartier, concentrée dans le nord ouest de la ville, bon enfant, voyant les membres d’une même famille supporter les Reds et les Blues, mais dont l’antagonisme s’arrêterait une fois le match terminé. Bien moins prononcée que la haine opposant Manchester United et Liverpool, Sunderland et Newcastle, ou encore Arsenal et Tottenham.
Cette rivalité cordiale entre les deux clubs fut illustrée à plusieurs reprises. En 2007, après le meurtre d’un jeune supporter d’Everton, Rhys Jones (11 ans), le club de Liverpool invita les parents et le grand frère du garçon à Anfield à l’occasion d’un match de Ligue des Champions et la musique des Toffees fut jouée avant la rencontre. A l’inverse, Goodison Park rendit un vibrant hommage aux 96 victimes du drame de Hillsborough en 2012 avec deux enfants - une jeune fille, en bleu, portant le numéro 9, et un jeune garçon, en rouge, avec le numéro 6 - pénétrant sur la pelouse main dans la main, la diffusion des photos des 96 disparus sur la musique de The Hollies "He ain’t heavy, he’s my brother" ("Il n’est pas lourd, c’est mon frère"). Ou encore les mots de son président, Bill Kenwright, l’année suivante.
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Un supporter d'Everton devant le mémorial d'Hillsborough

Crédit: AFP

Le jour où Carragher a demandé si Everton était sauvé

La proximité entre les deux clubs, au-delà de celle de leurs stades respectifs - 1 km à vol d’oiseau -, est telle qu’elle a parfois vu certains supporters d’Everton porter le maillot de… Liverpool (rarement l’inverse). Le plus célèbre d’entre eux étant sans nul doute Jamie Carragher, Liverpuldien pur et dur. L’ancien international anglais, qui a défendu les couleurs des Reds durant plus de 500 matches et même parfois capitaine, était pourtant un fan des… Blues.
Dans un couloir de stade anglais, Gérard Houllier, alors consultant pour une télévision française, me raconta un jour sa surprise, durant son temps à Liverpool (1998-2004), lorsqu’il vit son défenseur, Jamie Carragher, s’approcher du banc des Reds à la fin d’un match de Liverpool et demander : "Are we safe ?" ("On est sauvés ?") Le Français se demanda de quoi parlait "Carra" avant que l’un de ses adjoints ne lui glisse le nom de… Everton, club de cœur de Carragher, à la lutte pour le maintien en Premier League à quelques journées de la fin.
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Jamie Carragher et Steven Gerrard

Crédit: Eurosport

"The biggest Blue in Bootle", se surnomma un jour Carragher. "Le plus grand supporter d’Everton de Bootle", le quartier dont il est originaire, au nord de Liverpool. Lorsque le club des Reds fut le premier à approcher le gamin, alors âgé de 9 ans, il lui fut difficile de refuser. Carragher passa deux saisons chez les Rouges avant de rejoindre Everton, dont il était supporter, mais réalisa au bout de quelques semaines son erreur. L’année suivante, Carragher retourna à Liverpool tout en restant fan des Toffees qu’il supportait lors des Merseyside Derbies alors qu’il jouait pour la réserve des Reds, allant même jusqu’à débarquer au centre d’entraînement avec un maillot de Graeme Sharp, deuxième meilleur buteur de l’histoire du club.
D’autres supporters d’Everton portèrent les couleurs du rival. L’évocation du nom de Ian Rush, légende vivante des Reds (1980-1986 et 1988-1996) et - accessoirement - meilleur buteur de l’histoire du club (346), nourrit toujours autant de regrets chez les supporters des Toffees. Bien que Gallois, né à St Asaph, de l’autre côté de l’embouchure du Dee, à une cinquante de bornes de Liverpool, Rush a toujours été un fan des Blues dont il allait voir les matches avec son frère. L’avant-centre, qui reste à ce jour le meilleur buteur de ces derbies (25), disait préférer jouer à Goodison (allez savoir pourquoi…). Un jour de novembre 1982, après avoir signé un quadruplé, Rush raconta comment le joueur qui l’avait marqué tout le match ne lui adressa pas la parole sur le chemin du retour à la maison. Ce dernier n’était autre que Kevin Ratcliffe, défenseur d’Everton et son compagnon de chambre avec la sélection galloise.

Même le cœur de Gerrard vacilla entre le rouge et le bleu

L’ancien ailier à la coiffure de Spice Boy Steve McManaman fut également l’un d’entre eux (1990-1999). Ce dernier justifia son choix, comme beaucoup d’autres à l’époque, par la meilleure qualité de formation des Reds. Néanmoins, il lui arrivait souvent de crier "Latchford" après avoir marqué un but de la tête à l’entraînement, du nom de son héros d’enfance et ancienne gloire d’Everton Bob Latchford (1974-1981).
Les supporters d’Everton peuvent compter dans leurs rangs un détenteur du Ballon d’or en la personne de Michael Owen. Encore qu’on ne soit plus tout à fait sûr du côté vers lequel penche le cœur du fan des Toffees, passé chez le rival Liverpool puis chez l’ennemi Manchester United, ou capable de célébrer la qualification du Barça face au PSG, d’un tour d’honneur du studio de télévision de BT Sport, lui l’ancien joueur du Real Madrid. Des retournements de veste qui lui valent de nombreuses moqueries sur Twitter.
Si quelques-uns ont porté les couleurs des deux clubs (Dave Hickson, Kevin Sheedy, Steve McMahon, Peter Beardsley, Nick Barmby, Gary Ablett, Don Hutchinson…), rares sont les amoureux des Reds à avoir effectué le chemin opposé. Cependant, le cœur de Steven Gerrard vacilla entre le rouge et le bleu. A l’âge de 6 ans, le futur capitaine emblématique de Liverpool ne savait pas s’il serait un Red ou un Blue et on peut le comprendre à cet âge où l’amour suit parfois simplement un héros de jeunesse, une équipe qui gagne ou même la couleur d’un maillot. Jusqu’à cette finale de Cup 1986 entre les deux rivaux... Le cœur de Gerrard avait viré au bleu après l’ouverture du score de Gary Lineker, mais il était devenu rouge, définitivement, lorsque Liverpool avait renversé la rencontre pour l’emporter 3-1 grâce, notamment, à un doublé de Ian Rush.
Grâce à une bien meilleure politique de formation et de plus grandes chances de temps de jeu à Everton, les Toffees sont, désormais, en mesure de rivaliser avec Liverpool. Grand fan d’Everton, Wayne Rooney aurait, lui aussi, pu rejoindre le camp rouge. Lors d’une journée de détection organisée par les Reds, il amusa les coaches de Liverpool en débarquant au centre d’entraînement du rival avec la tunique des… Toffees. Aujourd’hui, si Tom Davies marche dans les pas de son oncle, Alan Whittle, à Everton, un autre supporter des Blues pourrait porter le maillot rouge ce samedi. Saurez-vous le retrouver ? Indice : son prénom est Adam…

Le jour où Fowler sniffa la ligne

La dualité de certains joueurs est souvent prise avec humour. Encore aujourd’hui, Carragher se fait gentiment chambrer sur Twitter, notamment lorsqu’il débarque à Finch Farm, le centre d’entraînement d’Everton, avec un haut de survêtement des Toffees pour interviewer Romelu Lukaku. Néanmoins, la rivalité n’a pas toujours été aussi cordiale et Robbie Fowler, dont je vous raconterai un jour l’incroyable histoire, peut en témoigner.
Véritable Scouser, originaire de Toxteth, un quartier difficile de Liverpool, et fan d’Everton depuis toujours, l’ancien attaquant a rejoint les Reds à l’âge de 11 ans reconnaissant que le club de Liverpool lui offrirait de meilleures perspectives d’avenir pour lui et sa famille. Mais, en 1999, il fut pris violemment en grippe par les supporters des Toffees faisant courir la rumeur que Fowler avait un penchant pour la drogue, certains allant même jusqu’à tagger le mot "smackhead" ("junkie" ou "camé") en lettres hautes de trois mètres sur la façade de la maison de ses parents.
Le 3 avril, jour du derby à Anfield, le joueur répondit de la meilleure des manières, en signant un doublé qui scellait la première victoire des Reds face à leur rival en cinq ans, mais également de la plus mauvaise lorsqu’il célébra son premier but, sur penalty, en allant sniffer la ligne (blanche) de but sous le nez des fans d’Everton. Fowler révéla plus tard dans son autobiographie qu’il n’avait jamais touché à la drogue, marqué par les décès de son cousin et sa cousine à cause de cette addiction.
Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL, Europe 1 et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, retrouvez dès ce mardi mon Podcast 100% foot anglais sur l'actualité de la Premier League et du football britannique.
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