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Chelsea, battu à Fulham : et si c'était la crise de trop ?

Philippe Auclair

Mis à jour 13/01/2023 à 17:38 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Battu par Fulham jeudi (2-1), Chelsea continue son chemin de croix en 2022-2023. L'arrivée de Graham Potter, pourtant si étranger à l'ADN premier des Blues, n'a pas eu l'effet escompté, au point qu'il est désormais menacé. Mais où va le projet de Chelsea ? Que veut vraiment Todd Boehly pour les Blues ? Notre chroniqueur Philippe Auclair tente de trouver des réponses.

"Chelsea, la pire solution possible pour relancer João Félix"

"Toute crise est aussi une opportunité". Cela, Chelsea le sait mieux que quiconque. Son histoire depuis la prise du contrôle du club par Roman Abramovitch en 2003 pourrait s'écrire en une douzaine de chapitres qui, chacun, conteraient le récit d'une crise et de sa résolution. Une douzaine d'entraîneurs, et pas des moindres, en témoigneraient. Si aucun d'entre eux ne sortit par la grande porte, presque tous, dans le peu de temps qui leur fut accordé, ajoutèrent une ou plusieurs lignes au plus beau palmarès du football anglais du 21ème siècle, riche de dix-neuf titres majeurs, dont cinq championnats d'Angleterre et deux Ligues des Champions. Telle est la stratégie à long terme des Blues : le long terme n'existe pas. Vaincre seul compte.
Ou telle était cette stratégie, jusqu'à ce que Todd Boehly et le fond d'investissement américain Clearlake s'engagent à dépenser quatre milliards et demi sur dix ans pour ce qui était alors le champion d'Europe et du monde en titre. Le nouveau régime entendait rompre avec la politique du 'quand c'est usé, on le jette' de l'ancien, et lorsqu'il s'avéra que la relation des nouveaux propriétaires avec Thomas Tuchel s'était détériorée au point de ne pouvoir être rectifiée, ils se tournèrent vers un manager dont le profil et la personnalité étaient aux antipodes de ceux de ses prédécesseurs, un homme qui, à leurs yeux, pouvait enfin calmer ce volcan en perpétuelle éruption.
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167 millions pour Fernandez et Badiashile : mais où va Chelsea ?

Potter, révolution au goût amer

Graham Potter n'avait ni l'agressivité d'un Conte ou d'un Mourinho, ni le statut d'un Hiddink ou d'un Ancelotti, voire même d'un Scolari. Ses trophées ? Trois promotions et une Coupe de Suède avec Östersund, et c'était tout. Il avait fait un travail honorable avec Swansea en Championship, avant de se faire remarquer à Brighton, qui finit avec le plus grand nombre de points et à la plus haute place de son histoire dans l'élite la saison passée. Ce n'était pas un parcours négligeable pour un coach qui avait alors quarante-six ans, et dont le football anglais ignorait presque tout jusqu'en 2018; mais pour Chelsea, il s'agissait bien d'une révolution - et d'une révolution dont les fruits, à ce jour, ont un goût amer.
On dira que Potter n'est en place que depuis le 8 septembre, un peu plus de quatre mois, donc, une misère. Lorsqu'on demanda au premier ministre de Mao-Tsé Toung, Chou-En-Lai, quel avait été l'impact de la Révolution française de 1789, il répondit qu'il était "encore trop tôt pour en juger". On pense autrement à Chelsea. On ignore ce que les historiens appellent le 'temps long'. On l'ignorait, en tout cas, et on n'aura pas les moyens de l'ignorer longtemps si la dérive actuelle venait à se prolonger. Potter pourrait-il vivre ce que vécut un autre 'atypique', André Villas-Boas ?
Les Blues étaient sixièmes de la Premier League lorsque Thomas Tuchel reçut ses ordres de marche en septembre, quatre jours après avoir battu West Ham en championnat, et le lendemain d'une vilaine défaite contre le Dinamo Zagreb en C1. Ils sont aujourd'hui dixièmes, deux places derrière Brighton, qui semble avoir plutôt bien digéré le départ de leur manager emblématique. Le tirage au sort de la Coupe de la League et de la FA Cup fut des plus sévères pour les Blues : dans les deux cas, c'est Manchester City qui se dressait devant eux dès leur entrée dans la compétition - dont ils sortirent aussitôt, concédant six buts et n'en marquant aucun. Une place dans le Top 4 parait inatteignable, Manchester United, le dernier du quatuor destiné à la C1, comptant déjà dix longueurs d'avance. Il n'y a qu'en Ligue des Champions que Chelsea tient son rang, et le tient au redressement qu'on observa presque immédiatement après l'arrivée de Potter à Stamford Bridge - quelque chose qu'ils sont bien peu nombreux à rappeller aujourd'hui dans les médias anglais.
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Graham Potter, le coach de Chelsea

Crédit: Getty Images

Chelsea, qui avait pris un point sur six lors des deux premières rondes de la phase de groupe, aligna ensuite quatre victoires - dont deux sur Milan - pour finir premier de sa poule. Ce n'est pas rien. Pour les optimistes, cela pourrait même rappeller le miracle de 2011-12, lorsque les Blues de Roberto Di Matteo - et de Didier Drogba -, inexistants en championnat, battirent Naples, Benfica, le Barcelone de Guardiola et le Bayern chez lui pour devenir champions d'Europe pour la seconde fois. Ces optimistes sont de plus en plus rares, et le rendez-vous contre le Borussia Dortmund en huitièmes de finale, ce 15 février, inspire plus d'inquiétude que d'espoir aujourd'hui.

Mercato illisible et infirmerie complète

Malgré tout cela, et même malgré une nouvelle défaite en championnat face à Fulham, qui n'avait battu les Blues qu'une seule fois en 43 ans avant ce succès, Graham Potter n'est pas - encore - fragilisé comme il l'aurait été en d'autre temps. Certains y liront une confirmation de ce que ses propriétaires américains ne comprennent décidément rien au football. Ils avaient commencé par se débarrasser de quasiment toute la hiérarchie du club, dont Marina Granovskaya et Petr Cech, sans avoir la moindre idée, semble-t-il, de l'identité de ceux ou celles qui devraient combler le vide béant qu'ils avaient eux-mêmes créé. Thomas Tuchel se vit bombardé de facto directeur sportif, un rôle pour lequel il n'était pas fait, et détestait - ce qui n'empêcha pas Boehly et ses conseillers de prendre certaines décisions aberrantes au niveau du recrutement, dont Potter fait maintenant les frais bien malgré lui.
La plus folle d'entre elles fut de s'imaginer qu'il était possible de compenser la perte de Romelu Lukaku par l'acquisition d'un Pierre Emerick Aubameyang en bout de course, qui connut l'humiliation suprême d'être remplaçant remplacé (et logiquement) lors de la récente déroute 0-4 en Cup à Manchester City, et que Chelsea pourrait laisser partir pour rien en ce mois de janvier.
Cela, Potter n'y était pour rien. Comme il n'est pour rien dans le fait que Chelsea accumule les blessures comme aucun autre club. La liste vaut d'être citée au complet. Edouard Mendy. Ben Chilwell. Reece James. Wesley Fofana. N'Golo Kanté. Ruben Loftus-Cheek. Christian Pulisic. Armando Broja. Raheem Sterling. Et maintenant, Denis Zakaria, l'une des rares vraies satisfactions de cette saison, touché au genou face à Fulham.
Mutatis mutandis, cette situation rappelle celle de Liverpool en 2020-21, lorsque beaucoup des joueurs-clé de Jürgen Klopp furent victimes d'accidents musculaires pendant l'hiver, et les Reds - invaincus depuis 68 matches à Anfield - subirent six défaites d'affilée dans leur stade. Personne alors n'appellait au limogeage de l'Allemand, pour la simple raison que l'équipe qu'il devait aligner sur le terrain n'avait pas grand-chose à voir avec celle qui lui aurait permis de rivaliser avec Manchester City. Potter n'a certes pas le pedigree de Klopp, de très loin s'en faut, mais il demeure étonnant que les absences forcées qui amputent son Chelsea de quasiment la moitié de ses titulaires (à commencer par Ben Chilwell et Reece James, absolument cruciaux dans un schéma tactique où l'apport offensif des pistons est essentiel) ne soit pas prises en compte comme elles devraient l'être.
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N'Golo Kanté, blessé longue durée avec Chelsea

Crédit: Getty Images

Les vertus de la patience ?

Peut-être Potter n'a-t-il pas la carrure d'être manager d'un Chelsea. Peut-être n'est-il pas assez 'méchant', comme le suggéra un long article du journaliste-vedette du Times, Henry Winter, au lendemain de l'élimination sans gloire des Blues en Coupe d'Angleterre. Il n'est pas un tacticien de génie. Le football qu'il prône est simple, dans sa conception si ce n'est dans son exécution; mais celui de Cruyff l'était aussi.
A Brighton, il pouvait se reposer sur ce qui est peut-être la plus redoutable cellule d'analystes de quelque club de PL que ce soit - à savoir les centaines d'employés de Star Lizard, l'entreprise du propriétaire Tony Bloom, dont le travail consiste uniquement à traiter, sept jours sur sept, des millions de données pour le bénéfice de parieurs professionnels - et des Seagulls. Aucune structure comparable n'est en place à Chelsea. Peut-être en souffre-t-il.
Mais peut-être Boehly et ses associés sont-ils moins naïfs qu'il y parait. Peut-être sont-ils davantage la victime des stéréotypes dont les observateurs de la vieille Europe font usage dès qu'il est question de soccer et d'Américains que de leurs défauts. Peut-être connaissent-ils les vertus de la patience. Graham Potter, on veut le croire, ne fut pas engagé sur un coup de tête, et ce ne sera pas sur un coup de tête qu'ils s'en sépareront.
On ne peut évidemment jurer de rien en football. Ce jeudi, les Blues, qui n'avaient pas perdu contre les voisins de Fulham depuis 2006, sont tombés à nouveau. Joao Felix, aligné d'entrée, quelques heures seulement après la confirmation de son prêt par l'Atlético de Madrid, brillant pendant 57 minutes, trouva le moyen de se faire expulser à la 58ème et sera absent pour les trois prochains matches de son nouveau club, contre Crystal Palace, Liverpool et, de nouveau, Fulham. A Chelsea de montrer que ce fameux 'long terme' signifie bien désormais quelque chose.
Graham Potter, dépité après la défaite de Chelsea à Fulham
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