Crystal Palace : Michael Olise, l'embarras du choix

Alors que Crystal Palace n'avait pas remporté la moindre rencontre en 2023, les Eagles ont pris leurs distances avec la zone de relégation après trois victoires de rang. Roy Hodgson a peut-être remplacé Patrick Vieira mi-mars, mais un des grands artisans de ce renouveau s'appelle Michael Olise. S'il ne fait probablement pas encore partie des Français les plus connus de Premier League, son état civil est pour le moins singulier. Les footeux binationaux sont légion, ils sont plus rares à pouvoir prétendre à trois nationalités sportives. Le natif de Hammersmith, à Londres, fait mieux : il est "quadrinational". Né de l'union d'une maman franco-algérienne et d'un papa anglo-nigérian, Michael n'a encore jamais vécu en dehors des frontières du Royaume.

Du fait de ses récentes performances, le destin de l'international Espoirs a pris une autre tournure. Il y a quelques semaines, les Bleuets affrontaient les Young Lions, chez lui, en Angleterre. "Je suis fier de jouer pour la France", lâchait-il dans l'Équipe en novembre 2022. Interrogé, son sélectionneur Sylvain Ripoll répond avec prudence : "J'évite d'aborder ces choses trop vite. J'ai eu l'écho qu'il était très intéressé par la nationalité française. Avec nous, je l'ai senti très impliqué, investi, heureux d'être là. Je ne me pose pas plus de questions."

Si Olise attire autant l'attention, c'est parce que ses dernières sorties ont marqué les esprits. Comme face à Leeds (5-1) récemment, quand il s'est offert un triplé de passes décisives. Cette saison, il a déjà joué presque deux fois plus que la précédente : 2127 minutes en PL (30 apparitions, 24 fois titulaires), contre 1138 (26 apparitions, 12 titularisations).

Son histoire démarre dans le club de Hayes, à l'ouest de Londres. Sean Conlon, qui dirige l'école de foot "We Make Footballers", se souvient : "J'allais voir des U7 comme recruteur pour QPR. Il allait probablement être trop bon pour eux. Il était gracieux dans ses mouvements, athlétique, il volait sur le terrain. Il était déjà avec Arsenal, c'est un de leur scout qui me l'avait recommandé. J'ai travaillé à Chelsea et j'avais toujours des contacts." A cet âge, il est possible de s'entraîner avec plusieurs clubs en même temps. Au final, il opte pour les Blues en U9, jusqu'à son départ d'un commun accord en U14. "Beaucoup le considéraient comme le meilleur jeune du pays dans sa catégorie. Il était très apprécié, mais parfois, il y a des frustrations chez les ados. Il avait besoin de partir pour son développement. C'était un garçon avec une intelligence avancée, ça pouvait être difficile, il fallait qu'il trouve sa voie." Après quelque temps à Manchester City, Michael se retrouve sans club plusieurs mois, avant que Reading ne le repère en 2015.

A 15 ans, Michael doit assimiler que tout ne se passe pas toujours comme prévu. "C'était dur pour lui d'avoir ce talent mais de devoir faire une pause quelques mois. L'Academy de Reading n'est pas la même que Chelsea ou Manchester City. Ça a probablement été un peu humiliant, mais il a développé de la résilience. Il a trouvé un équilibre entre la confiance en soi et la prise de conscience que rien n'est jamais acquis." À Reading, en Championship, il gravit les échelons et fait ses débuts professionnels en mars 2019, à 17 ans et 3 mois. Il intègre les pros l'année suivante, avant d'exploser en 2020-21 et d'être nommé meilleur jeune de l'année. "C'était bien d'aller dans ce genre d'environnement. Il n'avait été habitué qu'au plus haut niveau. Il a gardé la tête sur les épaules et a fait ses preuves. Pour tout joueur qui a de telles qualités naturelles ça peut être facile, il ne voit pas forcément la nécessité de travailler dur pour réussir. Michael a été capable de gérer ça, de redoubler d'efforts, de faire preuve de discipline."

Michael reste jeune et doit encore s'aguerrir, comprendre qu'il faut travailler pour toute l'équipe. Pour qu'il soit plus assidu dans le repli défensif, son entraîneur, Mark Bowen, tente un coup. Dans So Foot, ce dernier raconte qu'il l'a envoyé en U21 pour jouer milieu défensif. "Il délivrait quelques coups d'éclat, avant de perdre le ballon. Et puis, il revenait en marchant", expliquait-il. Ce dernier racontait dans l'Evening Standard ce côté "showman" : "Il montait littéralement sur la balle et invitait les défenseurs à venir. Les plus âgés lui rentraient dedans, pour faire passer un message. Il ne se plaignait pas. Il me regardait, hochait la tête et repartait […]. Je le prenais à part : 'Attention Michael, tu as des capacités, utilise-les intelligemment'".

A l'été 2021, direction Crystal Palace pour 10M€. Il rejoint des joueurs comme Wilfried Zaha ou Eberechi Eze, des street footballers, qui savent manier le cuir. "Ce qu'il faisait à 14 ans, on le voit aujourd'hui en Premier League. Cette incroyable capacité à trouver des espaces, une aisance à la réception du ballon, avec toujours le prochain mouvement en tête pour créer quelque chose… Tout ce qui le rendait spécial à l'époque est toujours en lui." Son intégration est progressive dans le sud de Londres. Patrick Vieira veut prendre son temps, même si les attentes sont fortes. Début 2022, il commence véritablement à se montrer, mais il rate la fin d'exercice et la présaison sur blessure.

Depuis, il confirme les espoirs fondés en lui. En janvier, Olise a égalisé sur un coup franc magistral à la 91e minute contre Manchester United. Sean Conlon abonde : "Tout le monde m'envoyait des messages. Je ne suis pas surpris. J'ai toujours su qu'il y arriverait, même quand il n'avait pas de club. Je lui disais : 'Tu vas montrer à tout le monde que tu peux aller très, très haut.'" Ses performances n'ont pas laissé Sylvain Ripoll insensible : "Il amène de la fluidité, il est capable de donner de bons ballons verticaux ou de servir les appels profonds. Il comprend quand il faut accélérer ou être dans la maitrise. Il joue tête levée et prend les infos autour." Quand il était encore en poste, Patrick Vieira s'est souvent montré élogieux, lui donnant beaucoup de liberté. Le sélectionneur des Espoirs poursuit : "Il sécurise le jeu en possession, il perd très peu de ballons bêtes. Il sait alterner entre jeu court et long, avec des moments de percussion individuelle."

Avant son départ, Patrick Vieira avait insisté sur les progrès réalisés par son protégé dans le jeu sans ballon. En octobre dernier, Arsène Wenger lui disait d'être plus décisif. Sur ces aspects, à 21 ans, sa marge de progression est importante. Tous soulignent l'état d'esprit de ce formidable joueur d'échecs. Sean Conlon est dithyrambique : "C'est un des footballeurs les plus intelligents que j'ai vus. Je pense que c'est un génie. Quand il était à City, on m'a raconté qu'un jour, il patientait dans la salle d'attente pour signer un truc. Il lisait un énorme roman à une vitesse dingue, ils n'avaient jamais vu personne faire ça."

Sa participation à l'Euro U21 en juin avec la France pourrait être une nouvelle étape décisive, un pas de plus vers son allégeance. "Je m'exprime peut-être un peu plus doucement, et il comprend très bien. Il cherche parfois un peu plus ses mots, mais il s'exprime en français", conclut Sylvain Ripoll. Avec Crystal Palace, il reste 7 rencontres jusqu'à la fin de saison, et le bruit court déjà que plusieurs clubs sont sur les rangs pour le recruter… L'été de Michael Olise pourrait être rythmé.