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Premier League - Liverpool : Jürgen Klopp, plus que jamais l'homme de la situation

Philippe Auclair

Mis à jour 07/03/2023 à 16:59 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Discuté mais toujours debout : Jürgen Klopp reste l'homme qu'il faut aux Reds. Au coeur d'une saison compliquée et après avoir balayé Manchester United lors d'un dimanche historique (7-0), le manager allemand est une boussole qui montre la bonne direction à un club de Liverpool qui se retrouve entre deux eaux et manque de certitudes.

Le visage de Jürgen Klopp sur un mur de Liverpool

Crédit: Getty Images

Marquer sept buts, Jürgen Klopp et Liverpool savent ce que c'est; en prendre sept aussi. Ce dimanche 4 octobre 2020, ils se présentaient à Villa Park forts de trois victoires en trois matches, et pas contre n'importe qui : le Leeds de Bielsea, Chelsea et Arsenal. Un bilan digne du champion en titre qu'ils étaient.
Deux heures plus tard, ils sortaient de la pelouse la tête basse, en état de choc. Les Villans l'avaient emporté 7-2. Sept buts ! Invraisemblable. Pour trouver un précédent à cette annihilation, il fallait remonter à 1963, quand le Liverpool de Shankly en était encore à apprendre à respirer au sommet de la pyramide du football anglais, qu'il n'avait gravie que deux ans plus tôt.
Klopp se borna alors à dire "nous avons perdu la boule" pour toute explication, et peut-être n'y en avait-il pas d'autre. Il s'agissait bien d'un freak result. Les Reds ne perdraient pas un seul de leurs douze matches de championnat à suivre. Victimes d'une invraisemblable série de blessures, ils fléchiraient ensuite au printemps, pour se reprendre à temps et obtenir une nouvelle qualification pour la Ligue des Champions.
Il y avait deux leçons à retenir de la gifle reçue à Birmingham : la première, qu'un revers aussi spectaculaire que celui reçu à cette occasion ne mérite pas nécessairement d'être considéré comme le révélateur d'un mal plus profond; la seconde, que Liverpool - celui de Klopp, en tout cas - est un animal à part, à qui il arrive d'avoir des moments d'égarement qui sont le pendant de ce qui fait sa force, sa capacité à fusionner les énergies individuelles en un tout irrésistible. Car si Aston Villa fut un moment d'égarement, il ne fut pas le seul.

Le dosage de Liverpool

Liverpool repose avant tout sur un équilibre des forces, un mélange d'éléments qui, lorsque le dosage est bon, produit une réaction capable de faire exploser quelque obstacle avec lequel il entre en contact, comme Barcelone explosa un certain soir de mai 2019, et Manchester United le fit encore ce dimanche; et qui, lorsqu'il est imparfait, en fait la première victime. L'explosion devient implosion. C'avait été le cas à Villa Park. Et ce l'avait été le mois dernier à Anfield, lorsque le Real Madrid renversa si spectaculairement la situation dans un match que les Reds avaient pourtant entamé à la perfection (2-5).
Cela, c'est le côté "humain, trop humain" des Reds, trop souvent en évidence cette saison, déjà évoqué ici, au point qu'on a pu se demander si Klopp, parvenu au terme de son septennat à Liverpool, ne vivrait pas à nouveau ce qu'il avait vécu à Mayence et au Borussia Dortmund au bout du même mandat, comme si le “7” était son “13” à lui.
La comparaison est pourtant absurde. Il y a moins d'un an, Liverpool visait encore un quadruplé inouï qu'aucune équipe au monde n'a jamais accompli, et qu'ils ne manquèrent que d'un presque rien. Depuis, Klopp a eu à gérer, en sus des blessures, des départs qui ne se limitaient pas à celui de Sadio Mané, dont on mesure peut-être seulement maintenant ce qu'il apporta aux Reds. Michael Edwards, directeur sportif du club, une figure-clé dans sa transformation au cours des dix dernières années, n'est plus là. Son successeur Julian Ward, qui le remplaça l'été dernier après avoir été son adjoint, s'en ira au terme de cette saison, ce qui, autrement dit, signifie qu'il est déjà parti.
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Les propriétaires de Liverpool, le Fenway Sports Group, n'en ont pas encore fini de leur valse-hésitation chantée sur un air de folklore normand, “j'vendrai-t'y, j'vendrai-t'y pas”, qui n'est pas des plus emballants pour quiconque voudrait entrer en piste. Et Thiago Alcantara est de nouveau blessé. Comme Luis Diaz l'est toujours, et Diogo Jota le fut, Virgil van Dijk aussi.
S'il est bien une personne dont Liverpool ne puisse pas se passer aujourd'hui, ce n'est pas du magique Mo Salah, c'est de son entraîneur, le seul à garder la tête froide dans l'état de surchauffe que son football encourage, et que les turbulences que traverse son club n'ont rien fait pour tempérer. Personne ne sait mieux que lui que son équipe a atteint le seuil de vérité des plus grandes équipes, celui auquel le renouvellement est devenu indispensable, en faisant fi des émotions partagées jusque-là.

Les moyens sans les certitudes

Si très peu de managers, à tout le moins de managers de l'ère moderne, se sont vus offrir une mission comparable, c'est que très peu l'ont méritée. Alex Ferguson était passé maître dans cet exercice; mais il était soutenu par une structure qui lui donnait les moyens de vivre au-delà du court terme, une structure dont la stabilité était garante de la sienne. Arsène Wenger vit ses mains liées par le garrot financier du passage de Highbury à l'Emirates. Pep Guardiola, le seul coach contemporain qui, avec Klopp, puisse leur être comparé dans le contexte du football anglais, dispose de ressources qui ne sont limitées que par les contraintes supposées du fair-play financier.
Klopp, lui, est dans une situation autre. Les moyens sont là, mais pas les certitudes. FSG, toujours hésitant quant à son engagement futur, ne s'alignera pas sur Chelsea et Newcastle sur le marché des transferts.
Les signes sont pourtant là que la transition a commencé. Klopp avait su assembler le plus beau trio offensif du football européen contemporain en l'espace de trois saisons. Roberto Firmino, qui peina dans un premier temps, était arrivé en 2015 (et s'en ira dans quelques mois). Sadio Mané l'avait suivi en 2016 (mais est désormais au Bayern). Mohamed Salah avait complété le brelan d'as en 2017 - sans oublier un joker nommé Divock Origi. En l'espace d'un tout petit peu plus de deux saisons, Klopp pourrait en faire un poker.
Diogo Jota a ouvert le bal en septembre 2020. Luis Diaz a rejoint le Portugais en janvier 2022, Darwin Nuñez cinq mois plus tard. Cody Gakpo n'est un Red que depuis quelques semaines. Avec un Salah toujours capable de caresser les sommets, ce que ceux-là peuvent offrir ensemble fait rêver. Comme le temps continue de s'accélérer, sans qu'on sache trop pourquoi, on a émis des doutes sur Nuñez et (et là, on frôle le ridicule) sur Gakpo, comme s'il fallait que ce trio trouve aussitôt ses marques. Ils l'ont fait dimanche. Ce qu'on devrait comprendre est qu'en le faisant, ils étaient en avance sur ce qu'on est en droit d'attendre.
Ceci est inhabituel. D'ordinaire, on ne reconstruit pas une équipe en partant de sa pointe, mais de sa défense ou de son milieu, deux segments dans lesquels ce Liverpool montre son âge, et ses limites, que l'éclosion de Stefan Bajçetić rend encore plus sensible.
Mais en faisant cela, Klopp reste fidèle à lui-même, en ce que n'est jamais la crainte qui le motive, mais l'espoir. Autrement dit, l'homme d'une situation qui n'est pas aussi inquiétante qu'on a bien voulu le dire.
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