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Une Premier League sans VAR est-elle réellement possible ?

Philippe Auclair

Mis à jour 17/05/2024 à 12:41 GMT+2

Cette semaine, les Wolverhampton Wanderers ont demandé à ce que soit inscrit à la prochaine assemblée de la Premier League la question de l'abandon de l'assistance vidéo à l'arbitrage (VAR) sur fond de grogne des supporteurs. Dans sa chronique, Philippe Auclair s'interroge : le championnat d'Angleterre va-t-il réellement se passer du VAR ?

La Premier League peut-elle, vraiment, abandonner le VAR ?

Crédit: Getty Images

Les Suédois l'ont fait. Pas de VAR qui tienne dans leurs compétitions.
Et si les Anglais faisaient de même, maintenant que Wolverhampton Wanderers a eu le culot d'inscrire la question de l'abandon du VAR à l'agenda de la prochaine AGM de la Premier League, le 6 juin prochain ?
La chose a de quoi surprendre. En Suède, passe encore: ce sont les supporters qui font la loi. La règle du 50 + 1 y est appliquée encore plus strictement qu'en Allemagne. On ne trouvera pas d'équivalent du Bayer Leverkusen ou du RB Leipzig en Allesvenskan, et dès que 18 des 32 clubs qui constituent l'élite du du football suédois (*) firent savoir qu'ils étaient opposés à l'introduction du VAR, pourtant souhaitée par le président de leur fédération Fredrick Reinfeldt, la cause était entendue. Au pays de Zlatan, la vox populi est bien la la vox dei.

Le VAR à la poubelle

La situation est évidemment différente en Angleterre, où le seul club de Premier League qui ait encore un actionnariat populaire significatif, Luton Town, vient d'être relégué. La voix des fans peut porter, et loin, comme on le vit lors de la débâcle de la Super League, ou lorsqu'ils obtinrent la limitation du prix des billets pour les supporteurs en déplacement, ou l'introduction du safe standing dans les tribunes. Ce n'est pas rien. Mais cette influence a ses limites, et quels que soient les souhaits des fans anglais en la matière - et ils sont clairs : le VAR à la poubelle! - , il est improbable que les clubs du championnat le plus riche du monde y prêteront attention.
Ces clubs, ne l'oublions pas, étaient partisans de l'assistance vidéo et adoptèrent son introduction à l'unanimité en novembre 2018. Un an plus tard, le championnat d'Angleterre emboîtait le pas de la Bundesliga et de la Serie A et introduisait le VAR dans sa compétition. Quelle mouche a donc piqué les Wolves ?
La réponse tient peut-être en un message posté sur X par the spécialiste de la VAR dans les médias britanniques, le journaliste d'ESPN Dale Johnson, qui a répertorié les clubs de Premier League ayant le plus bénéficié des décisions de l'assistance vidéo au cours des cinq dernières saisons. Et quel club arrive tout en queue du peloton? Les Wolves, bien sûr, avec un score négatif de -17.
Ce qui signifie en clair que, dix-sept fois, le recours à la VAR a eu pour conséquence la rectification d'une décision arbitrale qui, si cette maudite technologie n'était pas intervenue, aurait dû profiter aux Wanderers, qu'il s'agisse de pénaltys accordés ou refusés ou de buts annulés ou validés pour des hors-jeu qui avaient échappé aux assistants ou avaient été incorrectement accordés par ceux-ci.Les Wolves s'étaient d'ailleurs plaints de ce "traitement de défaveur" auprès de la PL il y a un mois de cela. Mais là, disent-ils en privé, n'est pas la motivation de leur proposition.
It's not football anymore
Ce n'est pas l'amertume qui les guide, mais le désir de rectifier une dérive qui exaspère leurs supporters. "L'âme du jeu, que les fans de football ont aimé depuis plus d'un siècle, est en passe d'être extirpée de l'élite", selon un de leurs dirigeants cité par Sky Sports. "Ça fait cinq ans que nous avons le VAR, et les choses ne s'améliorent pas. En fait, le produit que propose la Premier League, en tant que spectacle, est en train de se dégrader. Et nous devons écouter nos supporters" (*). Des supporters qui, à Molineux, ont fréquemment entonné une chanson qui se passe de traductions, "it's not football anymore" chaque fois que ce maudit VAR est intervenu - et déploient même une banderolle frappée de ces mots lors de leurs matches à domicile.
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La grogne des supporteurs de Wolverhampton contre le VAR

Crédit: Getty Images

Un sondage effectué cette semaine par la Football Supporters Association suggère que les fans des Wolves ne sont pas les seuls à en avoir assez des interminables interruptions qui émaillent désormais quasiment tous les matches de Premier League. 77,2% des 11,000 personnes qui ont répondu à la FSA se sont déclarées favorables à la proposition des Wolves. S'il n'en tenait qu'aux supporteurs...mais ce ne sont pas eux qui voteront le 6 juin.
Ce seront les vingt actionnaires de la Premier League, dont quatorze au moins devront se prononcer en faveur de la motion des Wolverhampton Wanderers pour qu'elle soit adoptée; et cela parait impossible aujourd'hui, malgré l'importance qu'a pris le débat sur toutes les plateformes dédiées au football en Grande-Bretagne.

Les clubs embarassés

L'impopularité du VAR dans le grand public fait que ces clubs qui entendent la conserver - et ils sont la majorité - se montrent des plus prudents dans leur communication sur le sujet. Liverpool a été le seul de ceux-là à montrer le bout du nez en partageant quelques confidences avec l'agence PA.
D'autres dirigeants d'autres clubs ont exprimé la même opinion sous le couvert de l'anonymat. Le consensus semble être: "peut mieux faire, doit progresser, mais le potentiel est là" - même si les arguments présentés ne sont pas toujours des plus convaincants. Serait-il vraiment préjudiciable pour les clubs anglais engagés en Europe de devoir jouer sous les auspices du VAR sur le continent quand ils ne le font plus chez eux, par exemple ?
L'espoir, parmi les défenseurs du statu quo, est que l'adoption de quelques mesures de correction des imperfections de la VAR lui permettra d'évoluer dans le sens souhaité par tous les acteurs du jeu. Par exemple, l'introduction de la détection semi-automatique des hors-jeu, prévue pour l'automne 2024, devrait accélérer le processus de vérification de plus de trente secondes en moyenne. Sera-ce suffisant pour convaincre les sceptiques ? A voir. Les Wolves auront au moins eu le mérite de poser la bonne question; car bonne, elle doit l'être, vu l'embarras ressenti par ceux qui doivent y répondre.
(*) Allesvenskan, division 1, 16 équipes; Superettan, division 2, 16 équipes.
(*) Le club des Midlands a détaillé ainsi les principales raisons du mécontentement des supporteurs : impact sur les célébrations de buts et la passion spontanée qui rendent le football unique; frustration et confusion dans les stades en raison de la longueur des interventions du VAR et du manque de communication avec le public; une atmosphère plus hostile dans les stades, avec des chants contre le VAR et des huées pour accueillir l'hymne de la PL; diminution de l'autorité et de la responsabilité des arbitres de champs; la persistance d'erreurs malgré les interventions du VAR, qui sapent encore plus la confiance que les spectateurs ont dans le corps arbitral; impact négatif sur le rythme élevé de la PL, et temps additionnel excessif; discussions constantes autour des interventions du VAR dans les médias au dépens des matches eux-mêmes, etc, etc.
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